Il s’appelle Modibo Sidibé, Premier ministre malien, fonction qu’il occupe depuis le 28 septembre 2007. Et depuis, l’homme s’est découvert une âme de grand dirigeant dont les ambitions, si l’on s’en tient à ses faits et gestes ces temps-ci, semblent voguer au-delà de la Primature.
A moins d’un miracle qui prendrait la forme d’un véritable concours de circonstances, le président Amadou Toumani Touré, rendra le tablier le 8 juin 2012. Une éventualité qui fait déjà jaser dans le milieu politique malien. De supputations en supputations, on tente de brosser le portrait robot de son éventuel successeur.
Si du côté des partis politiques, on préfère donner droit, en toute légitimité, au sacro-saint principe du «leader-candidat», cela n’est pas le cas du groupe des indépendants. Cette nébuleuse qui, depuis que son porte-étendard, ATT a défriché le terrain, ne manque plus d’ambition pour tenter de coiffer au poteau les formations politiques.
Trafic d’influence et arguties financiers sont, entre autres, des moyens pour rallier à sa cause des citoyens rasant en permanence les murs. Conscient donc de ce délit de faciès qui consacre le règne de l’indépendant dans un régime démocratique, certains responsables de notre pays, ne pouvaient donc s’empêcher de revoir leurs ambitions à la hausse.
Et à ce niveau, des indices amènent certains analystes à prêter des intentions au Premier ministre à vouloir aller au-delà de sa mission. Soit. Mais avec quel moyen et quelle stratégie ? Les arguments ne manquent pas.
Sa longévité dans le sérail
Hormis le défunt régime socialiste de Modibo Kéïta, Modibo Sidibé a servi dans tous les régimes. Ministre de la Santé puis des Affaires étrangères sous Alpha Oumar Konaré et plus tard, secrétaire général de la présidence du premier gouvernement ATT, le Premier ministre était au cœur du pouvoir. Il en a vu des vertes et des pas mûres.
Homme de l’ombre, il a eu le temps de voir défiler, sous ses yeux, tous les grands dossiers du pays. Une posture qui a été pour beaucoup dans son choix en tant que Premier ministre. Cet atout, il pourrait bien le mettre à profit dans la perspective d’un futur lobbying.
Ses amitiés avec Alpha et ATT
C’est une lapalissade de dire que les présidents Alpha Oumar Konaré et Amadou Toumani Touré seront condamnés à avoir la même vision en ce qui concerne celui qui conduira la destinée de ce pays en 2012. Quand bien même nous sommes dans un Etat démocratique, où le dernier mot revient au peuple. Cette logique s’argumente par le fait qu’aucun de ces deux présidents ne voudra que le pays tombe entre les mains d’un aventurier.
Dans cette faille, Modibo Sidibé pourrait bien s’y glisser car le critère lui sied parfaitement. A équidistance des deux présidents, il pourrait se prévaloir de ces amitiés pour taper dans le mille. Mais entre cette labilité et la réalité du terrain ; il y a un pas, pour lequel, il faudrait bien armer les accus pour le franchir.
Le méli-mélo au sein de l’Adéma
Encore un terreau fertile pour tous ceux qui ont de vraies idées. Comme celles qui peuvent conduire à Koulouba. Aujourd’hui, force est de reconnaître que l’Adéma-Pasj reste la première force politique au Mali. Sans elle, point de salut pour quel que prétendant que ce soit à Koulouba. Mais, la ruche semble prendre l’eau de toute part.
Le dernier congrès, n’est ni plus ni moins qu ‘un simple exutoire pour sauver les apparences. La réalité est tout autre. A cet instant de sa vie, l’Abeille, demeure sans «tête», juste un corps presque inerte qui a besoin de ce qui lui manque pour dévaler la colline de Koulouba.
En d’autres termes, le parti manque de vrai leader charismatique, présidentiable sans faire l’injure au président Dioncounda Traoré qui a toujours réussi, par temps d’orage, à mettre les ruchers d’accord sur leurs désaccords. Coopter donc un homme de la trempe de Modibo Sidibé pour en faire un candidat, l’idée n’est pas saugrenue. Elle semble faire déjà son chemin au sein des Abeilles.
Encore que ce dernier ne compte pas que des ennemis au sein du Comité exécutif de l’Adéma. Vu sous cet angle, on comprend, dès lors, la guerre de positionnement qui a prévalu lors du congrès pour le choix des vice-présidents. On sait que Mandé Sidibé est consanguin à Modibo Sidibé.
On sait aussi que Iba N’Diaye était dans le staff de Mandé en 2002. On sait également que les ministres Adéma, vice-présidents du parti ne comptent que pour du beurre pour le Premier ministre qui les tient en lesse dans son gouvernement. Et la connexion est vite trouvée.
Voilà, ce qui a semblé agacer Dioncounda Traoré, le président du parti qui aurait barré la route à Mandé Sidibé pour la 2e vice-présidence. De peur de ne pas être pris en sandwich entre des responsables pouvant bien le contrarier fortement lorsqu’il tentera de ramer à contre courant, il a préféré botter en touche.
L’Initiative riz
Si l’autosuffisance alimentaire pouvait faire monter l’homme au pinacle, cela n’échappera pas sans doute au Premier ministre Modibo Sidibé qui se prend déjà à rêver d’un Mali-vert.
L’enthousiasme qu’affiche celui-ci ces derniers temps, laisse penser que derrière cette embellie qui se profile pourrait se cacher une idée bien mûrie. Réussir l’Initiative riz, et en tirer des dividendes politiques. En tout cas, un argument de taille pour espérer pendre à défaut la vigilance du peuple malien.
On n’oubliera pas de sitôt, ce somptueux dîner offert par le Premier ministre, dès les premiers mois de sa prise de fonction aux élus de la mouvance présidentielle à son domicile. Ce qui a fait dire en son temps, à certains analystes politiques que Modibo Sidibé allait très vite en besogne. Alors qu’il est le Premier ministre de tous les Maliens, de tous les députés y compris ceux de l’opposition qu’il n’a pas daigné recevoir.
Pour sûr, cette perspective de voir un indépendant, par son influence et ses moyens, ravir la vedette aux partis politiques qui se saignent quotidiennement à blanc pour se structurer, cette perspective, dis-je, pourrait aboutir inéxorablement à la mise en bierre de notre jeune démocratie. Si cela n’a pas déjà été.
A.S
03 Novembre 2008
