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Pourquoi des avantages faramineux pour le chef de l’opposition et…rien pour les leaders de la majorité au Parlement ?

En accordant, à travers un statut, des avantages faramineux au chef de l’opposition dans son Projet de réformes politiques pour la consolidation de la démocratie au Mali (PRPCD), le président de la République se devait d’aller au bout de cette logique démocratique en proposant que les leaders du parti (ou du mouvement politique) majoritaire au Sénat et à l’Assemblée nationale puissent bénéficier, eux aussi, d’un statut leur accordant avantages et prérogatives.

Lorsque le ministre Daba Diawara, président du Comité d’appui aux réformes institutionnelles (Cari), égrenait le long chapelet des avantages accordés au chef de l’opposition, toute l’assistance, venue ce jour-là 19 avril 2010 en grand nombre au CICB, avait les yeux rivés sur le sultan de Sébénikoro : Ibrahim Boubacar Kéïta, président du RPM, actuel leader de l’opposition parlementaire, avec neuf députés.

Assis dans la loge réservée aux présidents de partis politiques, à côté des leaders des partis membres de la majorité présidentielle tels que Younoussi Touré de l’Urd, Dioncounda Traoré de l’Adema et Choguel K. Maïga du MPR, l’homme trempé d’acier écoutait, lui aussi, imperturbable, cette longue liste des avantages et prérogatives accordés au chef de l’opposition qu’il est présentement. Dans ce cas, IBK en sera certainement le premier bénéficiaire.

N’est-ce pas pour faire plaisir au châtelain de Sébénikoro que ce costume lui a été taillé sur mesure afin que l’ancien Premier ministre se sente beaucoup mieux et dans sa peau et dans ses nouvelles fonctions ? D’où ce tapis rouge déroulé pour servir de marchepied à cet homme d’action jovial, à la démarche alerte et à l’esprit vif. Cela, malgré le poids de l’âge. En effet, dans la salle, tout le monde se disait in petto que ce statut est fait spécialement pour IBK?

En tout cas, un telle opinion se trompe rarement et le temps finira, tôt ou tard, par éclairer la lanterne de ceux qui en doutent encore. C’est dire que les Maliens nourrissent encore beaucoup d’estime pour l’ancien Premier ministre, ancien président de l’Assemblée nationale où, encore plein de gens continuent de pleurer son absence du perchoir. Car sa présidence était faite de bonté et de générosité mais aussi d’exigence et de qualité dans le travail. C’est pourquoi, on est enclin à penser que même pour le futur chef de l’opposition, les propositions contenues dans le projet d’ATT sont un peu de trop.

Le chef de l’opposition a-t-il besoin, par exemple, qu’il lui soit accordé, par décret présidentiel, le rang de ministre ? Il est permis d’en douter. Si le chef de l’opposition est appelé à partager, à Koulouba, le même repas que le président de la République et ses ministres, on se demande avec quelle langue il va critiquer les actions du gouvernement. S’il doit marcher sur le même tapis rouge, à côté du président de la République, pour prendre l’avion de celui-ci et loger dans le même hôtel à Paris ou à Moscou que ce dernier, on se demandera alors comment il apparaîtra aux yeux de l’opinion à son retour à l’aéroport de Bamako-Sénou. Et dans les images de l’ORTM.

Ce ne sont là que quelques attitudes qui vont rapidement faire discréditer le chef de l’opposition- qui ne serait alors que factice- aux yeux des Maliens plutôt habitués aux diatribes de l’opposition contre le pouvoir. Un opposant qui revêt le manteau de ministre cesse d’être un opposant.

En entrant – même à travers un simple statut- dans le salon feutré du pouvoir, c’est comme si le chef de l’opposition creusait sa propre tombe qui le séparerait à jamais de la foule de ses partisans et admirateurs.

Cela, dans un environnement politique où la suspicion est la chose la mieux partagée. Ainsi mis dans le moule d’un statut princier, le chef de l’opposition n’aura, en certaines occasions, que ses yeux pour pleurer. Car, au vu des avantages qu’on lui a accordés, celui-ci n’aura plus de langue pour parler…en mal du pouvoir. Quel gâchis !

Quels avantages pour le leader de la majorité ?

Dans un pays où le leader du parti majoritaire à l’Assemblée nationale n’est pas forcément Premier ministre – ce dernier étant librement choisi par le président de la République parmi l’ensemble des Maliens qualifiés pour cela – que le chef de l’opposition soit logé à une si belle enseigne peut paraître bizarre, anachronique voire illogique. A quoi auront donc servi les élections ?

Car même ayant perdu, le chef de l’opposition est assuré d’avoir rang de ministre sur décret du président de la République. Avec des prérogatives et des avantages faramineux. Ainsi, le perdant devient presque plus important que le gagnant. Car, pour ce dernier rien n’est prévu dans le projet de réformes politiques du président ATT.

Une telle magnanimité du pouvoir à l’endroit de l’opposition est à même d’émousser l’élan, l’ardeur critique dont doit être armé, en permanence, tout chef de l’opposition digne de ce nom.

En effet, dans le projet qui a été présenté, rien n’est dit sur les leaders de la majorité au Sénat et à l’Assemblée nationale. Ils ne sont, ni l’un ni l’autre, ipso facto, nommé Premier ministre ou élu président du Sénat ou de l’Assemblée nationale et ne bénéficie d’aucun statut particulier. Sur cette question, le projet reste étonnamment muet.

Le modèle anglais ou canadien, qui semble avoir inspiré les rédacteurs de ce projet, en ce qui concerne l’idée à donner un statut de l’opposition, ne sied pas dans notre cas de régime politique hybride fortement inspiré du système français où il n’existe, d’ailleurs, aucun statut pour l’opposition.

Maintenant qu’on s’achemine vers un statut de l’opposition, il s’agit de savoir quel sort réserver aux leaders de la majorité au Sénat et à l’Assemblée nationale. Une réponse à cette préoccupation libérerait tout le monde. Elle permettra ainsi au futur chef de l’opposition de se sentir mieux dans sa peau en enfilant son nouveau costume. Tant mieux si c’est IBK. On ne se serait donc pas trompé.

Mamadou FOFANA

22 Avril 2010.