Les nombreuses rencontres avec les autres partis politiques, les cogitations autour d’un projet de société et surtout les récentes déclarations de certains barons des «Tisserands» comme Bakary Koniba Traoré militent en faveur d’une telle candidature.
Alliant maturité politique à la réserve requise pour son statut de président du Parlement, « Ladji Bourama », est sans doute à la croisée de sa carrière politique. 2007 lui offre certainement sa dernière chance de servir le Mali comme président de la République. Mais, va-t-il se lancer dans l’arène contre Amadou Toumani Touré ? Tout le dilemme est là.
«Nous allons gagner en 2007», a déclaré sans ambages le secrétaire politique du RPM, Bakary Koniba Traoré, dans les colonnes de « Le Républicain » (N°11919 du 20 mai 2005).
Et pour se faire, le parti a visiblement décidé de sortir des sentiers battus pour s’afficher comme une formation politique digne de ce nom. La campagne pour les élections de 2007 a déjà démarré chez les Tisserands.
En témoignent les nombreuses consultations et concertation avec d’autres partis politiques. Ils ont surtout clairement affiché leur ambition de conquérir le pouvoir en réunissant les représentants de presque toutes les forces vives de la nation autour de leur projet de société.
C’était le 14 mai dernier au Centre culturel Islamique de Hamdallaye.
« Nous avons invité ces hommes pour aller à leur école, les écouter, nous enrichir de leur approche pour que le processus de compilation, de traitement, d’élaboration, de soumission et discussion à la critique démocratique au processus Républicain nous permette de sortir un document qui va être la forme revissée de notre projet de société… », a déclaré le « Pionnier » cité par des confrères.
Cet exercice démontre une certaine maturité politique des Tisserands. Ils ne sous-estiment pas surtout leurs forces pour atteindre leurs objectifs politiques en 2007.
En effet, pour l’idéologue du parti, «même demain si on va aux urnes, nous aurons la majorité. Nous sommes la 1ère force politique aujourd’hui à l’Assemblée Nationale avec 43 députés et le président de l’Assemblée nationale. Au Mali, en terme politique, il n’y a aucun parti qui dame le pion au RPM aujourd’hui. Nous nous sommes conscients que nous aurons la victoire».
Des risques de division
Sans douter de l’expérience politique du RPM, de sa capacité de mobilisation et de son implantation sur l’ensemble du territoire politique, nous pensons que le Pionnier est trop sûr de lui. Les considérations mises en avant pour justifier son optimise sont réelles.
Mais, ce qu’il ignore, c’est que la faiblesse d’un parti peut provenir de la formation elle-même. En la matière, le RPM n’échappe pas aux démons de la division. Ce que les barons ne disent pas, c’est que les Tisserands sont divisés en trois courants actuellement.
Il s’agit principalement de ceux qui soutiennent IBK dans sa fidélité à ATT, ceux qui souhaitent un rapprochement avec l’Adema afin de renforcer les chances de succès électoral en 2007 et les faucons qui ne réclament non plus non moins qu’une rupture de l’alliance avec Koulouba et rejettent tout rapprochement avec la Ruche.
Cette division risque d’être exacerbée au moment de faire le choix des candidats devant défendre les couleurs du parti aux élections municipales, législatives et présidentielles.
Depuis, l’avènement de la démocratie à nos jours, nos formations politiques ont toujours été secouées par des crises consécutives aux choix des candidats aux différentes élections. Il n’est pas réaliste de penser que RPM va échapper à cela en 2007, surtout que les prémices d’une telle montée de tension sont déjà palpables.
Et il ne suffit pas de déclarer que «nous avons des règles et des procédures édictées pour le choix des hommes pour n’importe quel poste de candidature à l’intérieur ou à l’extérieur du parti. Ce sont ces critères-là qui vont nous amener à faire notre propre sélection et en ce moment tout le parti se mobilisera pour un seul homme ou une seule femme», pour balayer ce risque.
Victoire improbable sans IBK
Lorsque Bakary Koniba crie que, « Nous allons gagner en 2007″, il rêve surtout de voir le champion de son écurie terrassé tous ses adversaires et s’accaparer du trône de Koulouba.
Il est vrai que, comme l’idéologue le dit dans Le Républicain, «aucun régime, aucun homme politique dans aucune position politique depuis 2002 n’a posé un acte suffisamment salvateur », pour que le RPM, convaincu de sa victoire, renonce à ses ambitions pour le suivre.
Mais, le RPM a autant d’atout et de handicaps que ses autres adversaires. Mieux, il ne faut pas se voiler la face, une victoire du RPM aux présidentielles de 2007 sans IBK n’est qu’utopie.
Alors que les intérêts du RPM ne sont pas forcément ceux du prédisent du parti. En tant qu’un jeune parti, le RPM peut se permettre certains choix dans la précipitation parce qu’il aura toujours le temps de se remettre en question, de grandir et de vaincre.
Ce qui n’est pas forcément le cas d’IBK qui doit beaucoup réfléchir avant de prendre une décision quant à sa candidature ou non.
Parce que jusqu’à preuve du contraire, il ne s’est pas encore prononcé sur la question, même s’il apparaît comme le candidat naturel du RPM. Par devoir de réserve ? Parce qu’il sait surtout que son avenir politique se joue en 2007.
La maturité politique du combattant
Politicien charismatique jouissant d’une notoriété internationale, IBK a aujourd’hui acquis la maturité politique. Cela se sent dans son discours où la modestie, la pondération et la mesure l’emportent maintenant sur la fougue et la passion.
D’autres diront que le Perchoir a assagi l’homme en faisant ainsi de lui un bon candidat à la magistrature suprême du Mali. Mais, se présenter à une élection et l’emporter, il y a un grand fossé qu’un sage comme lui doit mesurer tous les contours avant de franchir. Parce que le saut est périlleux à plus d’un titre.
Sans doute qu’IBK sera, le plus redoutable adversaire pour ATT s’il se présente. Parce que nous sommes sûrs qu’il l’aurait remporté en 2002 s’il avait eu la chance de se retrouver au second tour. Ce qui n’est pas forcément le cas présentement parce que les donnes ont beaucoup changé, surtout en faveur d’ATT.
Il va de soi que le fait d’être en exercice du pouvoir pour briguer un autre mandat est un avantage politique indéniable pour ce dernier. Malgré la crise économique et les nombreuses difficultés sociales, elles n’ont pas réussi à ternir l’image d’ATT comme certains de ses adversaires le pensent.
Beaucoup de gens se plaignent de lui aujourd’hui, mais sont toujours prêts à voter en sa faveur faute d’alternatives crédibles pour porter l’alternance. Sans compter que le Général a visiblement gagné en notoriété internationale ce qu’il aurait perdu en estime et en confiance au niveau national.
Aujourd’hui, il ne suffit pas de se lever de bonne heure pour priver ATT d’un second mandat. Parce qu’il faut reconnaître aussi qu’il est en train de poser des actes concrets même si ceux-ci tardent à porter leurs fruits par la réduction de la demande sociale.
Mais, cela ne saurait tarder. Parce qu’au niveau de l’emploi, du désenclavement et du développement agricole, les acquis sont plus que palpables.
Des alliés forts pour vaincre
Nous doutons que le RPM soit, à lui seul, capable de barrer la route à ATT. Il faudra peut-être une alliance coriace et soudée pour parvenir à cette fin. Ce qui est loin d’être acquis. Parce qu’Espoir 2002 sur lequel le parti a bâti, en partie, ses succès électoraux en 2002, n’est plus que l’ombre de lui-même.
Et il ne faut pas s’attendre à une résurrection de la dernière minute. Surtout que rien ne prouve que les autres ténors de cette alliance vont suivre le RPM dans son choix d’affronter ATT dans l’arène des présidentielles. Les Tisserands peuvent dire légitimement que la gestion concertée n’a pas comblé leurs attentes.
Mais, ce ne pas forcément l’avis des autres alliés. Au sein, d’Espoir 2002, les autres partis ne sont pas sûrs de pouvoir aligner des candidats capables de soutenir la concurrence face à ATT.
Et ils peuvent se dire qu’ils ont tout à gagner à le soutenir dans sa conquête d’un second mandat et que de soutenir le candidat RPM qui, même en cas de victoire, n’est pas sûr de prendre leurs préoccupations en compte. Les Tisserands ne sont plus des alliés loyaux et fiables sur qui on peut compter.
Ils l’ont appris à leurs dépens ces dernières années. Nous ne citerons que les coups bas portés à leurs alliés par rapport à la gestion du bureau de l’A.N et lors de l’élection du maire du district. Ces deux cas sont assez édifiants.
Dans ce cas, l’unique alternative, à notre avis, qui reste pour que RPM remporte les présidentielles de 2007, est une alliance avec l’Adema et l’URD. Ce qui ressemble beaucoup plus à l’utopie que même à un rêve.
D’abord, une telle alliance n’est possible qu’au second tour. Ensuite, même étant des frères issus du même vivier, les leaders des trois partis sont des ennemis jurés qui sont divisés par leurs ambitions politiques personnelles.
Et rien ne prouve que leurs bases vont également admettre un tel rapprochement parce qu’ils sont autant divisés que celles-ci.
Un couronnement mérité
A l’état actuel de son remarquable parcours politique, IBK a tout à gagner dans sa candidature aux présidentielles comme il a tout à perdre dans ce choix. S’il l’emporte, ce sera mérité car cela va couronner ses combats politiques engagés depuis qu’il était élève au lycée Terrassons de Fougères.
Une victoire en 2007 serait une belle récompense pour ce politicien rompu à la tâche qui à fait sa réputation à la force de la poigne en surmontant les trahisons et d’autres coups bas. Des coups souvent assénés par ceux à qui il avait le plus confiance.
Mais, un échec peut aussi signifier la fin de ses ambitions présidentielles. Parce qu’en 2012, il risque non seulement d’être éprouvé par l’âge, mais surtout d’être contraint à la retraite politique par les jeunes loups qui auront eu le temps de mûrir à son ombre.
S’il suit son parti et s’engage dans la course à Koulouba en 2007, il n’est même pas sûr, en cas de défaite, d’avoir le Perchoir comme lot de consolation comme en 2002.
Sauf si, comme le brandit déjà Bakary Pionnier, sa chapelle parvient à avoir la majorité au Parlement. Ce qui est une autre paire de manche. Avec la maturité, Ladji Bourama saura sans doute prendre la sage décision. Surtout qu’il dit, à qui veut l’entendre, qu’il n’est plus « un fou du pouvoir » !
Aïssata Bâ
24 mai 2005