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Autant le mois de ramadan est un mois respecté et honoré dans tous les pays pratiquant l’Islam, autant le jeûne constitue l’un des piliers de cette religion. Et le Mali n’est pas exempt de ce état de fait. C’est dire que tous les croyants sont censés respecter scrupuleusement ses règles.

On se rappelle que sous le pouvoir du Général Moussa Traoré, tous les bars et autres espaces de loisirs étaient fermés durant le mois de ramadan. Et toutes les manifestations liées aux dépravations des mœurs étaient interdites. C’est que, comme on aime à le dire, le Mali est à 95% musulman. Mais hélas, de nos jours, c’est le mois choisi par les prostituées pour s’enrichir convenablement. Ne dit-on pas souvent que le mois de ramadan est la période de la “floraison” de leurs affaires?


Des raisons d’une telle ampleur

Si comme on le dit, la prostitution est le plus vieux métier du monde, force est de reconnaître que plusieurs raisons expliquent que le phénomène prenne de l’ampleur pendant le mois de ramadan.

Jadis “chasse gardée“, uniquement réservée aux étrangères, la prostitution frappe aujourd’hui les femmes maliennes, du fait même des difficultés économiques. Ainsi, parmi les prostituées, on rencontre non seulement de jeunes filles, mais aussi des femmes mariées, et même… des veuves. Et il n’est pas rare de rencontrer toutes ces catégories de femmes dans les rues, les bars, les hôtels…, surtout depuis l’apparition des bars chinois dans la capitale.

Que ceux qui pensent donc qu’au Mali, la prostitution prend du recul en période de ramadan se détrompent. Au contraire, c’est le temps de la bonne marche des affaires des prostituées. Une fois après le Safo (prière de 20 heures), il suffit d’arpenter les rues et boulevards de Bamako pour s’en rendre compte. Au niveau des hôtels et bars chinois, c’est l’embouteillage total.

De nos investigations, il ressort également que c’est en période de ramadan que se nouent plusieurs relations amoureuses. “Ça fait plus de deux ou trois mois que j’ai tenté de nouer des relations amoureuses avec mon élue du coeur. Mais il m’a fallu attendre le troisième jour du Ramadam pour qu’elle accepte finalement mes avances”, a déclaré Y.D.

Pour les uns, cela est uniquement dû à des motivations financières et non amoureuses. “Aujourd’hui, pour être le chouchou des femmes, il suffit d’avoir un peu de sous, et surtout, à l’approche des fêtes de Tabaski et de fin d’année. Surtout qu’on est concient que le matériel domine l’amour”, a déclaré M.T.

Pour les autres, cette attirance des femmes pour la prostitution répond plutôt à leur souci de se préparer pour les futures fêtes (ramadan et tabaski). Du coup, toutes sortes d’offres masculines sont acceptées par les femmes devenues subitement prostituées, car pour elles, l’essentiel est qu’elles gagnent de l’argent.

Le phénomène fait autant d’heureux que de mécontents

Nous réalisons de bonnes affaires pendant le mois de ramadan. Souvent, on gagne le double, voir le triple de ce qu’on gagnait en dehors de ce mois. Nos clients qui arrivent ne marchandent jamais, car certains ne veulent pas être aperçus”, a déclaré une prostituée. Et dire que ces “clients“ se prétendent jeûneurs et pratiquants de la réligion, alors qu’ils profitent de cette hypocrisie pour tromper la vigilance…

Et une autre prostituée, d’ajouter, amère : “Ce qui nous agace souvent, c’est l’arrivée, parmi nous, de femmes mariées, même de veuves, et surtout, de jeunes filles mineures qui, pour la plupart, sont des aides-ménagères”.

Un gérant d’hôtel de la place, lui, déclare que faute de chambres, il est souvent obligé de libérer certains clients, surtout les week-ends. “Il faut reconnaître qu’en période de ramadan,on se frotte les mains. Ce qui nous frappe surtout, c’est qu’on voit ici défiler de belles dames. Et forcément, il y aura des clients. La plupart de ces gens qui viennent sont avec leurs clientes”, a-t-il indiqué.


Des prostituées d’un nouveau genre

L’intérêt de bien des femmes (tous âges et conditions confondus) pour la prostitution pendant le ramadan obéit essentiellement aux dépenses relatives aux fêtes qui le suivent. En effet, pour la plupart de la gent féminine, il s’agit de se faire voir lors des occasions dites “grandes” : fêtes, mariages, baptêmes… Du coup, il leur faut des parures (bijoux, chaînes, bagues…), des tissus bazins teintés à plus de 150 000 FCFA, sans oublier ce qu’il faut donner aux griots et autres quémandeurs.

Beaucoup de femmes n’ont d’ailleurs que ce seul souci : en mettre plein la vue à tout le monde. Mais cette ambition requiert de folles dépenses d’argent que ces femmes ne possèdent pas forcément. Alors, bien d’entre elles passent par le chemin le plus “court” et le plus “facile” : la prostitution.

Ainsi voit-on d’autres femmes se prostituer, rine que pour subvenir aux besoins de leurs famille. Parmi ces femmes se trouvent des veuves avec plusieurs enfants et sans soutien solide. D’autres, n’ayant aucune nouvelle de leurs maris partis depuis des années à l’aventure sans jamais donner signe de vie, se livrent à ce “commerce” pour tenir le coup.


Et des clients d’une autre nature

Il s’est avéré que c’est en période de ramadan que la prostitution gagne beaucoup en bénéfices et avantages. Aussi, il n’est pas rare de rencontrer, dans ces lieux de jouissance (bars, hôtels…) d’influentes et importantes personnalités du pays et des hommes de toutes les catégories sociales. Parmi eux figurent non seulement de hauts fonctionnaires, mais aussi… des religieux, ou prétendus tels.

En tout cas, si le jeûne est observé par la plupart des musulmans (jeunes et vieux), force est de reconnaître que le ramadan est, hélas, le mois le mieux choisi par des gens respectables, pour animer le marché de la prostitution. Et comme il s’agit d’une affaire de gros sous, les prostituées, c’est-à-dire les professionnelles, ne sont plus les seules à être fréquentées.

Si l’idéal veut que la période de ramadan oit faite pour que les gens puisent absoudre leurs péchés récoltés au cours des onze mois de l’année, malheureusement, dans la pratique, le fait n’est pas évident. Or, on dit que durant le mois béni du ramadan, celui qui commet volontairement un pêché verra ce péché triplé. A bon entendeur (musulman, bien sûr), salut !…

Sadou BOCOUM

18 Septembre 2008