“On a beau détester le lièvre, il faut lui reconnaître ses longues oreilles”. Ce trait d’esprit est formulé à l’adresse des détracteurs du Chef de l’État, mais il traduit surtout un fait indéniable : ATT vient d’initier ce qu’aucun de ses prédécesseurs, ni aucun Chef d État africain ou d’ailleurs n’ont jusque-là initié.
Il s’agit des immenses prérogatives désormais conférées au Chef de l’Opposition malienne, suite au Projet de réformes politiques élaboré par le Comité d’Appui aux Réformes Institutionnelles (CARI) présidé par celui-là même qui fut un des acteurs de la Commission qui a porté son nom : l’ancien Ministre et Président du PIDS, Daba Diawara.
Aussi, le jour de la présentation de ce Projet de réformes (lundi 19 avril) lu par Daba Diawara lui-même, l’immense salle du CICB était non seulement archicomble, mais elle avait accueilli tout le gotha des hautes personnalités maliennes : les membres du Gouvernement, les Présidents des institutions et des partis, les Ambassadeurs accrédités au Mali, les Représentants d’organismes internationaux, d’organisations de la société civile…
Il semble que c’est l’importance même de l’ordre du jour qui avait attiré autant de beau monde et retenu son attention tout au long de la lecture dudit Projet de réforme, bien que cette lecture ait duré plus d’une heure d’horloge.
Ce jour-là, tous les regards étaient irrésistiblement et simultanément braqués sur les trois “vedettes” de l’instant : ATT qui a proposé ce “Projet de Réformes politiques pour la consolidation de la démocratie au Mali” ; Daba Diawara, le Chef de file des concepteurs du CARI ; et Ibrahim Boubacar Keïta, Président du RPM et non moins considéré comme le Chef de file de l’Opposition parlementaire.
Des raisons et espoirs du Projet
Le 26 Mars 2010 consacrera un tournant, voire un changement décisif dans l’orientation sociopolitique du Mali. Un tournant concrétisé par deux évènements marquants. Tout d’abord, cet appel indistinctement formulé (à la télé) par ATT à l’endroit des partis de l’Opposition dans la nuit du 26 Mars 2010, et qui marquait le 19è anniversaire de l’avènement démocratique : cette nuit-là, ATT n’avait fait ni plus ni moins que proposer aux leaders de l’Opposition de participer aux actions du Gouvernement : en terme clair, d’en faire partie.
Moins d’un mois après ce fait, les Maliens apprennent avec stupéfaction qu’un parti de l’Opposition, et non mes moindres, a décidé de se fondre dans l’Adema-PASJ : il s’agit du Parti de la Renaissance Nationale (PARENA) de Tiébilé Dramé.
Pour la cause, deux délégations furent constituées en vue de se concerter et convenir des conditions et modalités de ladite fusion : celle du PARENA composée de son 1er Vice-président, Me Amidou Diabaté, et de son Secrétaire politique, Bréhima Béridogo, tous députés à l’Assemblée nationale ; et la délégation de l’Adema représentée par son Secrétaire Général, Marimantia Diarra (ancien Ministre du Plan et de l’Environnement), le Ministre du Développement social, de la Solidarité et des Personnes Agées et non moins 2è Vice-président du CE Adema, Sékou Diakité, et le Maire de la Commune I du District et non moins Présidente du mouvement des femmes Adema, Mme Konté Fatoumata Doumbia.
Cependant, on doute que tous des faits récents soient véritablement à l’origine de cette soudaine considération oh combien conférée au statut de l’Opposition, car les réformes du CARI ont non seulement été conçues et élaborées bien avant tous ces évènements, mais leur principal souci vise surtout la consolidation de la démocratie malienne.
Toute chose qui, en définitive, ne peut-être que bien accueillie par le peuple malien, mais à condition que tous les acteurs impliqués dans cet enjeu démocratique jouent loyalement leur rôle sur la scène socio-politiqué. Mais avant de “crier victoire”, attendons plutôt le verdict du prochain Référendum relatif à l’adoption définitive de ce Projet de réformes politiques par tous les Maliens, de l’intérieur comme de l’extérieur…
Des enjeux d’un chamboulement politique
Tout ce qu’on peut constater (en attendant le résultat dudit Référendum), c’est que les Etats-majors influents des partis s’activent déjà ferme, chacun de son côté, en vue d’un positionnement confortable, sinon privilégié, dans la perspective des échéances de 2010. Ainsi, on apprend d’ores et déjà qu’après la fusion du PARENA dans l’Adema, de hauts cadres du parti des Ruchers, conduits par leur Président Dioncounda Traoé en personne, ont approché IBK en vue de faire cause politique commune avec lui.
Cette démarche consisterait tout simplement à faire rallier le “Mandemassa” du RPM au parti de l’Abeille : ainsi, l’Adema obtiendrait et les “Béliers blancs“ de Tiébilé Dramé, et le parti des Tisserands. Bref, pour les Ruchers, il s’agit de mettre toutes les chances de son côté en formant dès à présent une autre alliance Adema-PARENA-RPM, en vue de conquérir derechef la colline de Koulouba après Juin 2012.
Mais la chose n’est pas aussi aisée qu’il n’y paraît. Et pour cause : très rares sont les Maliens qui oseraient aujourd’hui parier que le “Kankéléntigui de Sébénikoro“ (IBK) se rallierait au duo Adema-PARENA ! L’idée en elle-même paraît insoutenable, tant sur le plan personnel que politique.
En effet, on voit mal un IBK abandonner tous ses projets politiques pour 2012 au profit, ou du moins, pour les “beaux yeux” d’un ralliement à l’Adema-PARENA : IBK n’a sûrement pas oublié ce “coup de Jarnac” relatif à une certaine “trahison“ orchestrée dans son dos par des cadres de l’Adema qui (on s’en souvient) l’avaient éjecté de son fauteuil de Président des Ruchers. Ce qui l’avait même poussé à créer son Rassemblement Pour le Mali (RPM).
Par ailleurs, on imagine mal qu’en se ralliant au duo Adema-PARENA, IBK compromette ainsi ses chances (si l’on peut dire) de se voir plus tard investi des “juteuses” prérogatives de Chef de l’Opposition, surtout depuis l’annonce du Décret présidentiel instituant ce Chef de l’Opposition avec tous les honneurs et autres avantages : un Chef de l’Opposition issu du plus grand groupe parlementaire de l’Opposition, qui aura rang et prérogatives de Ministre, qui pourra effectuer des voyages avec le Chef de l’État, qui aura droit de regard et d’égards sur les grandes préoccupations de l’État…
Décidément non : on doute fort qu’IBK renonce à tous ces avantages et sacrifie ses chances sur l’autel d’un quelconque ralliement politique, surtout que de nos jours, la plupart des Maliens pensent forcément à lui, depuis l’annonce de ces dispositions relatives au Projet de réformes politiques…
En fait, aujourd’hui, c’est comme si, avant de quitter le pouvoir, ATT a tout mis en œuvre pour assurer un meilleur ancrage démocratique dans le pays, même si quelques mauvaises langues fustigent que ces réaménagements relatifs au CARI ne seraient… qu’une copie du système canadien. Pourtant, on doit aussi se tourner vers les systèmes des autres et voir s’ils peuvent s’adapter à ses propres réalités : voilà tout…
Bref, c’est comme si ATT s’adressait au peuple, surtout aux politiques : “Voilà, j’ai décidé de quitter le pouvoir en Juin 2012. Mais avant de partir, je vous propose de nouvelles dispositions politiques et institutionnelles qui, à mon humble avis, si elles sont convenablement appliquées, contribueraient certainement à une meilleure consolidation de la démocratie dans notre pays”. D’où la raison de ce Projet de réformes du CARI.
Mis en dépit de cette intention certes louable d’ATT (il faut le dire !), là où le bât risquerait de blesser, c’est... “Qu’il a y loin de la coupe aux lèvres“. En effet, on constate que dans les nouvelles dispositions du CARI, contrairement au nouveau statut du futur Chef de l’Opposition, la part belle n’a été conférée ni à la majorité présidentielle, ni à certaines institutions qui seront du reste supprimées, ni à l’Assemblée nationale qui sera d’ailleurs “bicamérale“ : à deux “caméras” (deux Assemblées législatives), avec la future présence d’un Sénat.
Quant à certains partis de l’ADP comme le CNID-FYT, l’URD et le MPR (entre autres), et à d’autres partis de l’Opposition comme le parti SADI, on ne sait plus à quelle enseigne politique ils seront plus tard logés, ou plutôt, à “quelle sauce politique ils seront mangés“, ou à “quels râteliers politiques ils vont brouter“, surtout après la concrétisation de toutes ces futures dispositions du CARI sur le terrain sociopolitique.
Quoi qu’il en soit, on peut conclure par un souhait sûrement nourri par tout le peuple malien : que ce Projet de réformes du CARI apporte un meilleur mieux-être à tous les Maliens, et qu’il propulse le Mali au “hit parade” des pays champions de la Démocratie.
Oumar DIAWARA
26 Avril 2010.