Le mois de carême vient à peine de boucler sa première semaine. Mais dès son annonce, la semaine dernière, le traditionnel ramdam du Ramadan a commencé. Les prédicateurs, théologiens et autres imams ont pris d’assaut les studios des radios et télévisions pour y répandre la bonne parole. La bonne parole ? A voir.
Ces messieurs (car ils sont tous des hommes, les femmes n’ayant pas encore le privilège d’apporter la bonne parole) envahissent donc les ondes pour éclairer la lanterne des fidèles sur différents sujets relatifs à l’islam.
Chacun y allant de son couplet favori ou de ses sempiternelles litanies. Seulement, voilà. Les prêcheurs maliens, sans doute trempés dans une sauce trop tropicalisée de l’islam, s’appesantissent surtout sur les aspects négatifs de la religion.
Ceux qui effraient et font fuir. Ne faites pas ceci ou vous brûlerez en enfer. Ne faites pas cela, sinon les foudres de Dieu s’abattront sur vous.
Faites ceci, ou bien vous serez châtiés demain (comprenez, le jour du jugement dernier, toujours remis aux calendes grecques). Faites cela, sinon vous descendrez jusqu’au septième palier de l’enfer. Un chapelet d’impératifs catégoriques, avec toujours au bout, l’horreur d’un au-delà rébarbatif. Bref, une vision si négationniste et apocalyptique que rares sont les fidèles qui ont le courage d’écouter ces prêcheurs fouettards, ces prédicateurs vindicatifs, ces imams au verbe fielleux.
En effet, ils préfèrent des thèmes beaucoup plus positifs, des thèmes qui donnent envie de pratiquer la religion, des thèmes qui vous amènent à croire. Ceux qui s’enhardissent à les écouter quand même, sont aussitôt effrayés. Beaucoup d’entre eux se tournent alors vers une religion plus tolérante. De fait, les prêcheurs gagneraient beaucoup à parler aux hommes du vrai visage de Dieu.
Dieu est tolérance, Dieu est miséricorde, Dieu est compréhension, Dieu est compassion, Dieu est pardon. Dieu est Amour. S’il est vrai que l’on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre, il est tout autant réel que l’on n’attire pas les fidèles avec des promesses de châtiment éternel et des menaces de tourments infernaux. L’Homme par définition préfère être compris et toléré, aimé et pardonné. Dans le moindre de ses actes, il a besoin de miséricorde. N’est-il pas à l’image de son Dieu ?
En dévoilant le vrai visage de Dieu ou en se taisant, tout simplement, il est sûr que les prêcheurs conduiront beaucoup sur les traces du Seigneur. Ils pourront alors se préoccuper de leur propre salut, car ils en ont besoin. Ils ont détourné beaucoup de personne de leur religion toute indiquée. Ils ont fait fuir beaucoup d’adeptes.
Alors qu’il s’agissait juste pour eux de ne faire rien que du prosélytisme. Ils s’y prennent si mal, ces prêcheurs, que ce sont eux-mêmes qui doivent maintenant chercher leur salut. Car Dieu n’aime pas que l’on effraie ou fasse fuir ses sujets.
La charia est la loi canonique islamique régissant la vie religieuse, politique, sociale et individuelle. Dans certains pays, elle est strictement appliquée, bien que l’on soit au 21è siècle, dans le troisième millénaire.
C’est ainsi qu’un citoyen malien a été publiquement décapité en Arabie Saoudite. Aux dires des autorités saoudiennes, il se serait rendu coupable de cambriolage, vol de bijoux, voies de faits, agression avec une arme blanche. Rien que pour cette année, alors que la tendance générale dans le monde va à l’abolition de la peine de mort, 64 personnes auraient été passées par les armes dans ce royaume où trafiquants de drogue, assassins, violeurs et voleurs continuent à goûter au sabre du bourreau. C’est au nom de l’islam.
Mais ce n’est sûrement pas au nom de cette religion, en ce mois saint de Ramadan, que certains commerçants continuent à pratiquer des prix prohibitifs. Le gouvernement avait pourtant pris des mesures. Il a concédé des exonérations, tenu des rencontres avec les opérateurs économiques, lesquels avaient promis de ne point faire de la surenchère.
Mais si le Premier ministre est parvenu à empêcher la pénurie, par un approvisionnement normal des marchés en produits de première nécessité à des coûts accessibles, force est de constater aujourd’hui, huitième jour du jeûne, que les commerçants se sont montrés rétifs et ont refusé de faire baisser les prix. Pire, concernant certains produits, comme le riz, il y a même hausse. Conséquence, le mois de carême qui est mois de pardon et de bénédiction, est devenu un mois au cours duquel beaucoup ont des envies meurtrières.
CHEICK TANDINA
08 Septembre 2008