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DIPLOME D’ECOLES PRIVEES

Oumar rit, Seyba pleure !

Oumar et Seyba sont tous deux sortis de l’Institut de gestion et de langues appliquées aux métiers avec des maîtrises en communication. Le premier, étudiant professionnel, bénéficie aujourd’hui d’un avancement dans son service, le second, régulier, frappe en vain aux portes de la fonction publique. D’où des interrogations.

Oumar est âgé de 49 ans. Détenteur d’un CAP en électricité d’une école professionnelle, travaillait comme technicien son dans un service public de communication. Sentant sa retraite proche, il décide à 45 ans de retourner sur les bancs pour approfondir ses connaissances et bénéficier d’une situation plus confortable pendant ses vieux jours.

Sa décision fait grincer des dents et plus d’un dans sa famille comme dans son service se sont tordus de rire. « Que vas-tu apprendre encore ? Tu es déjà au bord de ta tombe. Avec tous les problèmes de la vie quotidienne, te crois-tu capable d’assimiler des leçons ». Autant de questions, dit-il, qui accueillaient sa décision. Marié et père de huit enfants, l’homme avait déjà tout planifié.

Décidé qu’il était, Oumar va s’endetter auprès d’une banque pour s’inscrire dans un institut privé, Iglam, en communication en vue de l’obtention d’une maîtrise. « Ce n’était pas facile d’autant plus que c’était des cours de jour et j’étais au milieu des jeunes ayant l’âge de mes enfants. Je devais, en plus, faire face à mon programme habituel au service sans compter les autres charges. Dieu merci, j’ai pu relever le défi », témoigne aujourd’hui l’ex-vieil étudiant.

Ce parchemin a, aujourd’hui, changé le cours de la vie d’Oumar. Fonctionnaire de l’Etat, il a bénéficié d’un reclassement au sein de son service avec, à la clé, un nouveau poste, une augmentation de salaire et un prolongement de l’âge à la retraite. « Mon objectif est atteint. Si j’avais écouté ceux qui se moquaient de moi, je n’en serais pas là de nos jours. Et beaucoup d’entre eux, d’ailleurs, sont retournés à l’école », affirme-t-il, l’air moqueur.

Procès contre l’Etat

« De l’injustice, rien que de l’injustice, de la discrimination », ne cessait de fulminer Seyba en apprenant cette nouvelle. En effet, Seyba est un promotionnaire d’Oumar à l’Institut. Et de surcroît, son voisin de table durant toutes les 4 années d’études. Admis au bac comme candidat libre, un de ses oncles résidant à Paris, avait financé les frais d’études de Seyba, qui jurait de ne faire que les métiers de la communication.

A 26 ans, il décroche sa maîtrise et guette avec impatience le concours d’entrée à la Fonction publique. Le concours lancé, Seyba est parmi les premiers à se présenter à la direction nationale de la fonction publique. « L’agent a pris mes dossiers et quelle ne fût ma surprise quand il m’a dit que mon diplôme n’est pas valable, car non reconnu par l’Etat. J’ai failli tomber en syncope. Près de 2 millions de frais d’études pour rien ? M’interrogeais-je », se rappelle-t-il encore de ce jour fatidique.

« Je ne comprenais pas pourquoi le diplôme de mon voisin a été reconnu et le mien rejeté. Est-il plus Malien que moi ? Je me rendis à l’école pour demander des comptes. Le promoteur m’a dit qu’il n’a rien à voir avec ça. Il m’a montré la décision du ministère autorisant l’ouverture de son établissement et qui atteste qu’il est dans la légalité. Le reste était mon problème », explique-t-il.

Seyba jure, toutefois, de ne pas baisser les bras. Car, pour lui, il est inconcevable que l’Etat accorde des agréments aux écoles et refuse de reconnaître les diplômes délivrés par celles-ci. « Avec des camarades de promotion, nous envisageons de contacter des avocats et d’intenter un procès contre l’Etat. Nous ne pouvons pas perdre nos sous et la Fonction publique. C’est injuste », clame-t-il.

Sidiki Y. Dembélé


CE QUE J’EN SAIS

Les otages de l’incohérence politique

Deux ans après son accession à l’indépendance, le Mali a créé de grandes écoles dans tous les secteurs socioéconomiques. Cela afin de se doter en cadres de qualité, en nombre suffisant et à moindre coût. Et ces grandes écoles ont accompli pleinement leurs missions en assurant la formation de cadres de haut niveau non seulement pour le Mali, mais aussi pour plusieurs autres pays africains.

Mais, à partir des années 1990, les effectifs étant devenus pléthoriques, ces établissements avaient cessé de fonctionner comme de grandes écoles et s’étaient transformés en véritables facultés sans en avoir le statut. C’est presque à la même période que les premiers établissements supérieurs privés ont fait leur apparition.

Auparavant, les écoles privées n’étaient pas légion au Mali. Et jusqu’à une date récente, celles qui avaient vu le jour, opéraient dans le créneau de l’enseignement fondamental et secondaire. Les établissements supérieurs privés ne datent que de l’ère démocratique qui a consacré la libéralisation de plusieurs secteurs, dont celui de l’éducation. Aujourd’hui, il existe une trentaine d’écoles de ce genre parmi lesquelles moins d’une dizaine fonctionne effectivement et répond aux normes de formation admise.

Et si au départ, elles offraient seulement des formations courtes (bac +2), elles ont de nos jours, élargi leurs gammes avec des formations de troisième cycle. Mais, il convient de souligner que le développement de filières courtes de formation directement liées aux opportunités d’emploi est l’un des objectifs majeurs du Programme décennal de développement de l’éducation (Prodec), mis en œuvre en 1999.

Cette politique a suscité beaucoup d’engouement car elle a favorisé la floraison des écoles privées de formation professionnelle au grand bonheur des parents et de leurs enfants. Un engouement aujourd’hui contrarié par des questions d’équivalence et de reconnaissance de diplôme.

L’Etat a fermé la porte de la Fonction publique aux diplômés des écoles supérieures privées de formation. Paradoxalement, il y envoie ses fonctionnaires dans le cadre d’un programme de formation continue. Et ceux-ci sont automatiquement reclassés à la fin de leur formation.

Il faut souligner que l’Etat a pipé les dés dès le départ. Dans la réglementation, il est dit que seul l’Etat est habilité à délivrer des diplômes, les écoles privées ne pouvant fournir que des attestations de réussite, sauf si la même formation existe dans l’enseignement public.

Dans ce cas, les étudiants sont alors autorisés à subir l’examen terminal dans l’établissement public correspondant et en cas de succès obtenir le diplôme national. Certaines écoles, dont les formations sont assurées en partenariat avec un établissement étranger (Belgique, Maroc, Canada, France…) délivrent des diplômes étrangers.

La loi n°94-032 portant statut de l’enseignement privé en République du Mali et le décret n°94-276/P-RM du 15 août 1994 fixant les modalités de son application, sont remis en question par les promoteurs d’écoles privées qui accusent le dispositif légal actuel de leur causer de sérieuses difficultés comme la non reconnaissance de leurs diplômes.

Autre paradoxe, c’est que l’article 8 de l’arrêté interministériel n°96/MEFPT du 17 juin 1996, portant équivalence des diplômes délivrés par les établissements privés reconnus d’utilité publique (dans les filières autres que celles existant dans l’enseignement public), stipule pourtant que ces parchemins sont reconnus de plein droit et qu’ils ont les mêmes effets que ceux délivrés par l’Etat pour la poursuite des études et pour l’exercice d’une profession.

Le même article 8 précise que lorsque l’établissement privé forme dans une filière existant dans l’enseignement public, il doit présenter ses candidats aux examens de l’Etat. Malheureusement, toutes ces dispositions ne sont que théoriques. La pratique est tout autre. Si l’on s’en tient aux déclarations de certains promoteurs, le gouvernement n’a jamais autorisé leurs étudiants à composer avec ceux de l’enseignement public. La candidature de leurs étudiants est systématiquement rejetée.

Pour passer des examens comme celui de l’Institut universitaire de gestion (IUG), les étudiants sont obligés de se débrouiller par leurs propres moyens ou se présenter en candidats libres (CL). Une discrimination qui ne se justifie pas d’autant plus que, même pour les filières qui n’existent pas dans le système public, les écoles privées remplissent les conditions d’utilité publique. Un établissement d’enseignement privé, légalement ouvert, est reconnu d’utilité publique lorsqu’il présente un effectif minimum de 60 élèves. Un plancher largement dépassé par ces écoles. Mieux, elles suivent les mêmes programmes que le public pour les filières qu’ils ont en commun.

On ne peut donc que se poser des questions sur ce dysfonctionnement du système éducatif malien. Comment refuser l’accès au concours d’entrée à la Fonction publique à des étudiants du privé tandis qu’une fois leur formation achevée dans la même école privée, leurs fonctionnaires sont intégrés au niveau correspondant à leur nouveau diplôme ? En effet, des dizaines de fonctionnaires des services économiques, des douanes, des impôts, du trésor, sont annuellement et officiellement inscrits dans les établissements supérieurs privés. Et comme le dit un promoteur, « ce paradoxe est la preuve de mauvaise foi du ministère de l’Education nationale ».

Le problème reste donc entier et s’amplifie même puisque les écoles supérieures privées accueillent de plus en plus d’étudiants qui paient au prix fort (300 000 à 4 millions de F CFA/an) leur formation. Et dire qu’à la fin de si onéreuses études, on se retrouve avec un diplôme qui ne vaut guère un Kleenex, il y a de quoi se poser des questions sur la sincérité de la volonté politique en matière de formation professionnelle et d’emplois.

Moussa Bolly



ETABLISSEMENTS PRIVES

De l’excellence au gagne-pain

Les établissements d’enseignement étatiques que sont les lycées à eux seuls ne sont plus capables de contenir le flux des élèves. Ce flux augmente d’année en année. A la rentrée prochaine, le Mali comptera plus de 26 000 élèves inscrits dans les lycées.

C’est la loi n°94-032 du 25 juillet 1994 qui définit le statut de l’enseignement privé au Mali. Elle indique que « l’autorisation de créer, d’ouvrir, de diriger un établissement privé d’enseignement est accordé par le ministre chargé de l’ordre d’enseignement concerné sur demande déposée auprès de l’autorité administrative de la collectivité d’accueil qui délivre au déclarant un récépissé de dépôt et transmet la requête au ministre concerné ».

Les dossiers de création comportent divers documents, entre autres, une note de présentation de l’établissement, un plan détaillé des locaux et des installations sanitaires, la nature de l’enseignement. Le promoteur n’est pas en reste. Il lui est exigé en plus de l’acte de naissance, le casier judiciaire, un certificat de nationalité, une note biographique qui indiquent les antécédents des cinq dernières années, les domiciles et professions successifs. S’il s’agit d’un promoteur étranger, celui-ci doit, en plus des pièces suscitées, justifier qu’il remplit les conditions d’établissement des étrangers au Mali.

« Le dossier de création d’un établissement privé est étudié dans un premier temps par des experts du ministère puis est diligenté l’inspection pour avis. Lorsque cet avis est favorable, une décision est prise et remise au promoteur pour l’autoriser à créer son établissement. Idem pour l’ouverture de l’établissement. Si le promoteur n’est pas enseignant de profession, c’est un arrêté du ministre qui lui donnera droit de créer son établissement, après avoir bien sûr rempli les conditions et s’il s’agit d’un enseignant une simple décision est prise », indique notre source.


Détournement

Par ailleurs, la création d’un établissement d’enseignement n’est pas soumise à un paiement quelconque de taxes exceptées celles que les promoteurs doivent au titre de taxes à leurs collectivités locales, nous renseigne notre interlocuteur.

La création d’établissements d’enseignement privé tels les lycées ou autres structures d’enseignement secondaire général ou technique privées est une action appréciée par l’Etat, confirme un haut responsable du département de l’Education nationale. A ses dires, sans l’apport des établissements d’enseignement privés, les structures étatiques enregistreraient une pléthore d’élèves par classe.

Aux lycées, on n’aurait ainsi pas moins de 150, voire 200 élèves par classe. Toutes choses qui nuiraient à une bonne éducation des apprenants et s’avéreraient un gros fardeau pour les enseignants malgré leur volonté de faire assimiler aux élèves les cours qu’ils dispensent.

Les établissements d’enseignement privés étaient des écoles prisées à cause du sérieux qui les caractérisaient et des parents d’élèves aisés n’hésitaient pas à y inscrire leurs progénitures, sûrs qu’elles en sortiraient avec un niveau et un parchemin respectables.

Malheureusement, de nos jours, la création et l’ouverture d’un établissement d’enseignement par des privés sont devenues pour beaucoup plus un gagne-pain que l’expression d’une volonté réelle de former de futurs cadres compétents. C’est ce que déplore notre interlocuteur pour qui, la médiocrité, dans laquelle s’installent de plus en plus certains établissements d’enseignement privés, ne découle pas des textes.

Denis Koné



RECONNAISSANCES DES DIPLOMES

Deux poids, deux mesures


Incompréhensible ! C’est le sentiment général qui découle de l’accord d’établissement des écoles privées et de la non-reconnaissance par le même Etat de leurs diplômes. Cri de révolte de promoteurs et de diplômés.

Issa Kéita (diplômé) :

« On a été formé par les enseignants de l’ENA, de la Flash et d’autres facultés de l’Université de Bamako. Ce sont les mêmes professeurs. Je ne comprends pas pourquoi l’Etat refuse de reconnaître nos diplômes alors qu’il y a des universités privées dans la sous-région dont les diplômes sont acceptés pour le concours d’entrée à la Fonction publique. C’est injuste ! »


Mamadou Lamine Drabo (directeur d’Isga) :


« Les diplômes des universités privées ne sont pas acceptés aux concours d’entrée à la Fonction publique. L’Etat c’est le tout. Il a ses raisons pour ne pas reconnaître les diplômes des écoles privées. C’est une politique gouvernementale. Il faut un temps pour voir dans quelle condition ces écoles travaillent… Les universités privées sont récentes au Mali. Elles se sont vite développées. Pour reconnaître leurs diplômes, il faut un dialogue franc entre elles et le ministère. Je pense que l’Etat donne des agréments à ces écoles pour permettre aux jeunes gens de continuer leurs études. Après leurs études, ils pourront travailler dans les structures privées ».


Oumou Diarra (diplômée) :


« Nous payons nos études et quand nous avons nos diplômes, nous ne pouvons pas nous présenter au concours d’entrée à la Fonction publique. Seulement les diplômés des facultés de l’Université de l’Etat sont acceptés. Aussi, les diplômes parallèles, c’est-à-dire, ceux qui ont des diplômes des universités privées dans d’autres pays, sont autorisés à se présenter aux concours de la Fonction publique. L’Etat doit changer ce système. Il a tout le pouvoir de contrôler les universités privées d’ici. Il peut bien les obliger à travailler dans les normes requises. Mais, pourquoi accepte-t-on des diplômes des universités privées des autres pays alors qu’on n’a aucun pouvoir sur ces universités ? Pourquoi l’Etat donne-t-il des agréments à nos universités privées et refuse de reconnaître leurs diplômes ? Ce sont des questions que nous nous posons présentement et nous attendons des réponses claires de l’Etat ».

Daouda Diakité (promoteur de Technolab-Ista) :

« La reconnaissance des diplômes que nous délivrons aux étudiants est un problème qui nous préoccupe beaucoup. Notre souhait est que les autorités acceptent ces diplômes comme ils ont accepté de nous donner les agréments. Cela nous permettra de jouer un grand rôle dans l’intégration africaine ».

Propos recueillis par
Sidiki Doumbia

(stagiaire)



DJIBRIL S. NDIAYE, PRESIDENT DE L’AEPES

« L’harmonisation des diplômes est en cours »


Depuis dix ans, les écoles supérieures affleurent dans notre pays et sont même agréées par l’Etat, mais leurs diplômes ne le sont pas dans la plupart des cas. Cette lacune va bientôt être corrigée, selon Djibril Souleymane Ndiaye, président de l’Association des établissements privés d’enseignement supérieur (AEPES) et président des groupes ESTM et scolaire universitaire du Progrès.

La reconnaissance des diplômes des écoles privées supérieures est le combat que mènent leurs acteurs depuis trois ans. Les promoteurs ont créé à cet effet l’AEPES qui, selon son président, Djibril S. Ndiaye a travaillé pendant trois mois sur la question avec le ministère de l’Education nationale. Pour M. Ndiaye, le ministre Mamadou Lamine Nd’iaye (paix à son âme) s’est personnellement battu à leurs côtés pour convenir d’une solution.

Le combat de l’AEPS a été couronné de succès, aux dires de son président. En 2006, le conseil des ministres a pris le décret n°395-PRM du 19 septembre 2006 permettant aux écoles privées supérieures d’être éligibles aux diplômes nationaux.

Ce décret ne sera pas un fourre-tout, commente M. Ndiaye. Leur association, en tandem avec le département de l’Education, a fini d’élaborer le projet de l’arrêté d’application du décret n°395-PRM. Ce qui, à l’en croire, va fixer les conditions et critères des établissements qui auront droit au sésame dans des filières déterminées.

La délocalisation des diplômes

L’AEPES, par la voix de son président, nourrit l’espoir de voir signer l’arrêté d’application du décret susmentionné avant la fin de l’année scolaire 2007-2008. Ce serait, pour eux, le bout du tunnel, les écoles privées supérieures connaissant un système de deux poids deux mesures.

Au moment où des étudiants réguliers n’avaient aucun droit de postuler au concours de la Fonction publique, des fonctionnaires qui y prenaient les mêmes cours étaient reclassés à la fin de leurs études. « L’harmonisation de nos diplômes est en cours. Elle a pour but de corriger toutes ces discriminations », confie le président de L’AEPES.

Une des écoles, l’Institut supérieur des sciences politiques, des relations internationales et de la communication (Ispric) a même intenté un procès contre l’Etat qu’elle a gagné. Mais la grosse de l’arrêt de la Cour suprême n’a pas permis jusque-là à ses étudiants de postuler aux concours de la Fonction publique.

Par ailleurs, des écoles dont les diplômes dans certaines filières sont reconnus par l’Etat, sont celles qui sont co-parrainées ou associées à des écoles supérieures de pays étrangers comme la Belgique, le Canada, la France ou le Maroc comme c’est le cas de l’ESTM, de l’IHEM, de Technolab-Ista ou de l’ISHM.

Ce système qui consiste à dispenser des cours sur place sur le programme des universités étrangères avec le concours de leurs professeurs est appelé dans le milieu des écoles privées supérieures maliennes « la délocalisation des diplômes » ou « la co-diplômation ».

Cette formule qui est celle en cours avait pour objet de pallier l’absence d’une reconnaissance nationale. Une formule qui a ses limites et qui ne plaît plus aux promoteurs des établissements privés supérieurs.

Abdrahamane Dicko



DIPLOMES SANS VALEUR

Les privés, victimes expiatoires


Des écoles supérieures privées ont été créées et contribuent à suppléer l’insuffisance de l’Université nationale en donnant des opportunités de perfectionnement aux cadres et professionnels nationaux et en offrant plus de perspectives à l’éducation, gage de tout développement. Mais, force est de regretter que les diplômes délivrés par ces grands centres de formations ne sont pas homologués par l’Etat malien.

Pour Daouda Diakité, directeur général de l’Institut supérieur de technologies appliquées (Technolab-Ista), certains diplômes des pays voisins se voient automatiquement octroyer une équivalence sans que l’on cherche à vérifier la valeur ou la crédibilité des institutions qui les délivrent.

« Quelle valeur accordons-nous à nous-mêmes si l’on ne fait pas confiance aux structures similaires qui sont légalement créées chez nous et que l’intégration économique régionale que l’on prône tant n’a pas de levain dans notre pays ? » s’interroge-t-il.

A l’entendre, force est de reconnaître aujourd’hui que malgré la politique prônée des autorités de la IIIe République pour préparer le pays à une intégration économique annoncée, le traitement infligé aux structures de formation suscite beaucoup d’interrogations.

Des écoles privées supérieures ont été créées légalement et elles offrent des perspectives nationales au secteur de la formation professionnelle. Selon des promoteurs d’écoles privées supérieures, un établissement d’enseignement n’est-il pas toujours dirigé dans ses objectifs vers un public cible ? « Dès lors, la reconnaissance d’utilité publique qu’exige le département de l’Education devient à notre avis un acquis de fait », soutient M. Diakité.

Face à la murette d’incompréhension, il est urgent d’appréhender la situation du privé par une approche d’analyse saine. Selon M. Diakité, ils attendent depuis 20 mois l’organisation d’un prétendu atelier d’harmonisation des filières du secteur éducatif malien (public et privé) qui serait organisé par le ministère de l’Education nationale pour la résolution de ce problème.

En attendant, on a l’impression d’assister à une fuite en avant. Une position visant à diaboliser le privé ou en tentant de l’étouffer. Une logique qui ne s’adapte pas en réalité au contexte actuel.

Le ministère de l’Education nationale devrait se donner la latitude de contrôler les normes de fonctionnement des écoles privées, en intervenant pour suggérer et améliorer la qualité et au besoin sanctionner les promoteurs qui ne respectent pas la réglementation en la matière.

Victimes d’une situation dont elles ne sont pas responsables pour la plupart des cas, les écoles supérieures privées au Mali se débattent aujourd’hui dans un contexte difficile.

Idrissa Sako



EQUIVALENCE DE DIPLOMES

Une procédure à deux niveaux


Aujourd’hui, des milliers de Maliens étudient à travers le monde soit dans le cadre de programmes de bourses que notre pays a en partenariat avec certains pays, soit par leurs propres moyens ou par le biais de certains organismes internationaux.

Une fois rentrés au bercail, leurs diplômes en poche, l’une des premières démarches à effectuer pour ces étudiants est de chercher à établir l’équivalence de leurs diplômes. La condition sine qua non pour que l’établissement de l’équivalence du diplôme se fasse est sa reconnaissance par l’Etat malien.

C’est donc dire que ce problème de reconnaissance de diplômes ne se pose pas seulement aux auditeurs des écoles privées au Mali, mais aussi à ceux de certaines écoles privées de l’extérieur. La conséquence est que ces derniers ne sont pas autorisés à passer le concours de la Fonction publique avec leurs diplômes.

La première étape de l’établissement de l’équivalence conduit les diplômés à la direction nationale du plan. Là-bas, ils doivent se présenter avec l’original du diplôme de base et l’original du diplôme proprement dit. En d’autres termes, pour un détenteur d’un diplôme d’études approfondies (DEA) qui souhaite établir l’équivalence de son diplôme, il doit d’abord fournir l’original de son bac, de son diplôme de maîtrise (diplôme de base) en plus de l’original de son DEA (diplôme dont l’équivalence est demandée).

Idem pour un détenteur de maîtrise. Il doit non seulement fournir l’original de son attestation du baccalauréat mais aussi l’original de son diplôme de maîtrise. Le diplôme de base est donc le diplôme qui permet au détenteur d’un diplôme d’intégrer un cursus scolaire bien défini et sanctionné par un autre diplôme.

Ce après quoi, la direction nationale du plan juge recevable la demande d’équivalence avant de l’acheminer au deuxième niveau, c’est-à-dire le bureau « coopération culturelle et équivalence » de la direction nationale de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, la structure chargée d’établir l’équivalence proprement dite.

« A notre niveau, le traitement de l’équivalence prend seulement deux jours, mais pour le cas de la direction nationale du plan, ça dépend des périodes », indique un responsable chargé du traitement des équivalences. Le même responsable ajoute que tous ces traitements, aux deux niveaux, se font à zéro franc.

Ogopémo Ouologuem

(stagiaire)




EPILOGUE

Des chiffons de papier

La réforme de septembre 1962 a créé au Mali un enseignement de masse et de qualité avec toutefois une petite place réservée à l’enseignement privé dans des structures relevant du domaine religieux (enseignement privé catholique par exemple) et des représentations diplomatiques.

De 1962 aux années 1980, l’essentiel de l’enseignement fut assuré par le secteur public dont les diplômés, à leur sortie, étaient automatiquement absorbés par l’administration publique, le principal employeur de la nation pendant de nombreuses années, et par les quelques entreprises qui existaient.

Mais même pendant ces années où l’enseignement public était la règle générale, quelques écoles privées de niveau difficile à préciser parce que reprenant des recalés du DEF et même des élèves du niveau de la 8e, formaient déjà des aide-comptables, des comptables et des secrétaires qui étaient pris soit par des commerçants, soit des entrepreneurs du secteur privé.

Il faut aussi signaler que vers 1975-1976, des dignitaires de l’ancien régime où leurs protégés ont ouvert presque frauduleusement et sans autorisation des établissements d’enseignement technique et professionnel à Bamako et dans quelques capitales régionales et ceux-ci furent rejoints par d’autres vers 1980-1981.

Mais fondamentalement, ce fut à partir de 1991, après les événements de mars 1991 que l’école privée malienne a pris son envol. Jusque-là régie par des textes approximatifs, elle le sera, après la libéralisation de toutes les activités économiques et commerciales dans les années qui suivirent la révolution démocratique, par des lois spécifiques qui en détermineront les conditions de création, de recrutement des élèves et étudiants et finalement de fonctionnement.

Par ces lois, l’Etat venait de reconnaître son incapacité à assurer la pérennité de l’enseignement public et, l’ayant aussi fait de façon officielle, le privé prit le relais. Bientôt, tous les ordres d’enseignement furent saturés d’établissements dont la plupart furent créés dans des conditions douteuses et fonctionnèrent longtemps sur des bases bancales.

Pendant ce temps, le Programme d’ajustement structurel (Pas) avait fait partir à la retraite volontaire de nombreux enseignants (du secondaire surtout) qui, après avoir fini de bouffer les petits millions offerts à eux par cette opportunité, se rabattirent sur la création d’écoles privées non plus pour des objectifs pédagogiques déterminés, mais plutôt pour se refaire une nouvelle santé sociale et financière. Deux ordres d’enseignement furent particulièrement visés par la nouvelle manne : le secondaire et le supérieur.

De la sorte, si beaucoup d’établissements furent créés conformément à la loi, certains aussi le furent par l’argent, les promoteurs arrivant toujours à corrompre les décideurs. D’autre part, bien que la loi précisait que le promoteur devait être un enseignant de formation et de profession, beaucoup d’établissements virent le jour sous l’autorité de gens qui n’étaient pas et n’ont jamais été des pédagogues. Par conséquent, dès le départ, il y a eu tromperie sur la marchandise par le pouvoir de l’argent et c’est cela qui explique la cacophonie actuelle au sein de l’enseignement privé.

Dans le supérieur, beaucoup d’instituts sont nés pour former des étudiants et même des travailleurs désireux de se perfectionner dans des domaines aussi divers que l’économie générale, la gestion et l’informatique. Au départ, certains de ces instituts, par gourmandise financière, ont affiché des tarifs qui ont paru exorbitants aux étudiants et, constatant que ceux-ci ne se bousculaient pas à leurs portes, ont été obligés de revoir leurs prétentions à la baisse pour les mettre à la portée de ceux-ci (généralement des employés de bureau, des comptables et des secrétaires, etc.).

Il y a aussi le fait que le personnel enseignant de la plupart de ces établissements d’enseignement supérieur privé n’est pas toujours qualifié et est plutôt composé d’enseignants d’occasion recrutés par la voie du copinage et du clientélisme dans l’administration générale et même dans les entreprises privées, ce qui, incontestablement, peut influer sur leur cursus.

Mais, cela ne doit pas conduire au sabotage des parchemins délivrés par eux parce que leurs textes de création proviennent des autorités du ministère de l’Education nationale elles-mêmes. Les promoteurs payent cher pour créer leurs écoles, engagent des enseignants qui sont naturellement payés pour former des étudiants auxquels des diplômes sont délivrés, mais qui n’arrivent pas à s’occuper sur le marché du travail. Les cas sont nombreux où des étudiants issus de ces écoles supérieures se sont heurtés au refus des employeurs qui disent ne pas reconnaître l’école par laquelle ils sont passés et prennent leurs diplômes pour des chiffons de papier.

Même pour les embauches gouvernementales, les titulaires de ces diplômes rencontrent d’énormes difficultés découlant de la réalisation de l’équivalence de leurs parchemins académiques. C’est pratiquement la quadrature du cercle pour eux parce qu’après des années passées à bachoter, mais surtout à payer des sommes énormes pour avoir une situation améliorée, c’est aberrant que celle-ci ne soit pas reconnue. Il y a urgence que ce deux poids deux mesures, soit corrigé.

Facoh Donki Diarra

31 août 2007.