Les pays africains recevraient pour leur part 25 milliards supplémentaires, soit deux fois plus qu’à l’heure actuelle. Si une telle décision est jugée comme une avancée.
Les ONG et les dirigeants africains, jugent cette somme insuffisante. Ce qui amène M. Ousmane Amion Guindo et Mme Barry Aminata Touré, respectivement PDG de la CMDT et présidente de la CAD/Mali, à souhaiter le maintien de la pression sur les puissances occidentales.
Malgré les attentats qui ont endeuillé le Royaume Uni voire le monde jeudi dernier, Tony Blair a affiché sa satisfaction à l’issue du G8. Ce qui se comprend aisément car sa persévérance a, semble-t-il, été récompensée.
En effet, des mesures concrètes en faveur de l’Afrique ont été annoncées à l’issue du sommet de Gleneagles. Les pays du G8 et «d’autres donateurs» ont ainsi décidé de doubler le montant de l’Aide publique au développement (APD) d’ici 2010.
Globalement, les pays pauvres devraient recevoir 50 milliards de dollars supplémentaires, soit deux fois plus qu’aujourd’hui. Sur ce montant, la part de l’Afrique devrait doubler elle aussi par rapport à son niveau de 2004 et passer à 25 milliards de dollars.
Cet effort financier vient s’ajouter à la décision, annoncée dès le 11 juin 2005, d’annuler la dette multilatérale de 18 pays très pauvres, dont 14 sont africains.
Une mesure exceptionnelle, dont le Mali est bénéficiaire, que les membres du G8 ont entérinée à Gleneagles. Cette mesure représente une somme de 40 milliards de dollars.
Les membres du G8 ont aussi manifesté leur volonté d’aider l’Afrique en mentionnant la lutte contre la pandémie du VIH/Sida et en promettant «un accès aussi universel que possible» aux traitements.
Ce qui suscite l’espoir des millions de malades d’Afrique même si l’on ne nous précise pas encore de quelle manière les généreux donateurs comptent s’y prendre.
«Ce n’est pas la fin de la pauvreté en Afrique, mais c’est l’espoir d’y mettre un terme», a souligné le Premier ministre britannique.
Une analyse qu’il partage avec le président français, Jacques Chirac. A défaut de mieux et de plus, l’accord obtenu à Gleneagles représente pour Jacques Chirac lui aussi «un signal positif».
Il est vrai qu’un engagement de ce niveau n’était pas gagné d’avance puisque le président américain, George W. Bush, avait manifesté ses réticences avant le Sommet en estimant que l’Afrique aurait du mal à absorber et à bien utiliser les fonds dégagés par une augmentation trop importante des montants de l’aide.
Une manière de justifier son refus de donner plus. Le compromis obtenu dans ce contexte est donc tout de même important. Le PDG de la CMDT est également de cet avis.
«Nous pensons que si, ces intensions du G8, sont effectivement concrétisées, ce sera un véritable ballon d’oxygène pour nos Etats. Ce serait surtout une avancée notable dans la lutte contre la pauvreté parce que leur application va créer les conditions de la croissance économique sur le long terme. Ce qui est important, c’est l’acceptation du principe… Il y a trois ans, personne ne pouvait imaginer que des pays comme les Etats-Unis ou l’Union Européenne aurait pu accepter le principe de renoncer aux subventions qu’ils accordent à leurs agriculteurs», a souligné M. Ousmane Amion Guindo, invité du Journal Parlé de l’ORTM samedi dernier.
Une avancée significative, mais…
Au-delà de la signification politique d’une manifestation concrète et chiffrée de la prise de conscience des nations industrialisées face au drame du sous-développement en Afrique, il faut prendre avec précaution l’annonce du G8.
D’une part, parce que les promesses ne suffisent pas. Elles doivent être suivies des actes. Ce qui est rarement le cas depuis des décennies. D’autre part, parce que 50 milliards de dollars supplémentaires dont 25 pour l’Afrique, cela risque de ne pas être assez pour atteindre les objectifs du Millénaire définis par l’ONU, dont la réduction de moitié la pauvreté d’ici 2015.
Et, selon un responsable de l’ONG Oxfam, cette décision ne répond pas aux attentes et aux besoins immédiats dans les pays du continent. «L’augmentation de l’aide décidée au G8 pourra sauver la vie de cinq millions d’enfants d’ici 2010, mais 50 millions de petites vies restent condamnées car le G8 n’est pas allé aussi loin qu’il aurait pu», a-t-il précisé.
Du côté des dirigeants africains, dont certains étaient invités à participer au Sommet du G8 (Ethiopie, Ghana, Nigeria, Sénégal, Afrique du Sud, Tanzanie), les réactions ont mis en valeur à la fois une certaine satisfaction, mais aussi une déception.
L’annulation de la dette et l’augmentation de l’aide sont bien accueillies. Les Africains estiment, cependant, que trop peu d’Etats sont concernés par la promesse d’effacer la dette auprès du FMI, de la Banque Mondiale ou de la Banque Africaine de Développement (BAD). I
ls regrettent aussi que les membres du G8 n’aient pas été plus loin concernant l’augmentation de l’aide au développement en acceptant de lui consacrer 0,7 % de leur produit intérieur brut (PIB), comme l’espérait Tony Blair.
Une amertume partagée par certaines personnalités maliennes. «Nous avons gagné un principe, ne nous y limitons pas. Nous devons mettre toute la pression nécessaire parce que nous vivons déjà les effets pervers de ces subventions. La filière est menacée aujourd’hui à cause de cette politique. Nous ne devons donc pas relâcher la pression parce qu’on nous a promis de les éliminer dans cinq ans», conseille le PDG de la CMDT.
«Les indicateurs d’une étude réalisée par le PNUD
(Programme des Nations Unies pour le Développement) ne suscitent pas d’espoir dans la lutte contre la pauvreté au Mali d’ici 2015. 65 % de la population vit avec moins d’un dollar par jour, 20 % des communes n’ont pas de centres de santé de référence, 68 % des communes n’ont pas de second cycle d’enseignement fondamental… Nous invitons le G8 à être plus courageux et plus sincère pour prendre des dispositions urgentes afin de mettre fin aux inégalités qu’ils ont construites dans le monde, d’annuler la dette totale du Tiers-monde sans conditionnalité, de supprimer sans délais les subventions qu’ils accordent injustement à leurs paysans et d’appliquer la démocratie et la transparence dans leurs débats et leurs actions», a déclaré, pour sa part, la présidente de la Coalition des alternatives de développement (CAD/Mali), Mme Barry Aminata Touré. Elle a ajouté, «nous prenons acte de la déclaration du G8, mais nous ne voulons plus des promesses ni de tromperies. Nous voulons que ses responsables puissent faire face à leurs responsabilités et à leurs engagements».
Saisir l’opportunité de Hong Kong
Les Africains déplorent surtout que des décisions concrètes n’aient pas été prises sur la question clef des barrières douanières et des subventions agricoles mises en place dans les pays industrialisés, qui constituent un obstacle insurmontable pour les producteurs africains.
Les membres du G8 n’ont pas été capables de s’entendre sur ce dossier très important. Aucun calendrier précis n’a été fixé pour résoudre ce problème.
Les représentants des pays riches se sont, en effet, contentés d’évoquer «une date crédible» pour parvenir à un accord. Peut-être à Hong Kong, en décembre prochain, lors du Sommet de l’Organisation mondiale du commerce.
Il est nécessaire que les Africains saisissent cette nouvelle opportunité pour accentuer la pression qu’ils exercent depuis Cancun (Mexique).
En effet, comme le souligne pertinemment M. Ousmane Amion Guindo, «aujourd’hui, les pays riches nous fixent un délai de cinq ans. Le principe est donc acquis, mais mettons la pression dans la perspective de la prochaine réunion de l’OMC à Hong Kong.
L’Association cotonnière africaine (ACA), l’Association des producteurs de coton africains (APROCA), les quatre pays soumissionnaires… doivent saisir cette opportunité pour se battre pour que la mise en oeuvre du principe soit effective le plus tôt possible».
Il est en tout cas que si les pays africains producteurs de coton veulent réellement la suppression immédiate des subventions, ils doivent continuer à se battre en ne se contentant pas de promesses vagues.
Et la rencontre de Hong Kong leur offre l’opportunité de remettre en cause ce délai lointain qui vient de leur être proposé par le G8. Parce que comme le souligne Mme Barry, «notre combat est loin d’être terminé. Il ne fait que commencer».
Moussa Bolly
12 juillet 2005