Plus que la cherté des denrées alimentaires, c’est le foisonnement dans nos marchés de produits impropres à la consommation qui est source d’inquiétude. Ces « poisons » nuisent complètement à la santé humaine et peuvent être considérés comme des « tueuses silencieuses » dans un contexte marqué par le manque de rigueur et d’efforts conséquents de l’Etat.
On ne le dira jamais assez : les Maliens ne sont pas protégés contre les produits alimentaires de qualité douteuse qui pullulent. Chaque jour que Dieu fait, des citoyens sont silencieusement des victimes de substances dangereuses. Comme ils font partie du bas de l’échelle sociale, « le chien aboie, la caravane passe« . Les rares personnes qui s’entêtent à dénoncer la présence de ces « poisons » sur nos marchés sont assimilées à des « utopistes », cherchant à transformer nos réalités locales en « mode occidentale« .
Mais, est-il aussi compliqué de surveiller la qualité des aliments sur le marché avec la pléiade de services créés à cette fin au Mali ?
Décidément non, car ne voilà-t-il pas qu’avec un peu d’audace et de responsabilité les services vétérinaires ont réalisé, la semaine dernière, un coup d’éclat en saisissant plus d’une tonne de viande clandestine. Une réussite qui survient après tant d’appels du pied.
Mais, il faudrait prendre avec des pincettes ce succès parce que les services vétérinaires ont mis du temps à se signaler alors que leurs cibles s’offrent à eux jour et nuit. Les abattages clandestins continuent dans plusieurs communes dont celle de Kalabancoro et un bon nombre de bouchers ne se plient pas aux règles élémentaires d’hygiène des deux abattoirs frigorifiques de Bamako.
Une situation qui démasque les complicités sordides sur le dos des pauvres consommateurs. Et sur ce point, la présidente de l’Association des consommateurs du Mali (Ascoma), Mme Coulibaly Salimata Diarra, est sans équivoque, malgré les controverses qui entourent le rôle des associations de consommateurs dans la vie des Maliens. « Nos opérateurs économiques sont très indélicats », s’offusque-t-elle. La présidente de l’Ascoma fait allusion aux promesses jamais réalisées de produits de bonne qualité prises par de véreux opérateurs économiques. Au nez et à la barbe de l’Etat.
L’Agence nationale pour la sécurité sanitaire des aliments (Anssa) n’arrive toujours pas à sortir de sa torpeur quand bien même sa mission essentielle est d’assurer que les produits présents sur nos marchés soient conformes aux normes sanitaires requises. Au lieu d’aller à la conquête des aliments malsains (boîtes de conserves périmées, eaux en sachet et autres aliments souillés…), les autorités de ce service se plaisent à confirmer les critiques virulentes des Maliens à leur égard. Et dire que dans ces conditions les autorités tiennent beaucoup à l’érection de cantines scolaires.
Nuisances fatales
L’on se demande si parfois certains responsables pensent aux effets collatéraux de leurs actes ou aux conditions pré-requises avant d’entamer en grande pompe la concrétisation de leur projet. De sources officielles au département de l’Education, de l’Alphabétisation et des Langues nationales, l’on apprend que le Programme alimentaire mondial (Pam) est le principal partenaire dans la réalisation des cantines scolaires. Alors que cette même structure internationale vient de déclencher une sorte de « tsunami » parmi les consommateurs maliens, suite à sa volonté de mettre à la disposition des populations une importante quantité d’huile périmée.
L’huile est décidément la source de tous les dangers au Mali. En dépit de quelques tours en ville et des menaces stériles proférées aux usines de production d’huile par le ministère de l’Industrie, du Commerce et des Investissements, peu d’usines locales disposent de toute la chaîne complète du processus de raffinage d’huile.
Pour preuve, une mission de contrôle de l’Etat en fin 2007 a conclu à une augmentation du nombre d’huileries, 57 au total et sur lesquelles seulement deux disposaient de la chaîne complète pour le raffinage de l’huile, les autres produisant de l’huile de coton impropre à la consommation humaine. Un constat intolérable qui avait poussé Dr. Ibrahima Sangaré, vétérinaire hygiéniste et membre de l’Ascoma à tirer la sonnette d’alarme.
» Les risques, pour le consommateur après une longue période d’absorption de l’huile non-raffinée, sont énormes. Elle contient du gossypol qui provoque l’infertilité permanente, voire la stérilité chez l’homme (l’azoospermie, diminution de la libido, de la spermatogenèse et de la mobilité des spermatozoïdes de manière irréversible. Certains contraceptifs masculins sont d’ailleurs à base de gossypol). Il provoque également l’irrégularité ou l’arrêt des menstrues, l’interruption de grossesse chez la femme, des problèmes gastriques dus aux effets toxiques sur le foie, des pathologies cardio-vasculaires à l’origine d’arrêts cardiaques ainsi que des cas de cancers« , avait averti Dr. Sangaré.
Au Mali, l’huile impropre est généralement utilisée pour fumer le poisson, lui aussi source de tous les dangers. Selon un constat du comité national du codex alimentarus, un programme commun de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) consistant en un recueil de normes relatives à la production et à la transformation agroalimentaires, des matières fécales animales, notamment la bouse de vache, sont utilisées dans le fumage du poisson au Mali.
Des pesticides sont aussi utilisés pour la conservation du poisson fumé, alors qu’aucune étude ne peut attester de leur non-toxicité pour la santé humaine. Pis, des matières plastiques, les vieux sachets noirs, servent également à fumer le poisson.
Ogopémo Ouologuem
(correspondant aux USA)
15 Octobre 2010