Depuis le 14 juin 2007, notre confère d’Info-Matin Seydina Oumar Diarra dit SOD passe ses nuits à la Prison Centrale de Bamako. Son crime? Avoir tout simplement fait son métier de journaliste en relatant, tout en les critiquant, des faits qui se sont réellement passés, en l’occurrence un texte de devoir de français qui faisait polémique auprès de certains parents d’élèves. SOD avait respecté toutes les règles artistiques et déontologiques de son métier : recoupements de l’info, recueil des différentes versions, analyse critique des faits, citations clairement identifiables.
Mais il semble que, dans le Mali d’ATT le Deuxième, nous en soyons revenus à de sombres heures, celles durant lesquelles le messager annonciateur de mauvaises nouvelles devait être exécuté. Le hic, c’est qu’en déclenchant cette tempête dans un verre d’eau, car à lire l’article de SOD, rien ne pouvait laisser présager de telles suites, « on » (pronom indéfini très souvent fort utile pour avancer masqué) décidera pourtant du contraire en embastillant notre confrère et un enseignant, M. Minta, qui a lui aussi commis un crime irréparable.
Celui, en tant qu’enseignant de français, ce qui nous semble pourtant être son rôle, d’avoir voulu éveiller l’esprit critique de ses élèves en les invitant à plancher sur un sujet ô combien d’actualité aujourd’hui, celui, puisqu’il faut l’appeler par son nom, de la prostitution déguisée ou occasionnelle de jeunes scolaires et universitaires de sexe féminin. Hélas, il n’aurait jamais dû parler, dans son texte de « fiction romanesque« , d’un Président de la République, comme s’il n’en existait qu’un (le nôtre bien sûr) de par le monde.
« Offense au Chef de l’Etat« , d’après le Procureur de la République, qui a donc retiré de la circulation ces « dangereux criminels ». Nous aimerions bien savoir ce que pense de cette affaire notre Chef de l’Etat, au nom de l’honneur duquel deux chefs de famille dorment en prison. Laissera-t-il faire, au nom de « l’indépendance« , bien comprise, de la justice ?
Pour notre part, nous rappellerons que l’on nous a appris, sur les bancs de l’école, quelques proverbes fort adaptés à ce que nous voyons survenir aujourd’hui. Tout d’abord que « Qui sème le vent récolte la tempête », puis que « Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage« .
Ajoutons à ces deux adages quelques vérités au nom desquelles nombre de Maliens se sont battus il n’y a pas si longtemps que cela, ce qui a permis l’avènement de notre démocratie actuelle, que l’on prétend exemplaire, au prix du sang. « La liberté de la presse ne s’use que si l’on ne s’en sert pas » et « A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire« .
Le fléau de la balance judiciaire a, cette fois-ci, penché trop lourdement du mauvais côté mais, et c’est peut-être la seule chose positive de cette sombre histoire, mobilisé de manière unanime et solidaire toute une profession, celle des journalistes, qui venait de se diviser pour des broutilles.
C’est tout à son honneur et nous espérons que le corps des enseignants se joindra à nous pour dénoncer ce déni de droit.
Ramata Diouré
18 juin 2007.