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En partenariat avec d’autres associations du Mali, du Burkina-Faso, du Togo et de France oeuvrant pour la défense des droits humains, le Mouvement des Sans Voix (MSV) a organisé une conférence de presse le mardi 31 Mars 2009 à son siège, pour le lancement de son forum qui doit se tenir du 3 au 5 Avril 2009.

Au cours de son introduction liminaire, le Président du Mouvement des Sans Voix, M. Tahirou Bah, a brièvement exposé le thème dudit forum : “Les luttes sociales actuelles dans le contexte politique du Mali, 18 ans après la Révolution de Mars 1991”.

Selon lui, 18 ans après la Révolution de Mars 1991, le constat est amer : les conditions de vie des citoyens n’ont pas changé, comme pour dire que le changement s’est tout simplement limité à un changement de régime. “Nous avons aujourd’hui un régime policier où toute forme d’expression est interdite. Il se réfère toujours sur l’ancienne loi des années 50, pour interdire tout mouvement associatif”, a-t-il déploré.

Aussi, dans un document de presse, le MSV fera savoir que ce forum, dont les participants potentiels seront les ouvriers, les paysans, les licenciés,… est le fruit d’une mûre réflexion des acteurs du Mouvement des Sans Voix du Mali qui, après concertations et analyses avec les camarades des Sans Voix du Burkina-Faso et du Togo, ont tenté de se retrouver dans un cadre sous-régional, en collaboration avec le réseau “No Vox Paris” pour en débattre, critiquer et donner des solutions idoines aux différents maux dont souffre notre continent sous le joug de multinationales savamment soutenues par les dirigeants africains.

Toujours selon le MSV, les pays africains sont à la merci d’un vaste programme de privatisation de nos sociétés et entreprises d’Etat. Tous les secteurs vitaux de ressources ont été liquidés par des dirigeants à la solde des impuissances occidentales.

Privatisation de l’HUICOMA et de TRANSRAIL

L’HUICOMA a été cédé au groupe Tomota (du nom de l’opérateur économique malien, Alou Tomota). L’HUICOMA, un patrimoine estimé à 26 milliards de FCFA, est liquidé à 9 milliards de FCFA, avec une exonération d’impôts et de taxes qui s’étale sur huit ans. Le 17 Juin 2007, 462 travailleurs de l’HUICOMA sont mis en chômage technique.

Le 20 Juin 2007, les travailleurs restants apprennent avec amertume la suppression de toutes les indemnités octroyées dans le cadre de l’accord d’établissement CMDT-HUICOMA. Le chiffre d’affaires de la structure, qui était d’environ 26 milliards de FCFA avant sa privatisation, a aujourd’hui chuté jusqu’à 6 milliards de FCFA.

La privatisation du chemin de fer s’est effectuée sous le vocable de “concession”. Son patrimoine estimé à 117 milliards de F CFA est cédé à la CANAC (campagnie canadienne) pour 7 milliards de F CFA payables sur sept ans. Le gouvernement doit encore garantir, auprès des institutions internationales, un prêt de 14 milliards de FCFA au profit de TRANSRAIL créé par la CANAC. Transrail supprimera alors le trafic humain au profit du trafic “bagages” estimé plus rentable, et licenciera 600 cheminots.

A en croire le MSV, toutes ces privatisations et bradages des sociétés et entreprises d’Etat ont entraîné, dans leur sillage, des conséquences sociales et économiques qui échappent à toute analyse. Aussi, le MSV exige la régularisation, dans un bref délai, des droits de tous les travailleurs licenciés.


Les secteurs agricole, minier et alimentaire

Dans le secteur productif agricole, notamment à l’Office du Niger, chasser les paysans de leurs terres pour les attribuer ensuite à de hauts fonctionnaires de l’Etat est devenu pratique courante. Ainsi, en 2004, 4 800 paysans se sont dépossédés de leurs champs, pour faute de non paiement de redevances eau.

Dans le cadre du secteur minier, en 1998, l’Etat malien a signé un contrat d’exploitation de 120 tonnes en 14 ans avec la Société Malienne d’Exploitation de l’Or (SOMADEX ), une société de sous-traitance de Bouygues.

En trois ans, la SOMADEX a exploité 83,160 tonnes d’or. Et le MSV, de fustiger le chantage et les intimidations des ouvriers, le non respect des contrats, des contrats à durée indéterminée transformés en contrats à durée déterminée, en procédant par la falsification des documents…

Par ailleurs, le Mouvement des Sans Voix exige une véritable réforme agraire, la remise de la terre aux paysans, le paiement des droits de tous les grévistes de MORILA-SA, et la révision totale de tous les contrats du secteur minier.

La crise alimentaire n’est pas en reste. Selon le MSV, beaucoup de maliens ne préparent qu’un repas par jour. Le SMIG est à 28 000 FCFA ; et le prix du riz a augmenté selon sa qualité et son origine. Alors que dans les années 1960, le Mali était reconnu comme le “grenier de l’Afrique de l’Ouest”, et cela, grâce à l’Office du Niger, aujourd’hui sous le contrôle de “paysans du dimanche”.

Depuis des années, la cherté de la vie frappe les Maliens, et de manière très aiguë, depuis quelques mois. En effet, selon le MSV, la cherté de la vie n’est pas un phénomène naturel, encore moins un fait du hasard. Et depuis le mois de Mars 2008, les prix ne cessent de monter jusqu’à atteindre des proportions alarmantes.

La classe politique et la société civile?

Après la chute de la dictature en 1991 au Mali, la nouvelle classe politique a accaparée des richesses du pays par divers moyens, telles que la corruption, le clientélisme et le détournement du dernier public, fustige le MSV. Pendant dix ans, syndicats et partis politiques se sont livrés des luttes internes pour le pouvoir, oubliant ainsi d’associer les masses dans les débats et les prises de décisions. Les masses ne sont d’ailleurs impliquées dans le jeu démocratique que par l’achat de consciences lors des élections, faisant ainsi d’elles du “bétail électoral”.

Selon le MSV, la société civile “officielle” ne répond pas aux espoirs et attentes des populations ; et les débats ne sont plus participatifs. Seuls quelques “acteurs” qui sont devenus des spécialistes ont accès à la parole, s’exprimant ainsi au nom des vraies victimes du système néo-libéral. Ces victimes sont de plus en plus reléguées au second plan des débats, devenant ainsi de simples figurants, lors de ces rencontres sociales.

Le forum du MSV se veut donc porteur de changement, dans le contenu et dans la forme, pour enfin créer un espace d’expression “démocratique, populaire et indépendante” en faveur des victimes du système néo-libéral et de la bourgeoise compradore. Ainsi, ces journées du 3 au 5 Avril 2009 vont poser les débats en vue de prendre en compte les différentes propositions alternatives.


Moussa TOURE

01 Avril 2009