“Le Mali est une nation à refondre”, a dit Me Abdoulaye-Sékou Sow
Après avoir dignement et loyalement servi la nation malienne pour avoir été ministre, ministre d’Etat, Premier ministre et membre de la Cour Constitutionnelle, le doyen Me Abdoulaye-Sékou Sow a fait valoir ses droits à la retraite.
Il a une brillante carrière derrière lui, notaire de son Etat, membre fondateur de l’ADEMA, il est l’un des acteurs du mouvement démocratique qui a contribué à la chute du régime dictatorial du Général Moussa Traoré en 1991.
Même à la retraite, Me Abdoulaye-Sékou Sow est encore très actif. Il continue toujours à gérer son cabinet de notaire et donne souvent son avis sur les activités de CRI 2002, une association dont il est le président d’honneur. Le Livre qu’il vient de publier aux Editions Grandvaux a comme titre : <
L’état des lieux des régimes successifs
Ce chef d’oeuvre tente de prendre la mesure de la problématique de la construction de l’Etat post-indépendance au Mali qui a connu une histoire tourmentée depuis le Moyen-Age, marquée par des ruptures graves. Il s’agit donc de faire l’état des lieux des régimes politiques qui se sont succédés au Mali.
Le schéma adopté est le suivant :
Du rejet de l’ordre colonial à l’instauration de monocraties multiformes : régime socialiste du président Modibo Keïta renversé par une junte militaire (22 septembre 1960-19 novembre 1968). Etat militaire dénommé Comité Militaire de Libération Nationale (CMNL) et Parti-Etat-UDPM qui deviendra une autocratie au profit du Général Moussa Traoré.
L’insurrection populaire
Confrontés aux pires difficultés économiques, sociales, politiques et ethniques, le système autocratique sera renversé à son tour par une insurrection populaire au prix de nombreuses pertes en vies humaines, après avoir mis le pays sous perfusion internationale et étrangère.
Dans le document de presse, l’auteur soutient que tous les régimes à caractère autoritaire, expression des premières tentatives de construction de l’Etat postcolonial furent défaillants.
L’ère démocratique
La période démocratique, qui s’instaure ainsi, se donne comme objectif l’édification d’un Etat nouveau démocratique et républicain sur la base de la mystique du changement forgée par l’imaginaire populaire et la Révolution du 26 mars 1991 à savoir : AN TE KOROLE FE FO KURA, KOKAJE (on ne veut plus de l’ancien, on veut du neuf, KOKAJE = Laver propre).
Mais la Transition démocratique organisa une conférence nationale qui avait, justement, pour mission de bâtir le nouvel Etat à caractère pluraliste caractérisé par son ancrage dans la culture malienne et africaine. Cependant, la Constitution du 25 février 1992 ne sera qu’une copie de celle de 1958 de la France.
Les défaillances
La décentralisation qui devrait être le socle de l’Etat nouveau ne fait pas preuve non plus d’originalité et peine à s’appliquer en raison de nombreuses difficultés dont le grave problème du transfert concomitant des compétences et des ressources. Mais l’adoption du modèle français ne tardera pas à se montrer non seulement inadapté mais aussi source de crises notamment électorales.
La décision des deux premiers présidents, de la classe politique et de la société civile visant à soumettre à la réflexion tous les textes fondamentaux (Constitution, Charte des Partis Politiques, Loi Electorale, Statuts des Partis Politiques) montre à suffisance que l’Etat issu de la Conférence nationale n’a pas non plus échappé aux défaillances liées à l’inadaptation du modèle (de démocratie libérale) adopté avec comme conséquence le règne du pragmatisme politique.
L’on connut alors le parti dominant à la faveur du mode de scrutin majoritaire, véritable parti unique vêtu du boubou démocratique et le reniement généralisé des convictions des partis politiques, négation de toute opposition viable et aggravation du maux comme le <<clientélisme>>.
Ne peut-on pas dire alors, qu’il y a là, une ambition manquée de la Conférence nationale, ambition qui appelait innovation, créativité, autochtonisation, etc. Alors se pose la question de savoir : Que faire ? Faut-il recourir aux Droits de l’Homme ? C’est ce que semble suggérer le constituant malien qui affirme abondamment les droits et libertés, mais aussi les constitutionnalistes.
Mais l’analyse montre aussi de nombreuses défaillances et des violations dans les systèmes de protection et de promotion des Droits de l’Homme. Cependant, il apparaît que, par délà la démocratie formelle et institutionnelle établie, le retour aux Droits de l’Homme et à l’Etat de droit semble être une des conditions sine qua non de la remise du pouvoir au peuple, de la récupération par le peuple de sa souveraineté ; en d’autres termes il s’agit de restaurer ce qu’on a pu appeler <<le pouvoir démocratique>> (demos), à savoir <<le Gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple>>.
La construction d’un Etat démocratique républicain semble ainsi dépendre de l’institution d’un Etat de Droit rigoureux fondé sur une Justice forte et propre. Mais c’est là une autre question certes difficile mais pas irréalisable. Tout dépend de la volonté politique des citoyens et de l’engagement sincère et loyal de l’élite nationale.
Dès lors, a-t-il tort, celui qui a écrit : “Je ne combats ni pour la République, ni pour la Monarchie, mais pour l’empire du Droit”.
Daba Balla KEITA
05 Septembre 2008