Le gouvernement d’ouverture intervient quand à l’Assemblée Nationale un seul parti politique domine et n’a pas besoin de l’appoint d’un autre parti pour constituer une majorité de gouvernement.
Il est le fait des partis dominants dans un cadre pluraliste. C’est un concept purement politicien. L’exemple de l’ADEMA sous la présidence de Alpha Oumar Konaré en est une belle illustration.
Seulement, perçu en démocratie comme un gouvernement issu d’un parti unique de fait, les Chefs d’Etat dans nos démocraties naissantes, pour donner une caution et une perception démocratique de leur pouvoir, font appel à d’autres formations politiques plus ou moins proches de leur vision ou de leur programme pour leur participation à l’action gouvernementale.
Le Président Alpha en faisant appel à son “opposition parlementaire” (UDD, RND, COPP, PDR) dans certains de ses gouvernements, ce, en violation du Statut de l’opposition, a pu même parler de gouvernement de large ouverture. ATT, quant à lui, a opté pour une autre formule de gouvernement.
Briguant la magistrature suprême de son pays en 2002, le Président ATT l’avait fait en ayant la certitude qu’avec le départ du Président Alpha, le pouvoir allait battre les pavés puisque les partis politiques avaient montré leur limite. Son objectif de ce moment était de rassembler les Maliens dans le cadre d’une refondation politique nationale.
Aujourd’hui, force est d’admettre qu’il est arrivé à instaurer un climat politique apaisé et à amener les Maliens dans ce qui les unit. La prouesse d’ATT dans ce dessein de réconciliation nationale est d’avoir aussi mis en phase des partis comme le MPR (héritage de GMT) et l’USRDA, le BDIA (de feu Modibo Kéïta), de mettre dans le même “bateau Mali”, des partis comme le MIRIA, qui date du temps du Président Alpha.
ATT a réconcilié la classe politique malienne, mis fin aux hostilités politiques systématiques partisanes et politiciennes. L’apaisement politique, aujourd’hui, retrouvé résulte de la volonté d’un Indépendant élu à réconcilier les Maliens et à les unir.
C’est pour réconcilier et rassembler les acteurs de la classe politique du pays qu’ATT a opté pour la formule d’un gouvernement d’union nationale, au lieu d’un gouvernement de large ouverture, lui-même n’ayant ni parti, ni majorité.
Le gouvernement d’union nationale se constitue quand à l’Assemblée Nationale existent deux ou plusieurs partis politiques, ne disposant aucun d’une majorité parlementaire, donc pas de majorité de gouvernement, mais représentatifs et ayant des valeurs semblables ou défendant les mêmes idéaux.
Les différences programmatiques ou idéologiques, ici, sont souvent infimes par rapport à ce qui les regroupe. Généralement ces partis s’inscrivent dans la même vision pour l’adoption et l’application d’un Programme commun de gouvernement.
Telle a semblé la volonté d’ATT lors de la mise en place de son gouvernement d’action dans lequel l’essentiel des forces politiques du pays se sont retrouvées puisque apparemment en accord avec les priorités des programmes définis par le Président de la République.
Ce gouvernement d’union que l’Indépendant élu voulait consensuel a été salué par l’ensemble des Maliens comme une retrouvaille et une réconciliation politique nationales mais salué aussi de l’extérieur comme une innovation et un challenge politiques.
C’est seulement à la date du 08 juin dernier que ce consensus voulu par le Président de la République a “pris de l’eau” avec l’étalage public de la Déclaration du Rassemblement Pour le Mali (RPM) du Président Ibrahim Boubacar Kéïta qui s’est désolidarisé de l’action gouvernementale.
Cette déclaration qui aurait pu causer une crise de gouvernement, si ce n’était la volonté présidentielle de rester dans la même gestion consensuelle, a permis de montrer au grand public que ce qui était jusqu’ici admis comme un gouvernement d’union nationale n’est en fait qu’un gouvernement de coalition.
Un gouvernement de coalition est un gouvernement de crise. Il se constitue soit à la suite d’une crise sociale, soit à la suite d’une crise politique. Suite à une crise gouvernementale, un gouvernement d’union nationale peut aussi se transformer en un gouvernement de coalition, tant les rapports des “unionistes” jadis homogènes et cohérents se sont délités, dégradés et dépréciés.
Le gouvernement de coalition est un pouvoir dans lequel aucun des partis y participant ne dispose d’une majorité ; les forces présentes s’équivalent et sont contraintes de cohabiter et de collaborer dans un gouvernement à créer au forceps. On y siège avec l’autre malgré soi-même puisque le plus souvent n’ayant ni la même vision ni la même idéologie ni les mêmes valeurs et ni les mêmes programmes.
Technique et politique, la survenance d’un tel gouvernement est liée le plus souvent à un mode de scrutin dit proportionnel qui est favorable aux petits partis politiques mais qui lamine les grands.
Ce qui apparaît aujourd’hui au Mali non plus comme un gouvernement d’union mais un gouvernement de coalition n’est la résultante d’aucune “proportionnelle” mais s’apparente plutôt à une crise de positionnement en latence au plan gouvernemental que justifient des ambitions politiques personnelles, la gestion de calendriers politico-électoraux se rétrécissant de jour en jour, le tout sur fond de présidentielles 2007.
L’ADEMA, le plus grand parti du pays, qui se veut de la mouvance présidentielle, émarge dans le gouvernement et pourtant l’on n’a jamais vu les véritables ténors de ce parti sur quelque front que ce soit pour soutenir le Président quand il y a péril en la demeure.
L’on a par contre pu voir une autre de ses dissidences manifester le 9 avril dernier suite aux incidents survenus le 27 mars. Si Soumaïla Cissé de l’URD se cantonne dans une réserve bien tactique, son Président Younoussi Touré excelle dans la duplicité tant ses propos équivoques ressemblent fort à des mises en garde au Président.
Le RPM d’Ibrahim Boubacar Kéïta a au moins eu le courage de ses options en se désolidarisant de l’action gouvernementale, même si l’on attend toujours aussi qu’il ait le courage politique de joindre l’acte à la parole, en rendant le tablier.
L’Espoir 2002 qui est aussi fortement représenté au gouvernement, brille de par son absence totale quant à un quelconque soutien public à Monsieur le Président. Et pourtant, ce regroupement politique occupe à lui seul 20 % des postes ministériels.
Ni l’ACC, ni l’ARD ne disposent d’un tel quota. Même ces deux derniers regroupements politiques qui, dit-on sont estampillés ATT, font plus que preuve de léthargie chaque fois que les intérêts du Président sont concernés. Leur larbinisme politique n’est qu’apparemment alimentaire et tranche totalement avec la loyauté.
Le Mouvement Citoyen qui devait saisir l’élévation de son mentor ATT dans la dignité de Docteur Honoris Causa et au titre de Chevalier de la Grande Médaille de l’Ordre Mondial des Juristes pour faire de cet évènement une fête nationale, n’a rien trouvé de mieux, en la circonstance, que d’étaler devant le grand public ses divergences, son inconséquence et ses calculs alimentaires par la création d’un parti, le PCR, qui est né dans la douleur et la division.
La fameuse Déclaration du 8 juin du RPM, grand manitou de l’Espoir 2002, devait fournir l’occasion et pour le MPR et pour le CNID, malgré le pacte qui les lie au RPM, puisque participants crédibles et de poids dans le gouvernement d’union, de manifester davantage leur solidarité et leur loyauté au Président et à son gouvernement en quittant tout bonnement ce truc qui n’est plus qu’un “machin”. Mais à cela ils ont aussi opté pour la politique du “un pied dedans, un pied dehors”.
Le parti SADI du truculent Président Cheick Oumar Sissoko Ministre de la Culture, dont les antennes de la Radio KAYIRA sont ouvertes constamment par le Secrétaire général du même parti, Oumar Mariko, pour une descente aux enfers programmée du Président, a adopté ainsi une posture d’opposant siégeant quand même dans le gouvernement.
La témérité et la véhémence de ce valeureux Secrétaire Général ont fait détaler un à un les six (06) honorables Députés dont disposait ce parti à l’Assemblée Nationale vers des havres meilleurs.
Le PARENA, jadis prompt pour les Communiqués de presse de soutien au Président, est désormais aphone et assez discret depuis le débarquement de son Ministre. Cette attitude du PARENA rappelle curieusement celles de l’UDD et du RND qui aussi, apparemment, se sont désintéressés des faits présidentiels depuis la perte des maroquins qu’ils occupaient au sein du gouvernement.
Le BDIA et l’USRDA eux aussi se sont attiédis et n’éprouvent plus le même allant pour Koulouba. L’USRDA qui revendiquait la paternité et la filiation de ATT, n’en finit plus depuis avec ses déclarations guerrières dans le genre “le changement tarde, le pays va mal”.
En fait d’union, le gouvernement de Ousmane Issoufi Maïga n’est qu’un gouvernement de coalition, puisque tous les constituants n’en sont mus que par des intérêts partisans sordides. L’union suppose la loyauté.
A y voir de près, tous ces acteurs composant le gouvernement ne semblent point unis autour d’un homme, de sa Vision et de son Programme, ce, dans le consensus mais plutôt pour des intérêts de clocher. ATT en fait est le seul à croire à ses desseins et en son destin.
ATT, en parlant du consensus à lui-même, dit clairement que ce n’était ni une camisole de force ni une figure imposée et que ceux-la qui le trouvaient lourd à porter pouvaient sortir de l’ombre pour courageusement gérer leurs agendas.
A l’écouter, ATT n’est ni un naïf, ni un dupé. Il sait bien que ses adversaires de demain déclarés ou pas n’iront jamais d’eux-mêmes des alléchants postes de responsabilité qu’ils occupent puisque désormais habitués aux lambris dorés des Ministères et des Palais, aux Salons d’Honneur et aux Tapis d’Honneur.
Entre-temps le dilatoire sera l’arme et le somnifère pour distraire le locataire de Koulouba jusque dans la mire de 2007.
Lexicone B.
Politologue,
Bamako, Rive Droite.
25 juillet 2005