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Personne ne fera le Mali à la place des Maliens. Les autorités de la Transition l’ont bien compris et agissent dans ce sens chaque fois qu’il s’agit de défendre les intérêts du pays. C’est dans cet esprit qu’il faut comprendre la décision de se retirer d’un accord jugé inapplicable.

L’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger appartient désormais au passé. Ce qui était un secret de polichinelle depuis  l’annonce par le chef de l’État d’un dialogue direct inter-Maliens dans son discours de Nouvel an a été officialisé, le jeudi dernier, par le gouvernement à travers un communiqué lu par son porte-parole, le ministre d’État, ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, le colonel Abdoulaye Maïga.

Il faut rappeler qu’après l’éclatement de la crise multidimensionnelle dans notre pays en 2012, les autorités d’alors avaient donné la chance au dialogue pour le retour de la paix. La communauté internationale s’est mise au chevet du Mali et l’Algérie voisine a été choisie comme chef de file de la médiation internationale entre la partie gouvernementale et les  groupes séparatistes sous l’égide des Nations unies à travers la Minusma. 

L’on se souvient que lors de la visite du Premier ministre Moussa Mara  à Kidal  le 17 mai 2014, les ex-rebelles avaient fait  sortir les femmes et les enfants pour manifester contre la présence du chef gouvernement. Cette visite va dégénérer en affrontements entre l’Armée malienne et les groupes séparatistes. Des représentants de l’état ont été tués et d’autres retenus en otage. Par la suite, l’Armée malienne a mené une offensive contre les groupes armés qui tenaient la ville de Kidal. À la suite de ses affrontements, un accord de cessez-le-feu a été signé le  23 mai 2014.


Sur la base de cet accord, il y a eu un cessez-le-feu. Ce qui a ensuite permis aux parties maliennes (le gouvernement, la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et la Plateforme des mouvements républicains) d’ouvrir  les pourparlers à Alger. Ces négociations ont abouti, quelques mois plus tard, à un accord appelé «Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger». Le document a été signé à Bamako en deux phases le 15 mai et le 20 juin 2015.

Il faut reconnaître que l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger a connu de nombreuses difficultés dans son application. Il a été constamment violé par les groupes armés du Nord alors que le gouvernement n’a cessé de déployer des efforts pour la paix et la réconciliation dans notre pays. Il s’agit, entre autres, de l’implication des mouvements signataires dans la désignation du président de la Transition, la nomination de leurs responsables au sein du gouvernement et du Conseil national de Transition (CNT).


Ces responsables ont également été consultés et associés à toutes les étapes  majeures de la vie de la Nation, notamment les concertations nationales pour élaborer la charte de la Transition, les Assises nationales de la refondation, la rédaction du projet de Constitution et sa finalisation. L’engagement du gouvernement s’est manifesté en outre par l’allocation de ressources budgétaires spécifiques dédiées au développement des régions du Nord notamment à travers le financement sur ressources propres du Fonds de développement durable (FDD). Y compris l’intégration de certains ex-combattants dans les rangs des forces de défense et de sécurité. Et l’insertion socioéconomique pour d’autres à travers des projets structurants. Le processus concernait plus de 26.000 ex-combattants.

VIOLATIONS RÉPETÉES- Dans sa lettre adressée au chef de la diplomatie algérienne le 24 février 2023,  le ministre de la Réconciliation nationale, de la Paix et de la Cohésion nationale, chargé de l’Accord pour la paix et la Réconciliation nationale, faisait des observations sur le rôle de la médiation internationale et les cas de violations de l’Accord par certains mouvements. Le colonel-major Ismaël Wagué a cité nommément ceux de la CMA qui n’ont cessé de violer l’Accord.  Il a dénoncé, entre autres, l’installation d’états-majors par certains groupes armés dans le Gourma en 2020-2021, la réouverture des postes de sécurité dans les zones de Kidal, Gao, Ménaka et Tombouctou, la délivrance illégale d’autorisations de déplacement sur les sites d’orpaillage.

Mais aussi l’installation et la mise en place de dispositifs de sécurisation sur les sites d’orpaillage illégaux de N’Tahaka (Sud de Gao) et au Nord de Kidal, le refus de recevoir des médecins en charge de la lutte contre la Covid-19, les actions entravant  le fonctionnement optimal des Bataillons des forces armées reconstituées (Baftar), la conduite de patrouilles par des entités non reconnues (CSP-PSD) sans concertation ni accord du gouvernement à Kidal, Ménaka, Gao, Tombouctou et Taoudéni.

Le gouvernement reproche aussi aux groupes armés l’occupation et l’organisation de rencontres à Anéfis, l’opérationnalisation d’un tribunal islamique à Kidal et qui a déjà délibéré sur le cas de deux éléments du Baftar, la collusion de  plus en plus manifeste avec les groupes terroristes en violation des résolutions du Conseil de sécurité de l’Onu.

Le ministre Wagué dira que ces cas de violations de  l’Accord sont d’autant plus préoccupants qu’ils n’ont donné lieu à aucune condamnation de la médiation internationale. Selon lui, l’attitude de certains mouvements suivie de l’absence de réaction de la médiation jette un discrédit sur cette dernière.

Les faits ont donné raison au ministre Wagué surtout depuis que le gouvernement a demandé et obtenu le retrait de la Minusma. Dans le cadre de la rétrocession de ses emprises et de leur occupation par les Forces armés maliennes (FAMa), les groupes armés ont violé l’Accord de cessez-le-feu signé en mai 2014 en relançant les hostilités.


De Ber en passant par Ménaka, Tessalit, Aguelhok, les groupes armés en coalition avec les terroristes ont tout tenté pour empêcher nos militaires d’occuper les anciens camps de la Mission onusienne. Mais en face, il y avait une Armée malienne plus que déterminée à marquer son retour sur l’ensemble du territoire national. Après avoir surmonté tous les obstacles dressés par l’ennemi, les FAMa se sont emparées de Kidal  le 14 novembre 2023, marquant ainsi leur retour dans cette ville, épicentre de toutes les rebellions que le Mali a connues depuis l’indépendance. 

Après le retour de l’Armée à Kidal suivi par celui de l’administration et des services sociaux de base, le chef d’état, le colonel Assimi Goïta, dans son adresse à la nation à l’occasion du nouvel an, a annoncé avoir pris l’option de privilégier l’appropriation nationale du processus de paix, en donnant toutes les chances à un dialogue direct inter-Maliens, afin d’éliminer les racines des conflits communautaires et intercommunautaires.


Cette décision du président était une remise en cause de l’Accord. Et ce qui était un secret de polichinelle a été officialisé le jeudi dernier par un communiqué du gouvernement où il a dénoncé le changement de posture de certains groupes signataires de l’Accord pour la paix  devenus des acteurs terroristes et poursuivis par la justice malienne après avoir commis et revendiqué des actes terroristes. 

Le gouvernement a souligné l’incapacité de la médiation internationale à assurer le respect des obligations incombant aux groupes armés signataires malgré ses plaintes formulées à travers la lettre du ministre en charge de la Réconciliation en date du 24 février 2023, adressée aux autorités algériennes.  Par ailleurs, le gouvernement a dénoncé les actes d’hostilités et d’instrumentalisation de l’Accord de la part des autorités algériennes dont le pays est le chef de file de la médiation internationale. Au regard de ces faits suffisamment graves, le gouvernement qui constate  l’inapplicabilité absolue de l’Accord pour la paix signé en 2015, a annoncé sa fin avec effet immédiat.

ACTES INAMICAUX- Dans un autre communiqué publié le même jour, le gouvernement de Transition dit constater avec une vive préoccupation, une multiplication d’actes inamicaux, des cas d’hostilité et d’ingérence dans les affaires intérieures au Mali par les autorités algériennes, portant atteinte à la sécurité nationale et à la souveraineté du Mali. Au nombre de ces cas, le gouvernement a cité l’imposition d’un délai de transition aux autorités maliennes de manière unilatérale, l’accueil sans concertation ou notification préalable et au plus haut sommet de l’état algérien de citoyens maliens subversifs et d’autres poursuivis par la justice malienne pour actes de terrorisme, l’existence sur le territoire algérien de bureaux assurant la représentation de certains groupes signataires de l’Accord devenus aujourd’hui des acteurs terroristes.

Mais aussi, la volonté des autorités algériennes de maintenir le régime des sanctions des Nations unies concernant le Mali au moment où le Mouvement des non-alignés et la fédération de Russie s’y opposaient, la main cachée des autorités algériennes dans une manœuvre consistant à imposer un chapitre sur le Mali dans le document final du sommet du Mouvement des non-alignés à Kampala en Ouganda sans consentement des autorités maliennes.


Le gouvernement soutient qu’après analyse de ces cas, il ressort une perception erronée des autorités algériennes qui considèrent le Mali comme leur arrière-cour ou un pays paillasson sur fond de mépris et de condescendance.  Tout en condamnant cette attitude, le gouvernement  exige des autorités algériennes de cesser immédiatement leur hostilité. Cette situation intervient après une période de tension diplomatique entre le Mali et l’Algérie marquée par le rappel de leurs ambassadeurs pour consultations en décembre dernier. L’Accord d’Alger est donc mort de sa belle mort. Vive le dialogue direct inter-Maliens.

Dieudonné DIAMA

Source: L’Eessor