Le combat que les autorités maliennes sont en train de mener pour un enseignement performant, de qualité, et pour l’augmentation du taux de scolarisation, est connu de tous. Mais de l’avis de certains observateurs, ce combat est voué à l’échec, tant que l’éducation malienne restera dominée par le secteur privé. Que doit donc faire l’Etat pour renverser cette tendance? Dispose-t-il de moyens pour construire des infrastructures afin d’abriter tous les élèves et étudiants?
Depuis plus de deux décennies, l’école malienne connaît, de façon récurrente, des années scolaires et universitaires ponctuées de perturbations et de troubles. Du coup, notre école est devenue le théâtre de nombreux dysfonctionnements, conduisant à des entorses graves au déroulement normal des cours, voire à des années blanches.
Cette situation, il faut le souligner, incombe principalement aux élèves et étudiants, ainsi qu’aux enseignants qui se plaignent pourtant de leurs conditions de vie. A cela s’ajoute le manque d’infrastructures scolaires et universitaires, d’équipements de fournitures scolaires, de recrutement et de formation du personnel enseignant, entre autres.
Pour relever ces défis, d’importants efforts ont été consentis ces derniers temps par l’Etat et les partenaires au développement, à travers, entre autres, la prise de mesures législatives et règlementaires pour la réhabilitation de la fonction enseignante, notamment l’alignement des salaires des contractuels du Secondaire sur ceux de leurs homologues de la Fonction Publique ; la rémunération des tâches liées aux examens pour les enseignants du Supérieur.
A cela s’ajoutent l’amélioration et le développement des capacités d’accueil des infrastructures au niveau de l’Enseignement Secondaire, par la construction en cours des lycées publics de Yorosso, Ténénkou, Ouélessébougou, la construction d’un nouvel Institut de Formation Professionnelle (IFP) à Kayes, dans les filières des Mines et de l’Industrie ; la création d’un nombre important d’établissements secondaires privés, surtout dans les régions…
Ainsi, c’est cette dernière politique de l’Etat qui est décriée par certains observateurs, qui estiment qu’en dépit des efforts déployés, l’école malienne continuera à “partauger dans la boue” (abandon, réduction du taux de scolarisation…) tant que les écoles privées continueront à dominer numériquement celles du public.
Du fait de l’insuffisance des infrastructures, l’élève malien emprunte un véritable parcours du combattant pour espérer terminer ses études fondamentales et plus tard, ses études secondaires, et éventuellement, supérieures. En âge d’aller à l’école, les parents auront de l’élève ont déjà du mal à lui trouver une place.
En effet, dans le pays, il existe, en moyenne, une classe de primaire pour plus de 60 élèves. Après s’être trouvé une école, si l’élève n’a pas la chance d’être inscrit dans une école publique (moins d’une école sur trois), ses parents seront obligés de prendre toutes les dépenses de ses études en charge. Et ceux qui n’en ont pas les moyens laisseront tomber.
S’il se trouve en zone rurale, l’élève risque de tomber sur une école distante de son lieu de résidence. Car dans les zones rurales, les écoles sont situées, en moyenne, à trois kilomètres de la résidence des enfants. Or pour un enfant en bas âge, marcher tous les jours 3 km à l’aller et au retour relève d’une gageure, car il pourra difficilement suivre les cours de manière convenable.
Ainsi, au niveau de l’Enseignement Secondaire Général, sur les 223 lycées, seulement 43 sont publics, et le reste (les180) sont privés. S’agissant de l’Enseignement Technique et Professionnel, sur les 195 établissements existants, seulement 14 sont publics, et les 181 sont privés.
Et pourtant, chaque année l’Etat dépense effectivement des milliards comme subvention à ces écoles privées, rien que pour la prise en charge des élèves qu’il envoie dans ces structures privées. Sans compter que la rentrée scolaire 2008-2009 s’est faite sur fond de crise dans les établissements privés qui revendiquent plus de deux milliards de FCFA de subvention.
Selon nos informations, cette année, l’Etat doit payer plus de 13 milliards de FCFA comme subvention aux établissements privés. Aussi, un citoyen, de s’indigner : “Au lieu de donner des milliards de FCFA aux promoteurs d’écoles privées, l’Etat doit construire des établissements publics. Par exemple, la construction d’un lycée et son équipement complet ne dépasse pas 800 millions de FCFA. Combien d’établissements publics pourra-t-on construire avec ces milliards que l’Etat verse aux écoles privées?”. Une idée et une question très pertinentes…
Moussa TOURE
09 Octobre 2008