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Pour les autorités de l’époque, le Mali a déjà rompu ses relations avec la métropole coloniale. La Fédération Mali-Sénégal ayant éclaté quelques mois plus tard, tout cela était susceptible d’entraîner des conséquences qui pouvaient s’avérer fâcheuses.
Avant d’entamer le sujet de l’industrie de la première République, il faudrait au préalable comprendre la situation commerciale et problématique monétaire de l’époque.

La SOMIEX

Tout d’abord, le jeune État malien commencera avec la création de la Société Malienne d’Importation et d’Exportation (SOMIEX), qui s’occupait de l’exportation et de l’importation de certains produits maliens, notamment des produits alimentaires tels que le thé, le lait en poudre, les produits manufacturés…

Le SOMIEX se chargeait de la distribution de ces produits à l’intérieur du pays, à des prix très avantageux pour les populations. Mais de par cette politique commerciale, le Président Modibo Keïta se mettra à dos les commerçants dioulas, qui estimaient que la SOMIEX empêchait les commerçants de vendre leurs produits, au regard même du prix que cette société d’État proposait aux populations.

En fait, les commerçants dioulas ne comprenaient tout simplement pas l’attitude du gouvernement, puisqu’ils estimaient avoir aidé l’US-RDA avec leurs véhicules de transport. Alors, ces dioulas furent les premiers à s’opposer au régime socialiste.

La création du Franc malien et ses conséquences

Le 1er Juillet 1962, le Mali, tout en déclarant qu’il reste dans la zone Franc, mettra une nouvelle monnaie en circulation : le Franc malien. Mais la création de ce nouveau Franc aggravera quelque peu la situation, toujours du fait de sa méthode d’application et de l’incompréhension des certaines couches de la population.

En effet, le pays va créer sa propre banque d’émission : la Banque de la République du Mali (BRM). Le Franc malien, qui était fabriqué en Tchécoslovaquie, était un Franc local, donc non reconvertible au niveau sous-régional : c’est du reste le cas de tous les Francs locaux (par exemple, le naïra au Nigéria, le sily en Guinée Conakry, pur ne citer qu’eux), qui ne sont “consommés” (pourrait-on dire) que dans le pays.

Toute cela rendait lep lus souvent difficiles les relations économiques du Mali avec les pays voisins. Conséquence : le pays devait souvent faire face à une rupture du ravitaillement en produits de première nécessité.

Vingt jours après la création et la mise en circulation du Franc malien, soit le 20 Juillet 1962, des commerçants se mirent à manifester leur mécontentement. Accompagnés de badauds, ils s’étaient dirigés vers le Commissariat du 1er Arrondissement et l’Ambassade de France, scandant des slogans hostiles au gouvernement : “A bas le Franc malien ! ” ; “Vive le Général De Gaulle ! “.

Alors, les forces de l’ordre tirèrent sur les manifestants, provoquant ainsi des morts et des blessés. L’un des manifestants, du nom de Kassoum Touré, sera appréhendé, car à son domicile, on trouvera du Franc CFA prohibé, puisqu’inutilisable dans le pays depuis le 16 Juillet 1962. A la suite de cette manifestation, d’autres commerçants seront arrêtés, ainsi que deux représentants du PSP et anciens ministres parlementaires français : Fily Dabo Sissoko et Hamadoun Dicko.

Le pouvoir dénoncera alors un complot anti-malien soutenu par la France. Et les prévenus seront jugés par un Tribunal populaire tenu du 24 au 27 Septembre 1962 et qui condamnera Fily Dabo Sissoko, Hamadoun Dicko et Kassoum Touré à la peine mort. Cette peine sera commuée plus tard en condamnation à perpétuité. Mais les condamnés mourront dans les sinistres bagnes du Nord-Mali, tout comme un certain nombre des détenus…

Ce tribunal d’exception infligé aux suspects, les morts… furent autant de faits qui assombriront les relations entre la France et le Mali.

Secteur du transport

En 1961, la Régie des Transports du Mali (RTM ) sera créée pour l’exportation de l’arachide et du coton malien. Cet organisme était également chargé d’importer les produits manufacturés depuis le port d’Abidjan (Côte d’Ivoire), car l’axe Bamako-Dakar n’existait plus, ou du moins, n’était plus praticable par le Mali, à cause justement de l’éclatement de la Fédération. Pourtant, c’est à partir de cet axe Bamako-Dakar que s’effectuait le ravitaillement du Mali par chemin de fer.

Et pour la petite histoire : après cette impossibilité d’accès du Mali au port de Dakar (du fait de l’éclatement de la Fédération), il aura fallu la forte implication de Amadou Hampâté Bah, alors Ambassadeur du Mali en Côte d’Ivoire et ami très respecté du Président Féfix Houphouet Boigny (paix à leur âme !), pour que le Mali puisse enfin se ravitailler à partir du port d’Abidjan…

Cependant, la création de la Régie des Transports du Mali et sa section dite Transport Urbain de Bamako (TUB) inquiéteront davantage les transporteurs, tout comme la SOMIEX a inquiété les commerçants dioulas.

En réalité, aussi bien les paysans que les commerçants et transporteurs du pays supportaient mal la création des sociétés et régies : en fait, ils craignaient tout simplement pour leurs intérêts, bénéfices et autres “gagne-pain”

Sur un tout autre plan, le pays verra la création d’une nouvelle compagnie aérienne du Mali, ainsi que la naissance de sociétés d’État dans des domaines tels que l’élevage, les mines, l’édition, la librairie….

(A suivre)

Baba AHMED

(Stagiaire)

16 Avril 2010.