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Thierry Dol, Daniel Larribe, Pierre Legrand et Marc Féret, quatre noms qui retiennent en ce moment l’attention de toute la presse française. On se rappelle en effet que ces quatre Français avaient été enlevés dans la nuit du 15 au 16 septembre 2010 par un commando d’AQMI, alors qu’ils se trouvaient sur le site d’extraction d’uranium à Arlit dans le nord du Niger. Conduits en plein désert dans la région de l’Adrar des Ifoghas au nord du Mali, ils y ont passé plus de 1000 jours en détention. Trois ans et trois mois de terreur et de menaces d’exécution. Libérés depuis le mardi 29 octobre, ces quatre désormais anciens otages ont pu quitter hier leur « terre d’accueil » pour leur pays d’origine, la France. L’occasion faisant le larron, c’est le président français en personne qui a annoncé la nouvelle de leur libération. Pour ces quatre hommes tout comme pour leurs proches, « c’est une libération, dans tous les sens du terme. » Elle marque en effet la fin de plus de trois années de tortures morale et physique et de pressions de toutes sortes tant pour eux-mêmes que pour leurs familles.

Si l’argent des Français peut sauver des vies d’otages français, alors, la fin ne justifie-t-elle pas les moyens ?

Toutefois, le happy end de cet épisode des prises d’otages remet en scène quelques questions fondamentales que l’exubérance du moment ne doit en aucun cas éclipser. Il s’agit notamment de la question de la rançon versée ou pas aux terroristes et bien entendu des cibles potentielles de ces bandits du désert.

Sur le premier point, il faut dire que la polémique a précédé les quatre ex-otages en France et bat déjà son plein. On connaît bien la position officielle du gouvernement français : « pas de rançon quoi que cela coûte. »
les autorités françaises martèlent à volonté qu’aucune rançon n’a été versée aux ravisseurs. Cependant, certaines sources proches des négociateurs nigériens « évoquent une fourchette comprise entre « 20 et 25 millions d’euros » qui auraient été versés et qui auraient servi à payer les ravisseurs ainsi que les intermédiaires qui, sur le terrain, ont joué un rôle important. »

Le président nigérien qu’on dit avoir joué un rôle déterminant dans ce dénouement heureux, refuse, quant à lui, d’évoquer la question, estimant que :  » ce dont il faut se réjouir c’est que ces otages, qui ont passé de dures épreuves et sont restés pendant des mois, loin de leurs familles, sont aujourd’hui en liberté ». Cette posture plutôt diplomatique est, on le sait, dictée par la volonté de ne pas contredire la version officielle du gouvernement français. Saura-t-on un jour la vérité sur cette question de rançon ? Sans doute le jour où la méthode Snowden fera des émules dans l’Hexagone.

Du reste, comme l’a dit Bernard Kouchner : « Ces affaires ne sont pas aussi simples ; quand on veut sauver une vie on voit les choses différemment ». Sur ce point, François Hollande n’a donc rien à gagner en s’entêtant à protéger ce qui est désormais un secret de polichinelle. Si l’argent des Français peut sauver des vies d’otages français, alors, la fin ne justifie-t-elle pas les moyens ?

Il faut donc que les occidentaux, sur le sol africain, redoublent de prudence, en commençant par respecter les consignes données par leurs pays d’origine

On est bien tenté de répondre par l’affirmative ; reste maintenant à savoir si dans cette acception, on ne continue pas à nourrir cette industrie de la terreur.
Parlant des cibles potentielles des terroristes, on note, sans surprise d’ailleurs, une évolution dans la démarche des ravisseurs. D’un combat idéologique dans lequel journalistes, reporters et photographes de presses étaient leurs cibles de prédilection, ces islamistes sont passés à un combat où ils s’en prennent désormais aux employés de sociétés « prédatrices » qui pillent les richesses du sous-sol africain sans grande contre partie en termes d’investissements au profit des populations des zones d’exploitation.

Ce « prélèvement » des quatre otages français sur le site d’Arlit, suivi d’une demande de rançon, procède, sans doute, de cette nouvelle approche d’Aqmi. Cela signifie aussi que les caisses de ces derniers sont vides et que, pour ces terroristes, tous les moyens pour les remplir sont bons et justes. Il faut donc que les occidentaux, sur le sol africain, redoublent de prudence, en commençant par respecter les consignes données par leurs pays d’origine.

En attendant, il faut dire que les ravisseurs ne seront pas les seuls à profiter des retombées de cette libération. Loin de là, car si François Hollande a tenu à annoncer lui-même la nouvelle au peuple français, c’est avec l’espoir d’engranger en retour quelques sympathies de leur part et donc pourquoi pas, quelques points dans les sondages. De son côté, le président nigérien n’en espère pas moins, lui dont la popularité a besoin d’être toujours consolidée pour les échéances à venir. L’un comme l’autre vous dira donc que la fin justifie les moyens.

Dieudonné MAKIENI

Publié le mercredi 30 octobre 2013

Source: Lepays.bf