Pays de martyrs : Sakoïba, Taoudenni, Camp para, Mars 91, kartiasso. Terre de bravoure, de savoir, et de trahison. Le Mali dans son évolution est marqué de cicatrices indélébiles, d’assassinats politiques, de trahisons, emprisonnements et de répressions sauvages. Raisons du manque d’intérêt pour la politique. Mais de là à franchir le rubicond, pour se faire élire à tout prix est un fait nouveau, de même que le mode de vote «Takokélen» avec un bulletin unique n’est-il pas dessiné pour favoriser la fraude ?
Les vieilles habitudes ont la vie dure, disait le philosophe. A quatre vingt trois jours du premier tour de la présidentielle d’Avril 2007, les docteurs ès Science politique créent des terminologies. Parmi elles la plus usitée est celle du ‘’Takokelen” un mot bambara qui signifie ‘’arracher d’un coup” la victoire au premier tour. On se croirait alors à l’époque du parti unique où l’UDPM (Union Démocratique du Peuple Malien) faisait élire son président avec 99.99% des voix exprimées.
Entre l’UDPM et le Mouvement Citoyen il n’y a pas une grande différence. Le premier fut un parti unique de fait, le second un parti unique constitutionnel sur fond de réconciliation nationale. A la clef des partis politiques servant de machine électorale pour un seul et unique candidat à l’élection présidentielle. On comprend alors que les cadres maliens qui forment la classe politique ont eu comme repère politique le parti unique. Régime sous lequel tous les cadres (presque) ont été jetés en prisons et l’exil pour les plus chanceux, par le Général Moussa Traoré en cas de refus d’adhérer à l’UDPM et à sa pensée unique.
Après avoir chassé du pouvoir (Moussa et son BEC-UDPM) un certain 26 Mars, dix années après, le Général Amadou Toumani Touré revient imposer le parti unique à travers son Mouvement Citoyen appuyé par les partis politiques. Certes ATT avait toujours clamé haut et fort en 2002 qu’il ne voulait pas de partis politiques, aujourd’hui, un consensus autour de sa personne voire sa candidature nous ramène à la dictature du parti unique. Comment comprendre, qu’au lieu de chercher à conquérir la Magistrature suprême, quatorze partis politiques et non des moindres décident de supporter la candidature du Général ATT. L’histoire de toute société jusqu’à nos jours est l’histoire de la lutte des classes.
Au Mali, l’inégalité entre travailleurs de l’Administration publique est patente. Les uns sont très riches parce qu’ils détiennent les cordons financiers du pays, les autres sont pauvres issus du lupumprolétariat. Ils sont compressés parce que leurs entreprises ont été soit bradés à vil prix ou privatisées dont l’acheteur n’est autre qu’un cadre Malien. La mauvaise gestion, l’enrichissement illicite, la délinquance financière, le détournement de deniers publics sont les maux qui rongent l’administration publique.
Par la mauvaise gestion toutes nos sociétés et entreprises d’Etat sont partis en faillite : ITEMA, Air Mali, SEPOM- Mali Lait, SONATAM, SEMA, SMECMA, EMAB, SOMIEX, EDIM, SONEA, RCFM, COMANAV, INPS, CMDT, SOTELMA, IMACY, CNAR, SEPAMA, MPC, EDM, SOLIMA, BDM, BMCD, BHM, Thé Farako, SOCOMA, OPAM, SONAREM, SOCORAM, SOMASAC ( à San), Opérations = riz, pêche, mil, ODIK, ODIMO, OACV , Intendance Militaire.
Les projets de développements financés par la Banque Mondiale (PGRN, CAMOPA) n’ont pas été épargnés par nos cadres. De ce point de vue les bilans de la gestion de nos grands commis d’Etat sont catastrophiques. Ces derniers n’espèrent le salut qu’à travers leur soutien au général ATT, afin d’échapper à la justice et de continuer à bouffer tranquillement les sous détournés des caisses de l’Etat.
Lorsque ATT disait en Mai 2002 ‘’si tu bouffes, tu paies” il savait à qui il s’adressait. Le message était une mise en garde à l’endroit des cadres véreux qui ont pillé les caisses de l’Etat.
Mais de là à exiger un ‘’Takokelen” à la présidentielle à venir pour ATT, c’est enterré à jamais la démocratie. Les initiateurs du ‘’Takokelen” une frange de l’Adema PASJ, appartiennent à cette catégorie de cadres véreux.
Combien sont-ils les fonctionnaires déflatés ou mal payés ? Combien de paysans ont été dépossédés de leur champ à l’office du Niger ? Combien de nos citoyens vivant le long de la voie ferrée sur l’axe Bamako-Kayes ont vu leurs activités lucratives arrêtées en raison de la suppression des escales par le nouvel acquéreur Transrail? Combien de familles ne s’adressent plus la parole dans le district de Bamako pour des raisons de spéculation foncière des édiles ? Combien sont-ils ces jeunes diplômés sans emploi ? A quoi bon de construire des écoles si on ne dispense pas de cours ?
Les électeurs constatant que rien de tout cela ne s’est réalisé, voudront à nouveau changer de médecin. ATT qui a pris le pouvoir sur un tel tas de problèmes sera condamné à le perdre parce qu’il n’est pas capable de sortir le Mali du creux de la vague. Il reste prisonnier des schémas politiques classiques.
Si longtemps que perdurent les fausses promesses, les Maliens doivent demander une guérison rapide. N’en déplaise aux politiciens alimentaires, le ‘’Takokelen” est impossible.
La situation politique est donc mouvante, mais elle est surtout difficile à maîtriser par un gouvernement qui n’a pas pu maîtriser les prix des produits alimentaires, combattre les inégalités sociales et établir l’Etat de droit. Jusqu’à quand les déshérités accepteront-ils de patienter, d’espérer les changements concrets pour lesquels ils ont choisi ATT ?
Amy SANOGO