Le fait est que les stratégies adoptées par le camp présidentiel et la partie adverse pour conquérir le pouvoir s’inscrivent dans une logique territoriale, c’est à dire que chacun des protagonistes a un centre d’intérêt géographique.
Mais l’expérience montre qu’en Afrique, les dérapages électoraux procèdent de ces genres de représentation géographique des forces politiques. Et dans les pays africains comme la sous-région d’Afrique centrale où la démocratie peine, c’est surtout les fiefs électoraux qui sont les plus perturbés à cause de la manipulation des militants politiques du cru qui ne répondent qu’à l’appel de leurs idoles. Ramené à l’échelle malienne, le phénomène de fief électoral ne saurait se poser de la même façon qu’ailleurs en Afrique. D’abord le régionalisme qui existe chez les autres n’a jamais été une réalité au Mali jusqu’à présent et cela n’est pas pour demain. Aucun candidat à la présidentielle depuis la naissance de la démocratie malienne ne s’est singulièrement imposé sur une partie du pays au détriment des autres régions « géographiques ». Ensuite, l’ethnocentrisme qui est à la base du phénomène dans bien des cas peut difficilement se frayer une place au Mali où l’on regarde moins l’origine ethnique de celui pour qui on va voter.
Cependant, la vigilance est de mise désormais au Mali car un nouveau paramètre est en train d’entrer en ligne de compte pour ce qui concerne en tout cas élection présidentielle de 2007. Les favoris présumés (à savoir le président sortant de la République, Amadou Toumani Touré ; Ibrahim Boubacar Keïta et Soumeylou Boubèye Maïga) semblent avoir leurs fiefs.
En effet, Ibrahim Boubacar Keïta et Soumeylou Boubèye ont la chance de pouvoir recruter les plus fervents défenseurs de leurs causes à Bamako, une ville de plusieurs millions d’habitants, tandis que le président de la République a l’opportunité de pouvoir conquérir sans difficultés apparentes les millions d’électeurs ruraux. De facto, les zones rurales constituent avec une forte probabilité le fief électoral de ATT qui pourra tirer des dividendes de sa politique rurale à condition qu’il sache utiliser à bon escient ce potentiel.
De l’autre côté, Ibrahim Boubacar Keïta qui a longtemps fait cavalier seul a la faveur des grandes villes, notamment la capitale. En matière politique, les citadins ont une sensibilité particulière du fait qu’ils sont plus réceptifs au contenu des discours politiques, plus proches du message et de l’action des contre-pouvoirs.
Ce que l’on doit craindre dans cette situation, c’est la possibilité d’une effervescence post-électorale. Et le danger pourrait venir de Bamako où les militants du cru ne manqueront pas, cette ville étant le réceptacle de tous les mécontents du pays.
Soumaïla T. Diarra
28 dec 2006