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Le jeudi 13 novembre 2008, l’Assemblée nationale du Mali a adopté à la majorité le projet de loi intitulé «Sécurité en biotechnologie». Ce projet de loi, il faut le rappeler, a été déposé sur la table du gouvernement en janvier 2008 par le ministre en charge des questions environnementales du Mali. C’est ainsi qu’il a été adopté et transmis à l’Assemblée nationale pour adoption par nos honorables députés.

L’article 1 de la loi sur les organismes génétiquement modifiés (OGM) est vraiment explicite quant au caractère total et sans réserve de l’engagement du gouvernement de la République du Mali à ouvrir notre pays aux OGM.


Lisons ledit article de loi :
«La présente loi s’applique à l’importation, le transit, l’utilisation confinée, la libération ou la mise sur la marché de tout organisme génétiquement modifié qu’il soit destiné à être libéré dans l’environnement ou utilisé comme denrée alimentaire, aliment pour le bétail de transformation, ou d’un produit dérivé d’organisme génétiquement modifié. Elle s’applique également aux OGM à double fonction pharmaceutique et alimentaire d’intérêt agricole.» (Voir la correspondance du bureau exécutif de la Coordination nationale des organisations paysannes (CNOP).

Dans cette correspondance en date du 10 novembre 2008, la CNOP a fait remarquer que le processus d’élaboration du texte de loi n’a pas été du tout transparent mais aussi et surtout il viole tous les engagements pris par l’Etat malien sur la question des OGM, notamment :

– le protocole de Cartagena sur les risques liés aux organismes génétiquement modifiés qui exige une transparence totale,
– la Convention sur la biodiversité ;
– et surtout la Loi d’orientation agricole votée par l’Assemblée nationale le 16 août 2006 et promulguée par les soins du président de la République le 5 septembre de la même année.

Cette Loi a notamment prévu l’élaboration d’une politique semencière et bio sécuritaire de façon transparente.

Pour rafraîchir les mémoires, rappelons que le document appelé «Convention sur la diversité biologique» a été signé en 1992 à Cartagena. Le Mali est de ceux- là qui l’ont signé.


Les objectifs du protocole en question sont, on ne peut plus clairs, entre autres

– la conservation de la biodiversité ;
– l’utilisation judicieuse et durable des ressources naturelles et le partage juste et équitable des avantages découlant de l’exploitation des ressources génétiques.

Le protocole de Cartagena avait donc pour gage de garantir la protection pour la biodiversité et la santé dans le transfert, la manipulation et l’utilisation des OGM produits par la biodiversité.

Ce qu’il faut aussi savoir, c’est que la Coordination nationale des organisations paysannes a adopté, sous la présidence du président de la République, un programme de mise en œuvre de la Loi d’orientation agricole pour les années 2008 et 2009, programme prévoyant l’élaboration d’une politique semencière et bio sécuritaire de façon totalement participative et inclusive. Dès lors, il apparaît légitime pour le peuple malien de s’interroger sur les mobiles véritables d’un tel processus pour le moins parallèle dans lequel aucune couche sociale n’a été associée.

Que dire donc du projet de loi sur la biotechnologie si ce n’est qu’elle défend mordicus les intérêts de toutes celles et de tous ceux des Maliens qui se sont mobilisés pour mettre l’Assemblée nationale à contribution dans la légitimation, l’introduction et la dissémination des organismes génétiquement modifiés dans notre pays.

C’est donc en connaissance de cause que la Coordination nationale des organisations paysannes a procédé à des conférences- débats, à une campagne nationale d’information, d’éducation et de sensibilisation en français et en langues nationales sur les enjeux de l’avenir. Aussi, la CNOP a procédé par des marches pacifiques dont celle du 21 août 2006 pour attirer l’attention des Maliennes et des Maliens sur les conséquences néfastes de l’introduction des OGM dans les activités culturales au Mali.

La Loi, qui a été votée jeudi 13 novembre 2008 sur les OGM, constitue inévitablement un pas dangereux vers l’aliénation de notre pays au bon vouloir des multinationales américaines que sont Mosanta, Syngenta et l’USAID.

Par le vote de cette Loi par l’Assemblée nationale, le Mali vient de rejoindre, hélas, le Burkina Faso et l’Afrique du Sud. Mais il faut préciser que l’Afrique du Sud a introduit les OGM uniquement dans la culture du maïs et du colsa ; le Burkina, quant à lui, utilise les OGM dans la culture du coton.

Le Mali est allé trop loin dans cette affaire puisque dans notre cas, toutes les semences sont concernées sans exclusive. Cette décision d’introduire les OGM dans notre agriculture est imputable à une poignée d’intellectuels maliens qui ne représentent nullement l’intelligentsia malienne. C’est le lieu de dire que l’élaboration du projet de loi ainsi adopté par l’Assemblée nationale a été tout sauf transparente.

Elle a été pour le moins clandestine, certainement pour des intérêts inavouables et qui ne sont nullement ceux du peuple laborieux. Cela est d’autant exact qu’aucun représentant des organisations paysannes n’a été associé à cette entreprise qui finira par sonner le glas de notre souveraineté nationale.

Pire, après toutes nos enquêtes, nous pouvons dire à la face de notre peuple laborieux que le gouvernement de la République du Mali n’a pas daigné associer la Coordination nationale des organisations paysannes du Mali quand bien même en son sein il y a des spécialistes en agronomie, en génétique, en biotechnologie, en génie génétique et en sciences sociales. C’est dire que la loi qui vient de passer à l’Assemblée nationale ne défend nullement les intérêts du peuple malien. Bien au contraire !

La question des organismes génétiquement modifiés est une question de vie ou de mort pour notre peuple laborieux qui n’a rien fait pour mériter ce traitement dégradant, aliénant. En tout cas, la Loi qui introduit ainsi les OGM dans notre agriculture est aliénante à plus d’un titre :

– elle crée désormais les conditions idoines de dépendance totale et entière de nos paysans et de notre pays des multinationales pour l’achat des semences et donc la destruction de notre économie nationale ;

– elle crée les conditions de contamination de toutes nos variétés végétatives, notamment la destruction de notre écosystème et de la biodiversité nationale.

Enfin, il faut dire sans ambages que les risques sur la santé humaine et animale sont suffisamment élevés quand on sait que les OGM sont généralement des plantes qui produisent des insecticides ou digèrent des herbicides.

Ce que le peuple malien doit savoir déjà c’est que les OGM sont une technologie encore très mal connue et mal maîtrisée d’abord par ceux-là mêmes qui les produisent. Cela est d’autant exact qu’à ce jour aucune compagnie d’assurance n’a encore accepté assurer les multinationales détenant des brevets sur les OGM.

Aujourd’hui, le Mali a besoin des technologies adaptées à nos réalités car, c’est seulement cela qui fait le bonheur de nos masses laborieuses.

Les moyens de contrôle font si défaut chez nous que les OGM ne peuvent à moyen ou long terme qu’assassiner tout espoir de bien être socio- économique des travailleurs. Il faut se convaincre aujourd’hui qu’autant l’épervier ne peut œuvrer pour le bonheur des poussins de la basse- cour, autant Mosanto, Syngenta, l’USAID et la Banque mondiale ne peuvent servir les intérêts fondamentaux de notre peuple laborieux. Ils ne peuvent servir que les intérêts des dirigeants maliens.

Le fameux principe du partage équitable des avantages de l’introduction des OGM dans notre politique culturale est tout simplement une poudre aux yeux de notre peuple laborieux. Ce peuple n’a nullement besoin des technologies qui alignent notre dignité, si puissantes soient-elles.

Comme pour dire tout simplement que notre gouvernement et notre Assemblée, en élaborant la loi sur les OGM et en la faisant adopter, ont fini par enchaîner notre peuple aux multinationales qui n’ont que faire du bonheur de notre peuple laborieux.

Les députés de l’opposition, qui ont refusé de se rendre coupables de cet acte de l’Etat, ont, par là, fait preuve de maturité intellectuelle et politique.
Que Dieu sauve le Mali !

Fodé KEITA

17 Novembre 2008