Le Pr. Sadio Yena, chirurgien thoracique à l’hôpital du Point G, vient d’être porté à la tête du Réseau d’échanges hospitalo-universitaires Bamako-Marseille (Rhubama). Avec une expérience avérée dans le domaine de la chirurgie thoracique, le tout nouveau coordonnateur entend, à travers le Réseau, favoriser des échanges d’expérience entre Bamako et Marseille au profit des jeunes universitaires, pharmaciens et médecins afin de promouvoir la santé, la recherche et la formation dans le domaine médical. Entretien.
Les Echos :Qu’est-ce qu’au juste la chirurgie thoracique ?
S. Y. : La chirurgie thoracique est une spécialité chirurgicale qui s’occupe des pathologies du thorax ; à savoir : la paroi thoracique, les cotes et les muscles du thorax, du poumon et la partie médiane du thorax qui contient le cœur.
Les Echos :Quel bilan faites-vous de la chirurgie thoracique au Mali ?
S. Y. : La chirurgie thoracique est en train d’évoluer doucement au Mali. Actuellement, il n’y a pas un seul jour qui passe sans que nous n’enregistrions des cas. Nous avons beaucoup de cas des séquelles de la tuberculose pulmonaire, de cancer broncho-pulmonaire, des traumatismes thoraciques… A ma consultation, je vois au moins 15 malades de chirurgie thoracique.
Les Echos : Pourquoi un Réseau d’échanges hospitalo-universitaires Bamako-Marseille ?
Pr. Sadio Yena : Un Réseau d’échanges hospitalo-universitaires Bamako-Marseilles parce que je suis médecin chirurgien formé en partie à Marseille. C’est dans ce cadre que j’ai cru bon créer des échanges entre les hôpitaux de Marseille et ceux du Mali pour promouvoir la santé, la recherche et la formation dans le domaine médical.
Les Echos :Pouvez-nous dire les conditions qui ont prévalu à la création du Rhubama ?
S. Y. : J’ai été dans un service à Marseille où j’ai rencontré un chirurgien thoracique qui a manifesté beaucoup d’intérêt pour la formation médicale continue et initiale des Africains et particulièrement des Maliens. Ensemble, nous avons échangé puis nous avons pensé que les échanges qu’on peut avoir seraient mieux dans un contexte institutionnel entre les hôpitaux de Marseille et les hôpitaux de Bamako. C’est grâce à la présence d’un intérêt de Marseille et d’un intérêt de Bamako que nous avons créé le Réseau pour le bien de nos malades.
Les Echos :Quels sont les objectifs et les missions du Rhubama ?
S. Y. : Le Réseau a été créé pour les apprenants : les étudiants, les techniciens qui s’occupent de maintenance dans les différents domaines mais aussi pour les médecins notamment les chirurgiens et particulièrement la chirurgie thoracique. Dans ce domaine, il s’agira de permettre aux chirurgiens thoraciques de venir nous aider à travailler au Mali mais également que nous puissions avoir des postes de formation chez eux. Aller aujourd’hui se former en France n’est pas facile, mais notre Réseau permet de dégager des postes pour des Maliens pour que nous puissions nous rendre là-bas et être formés dans les bonnes conditions dans les différentes spécialités.
Les Echos : Comment la formation va-t-elle se dérouler et comment les échanges vont se passer entre les chirurgiens de Marseille et ceux de Bamako ?
S. Y . : Le contexte est relativement simple. Il nous suffit au Mali d’exprimer le besoin à l’Université de Marseille à qui il revient de nous répondre qu’il y a des postes qu’on peut nous affecter. Tout dépend du nombre de places disponibles, mais le Mali est priorisé par rapport à d’autres qui n’ont pas de conventions. Déjà, il y a eu des échanges de ce genre entre nous notamment dans le domaine de la chirurgie thoracique. Nous avons eu la possibilité de former des jeunes dans ce domaine. Dans le domaine de la pédiatrie et de la chirurgie pédiatrique, la formation se poursuivra avec la volonté de faire des Maliens et la volonté de recevoir et d’encadrer des Marseillais qui sont prêts aussi à venir nous aider de temps en temps. La formation dans le domaine de la chirurgie cardiaque débutera sous peu.
Les Echos :Y a-t-il des critères qu’un candidat doit remplir pour prétendre à la formation ?
S. Y . : Il faut au Mali qu’on soit jeune médecin engagé dans la voie hospitalo-universitaire. Les infirmiers et les agents techniques doivent passer par les différents hôpitaux pour être choisis et ensuite leur dossier est transmis à qui de droit à Marseille pour être analysé. La coopération dans le domaine des infirmiers est relativement plus simple parce qu’elle demande très peu de financement.
Les Echos :Sur combien de temps s’étend la formation ?
S. Y. : Les conditions de formation par rapport à la durée sont des conditions clairement définies. Dans la convention, lorsqu’on va à Marseille on s’inscrit à l’Université dans des cycles qui soient diplômant et qui soient connus. Par exemple, pour un chirurgien thoracique ou chirurgien cardiovasculaire, il va faire 2 ans de formation soit en chirurgie thoracique soit en chirurgie cardiaque pour être spécialisé dans ce domaine. Mais pour les infirmiers, la formation dure souvent un an. En dehors des formations diplômantes, nous avons des stages de quelques mois que les infirmiers peuvent faire pour avoir des connaissances. Mais là, c’est une attestation qu’on délivre.
Les Echos :Comment se fait la prise en charge ?
S. Y. : Cette prise en charge est partagée. Mais je peux dire que la convention offre une chance. Lorsqu’il y a des disponibilités de postes, Marseille demande à la structure à laquelle appartient le candidat de lui offrir juste un billet pour qu’il puisse partir. Sinon, sa prise en charge est entièrement financée par Marseille. C’est une bourse conséquente d’environ 1000 euros. Pour les infirmiers, si le stage est accordé ce que nous demandons c’est de pouvoir transporter le candidat. Une fois sur place, il y a des structures pour le loger. Il y a aussi des petites bourses pour qu’il puisse survivre. Il y a même des postes qui sont prévus pour des Maliens qui vont partir peut être en 2009. Il s’agit seulement de leur payer le billet. Nous voulons que tout le monde puisse saisir cette opportunité parce que ce n’est pas fait seulement pour la chirurgie thoracique et cardiovasculaire.
Les Echos :Qui peut-être membre du Réseau ?
S. Y. : Le Réseau est fait pour des Maliens qui ont été formés à Marseille. Nous avons eu à travailler comme des Français. Ce faisant, nous avons eu l’opportunité d’opérer des Français et tenus à égalité avec des médecins français. Cela est une grande opportunité parce que lorsqu’on va en Occident pour une formation, c’est souvent pour être spectateur mais nous, nous avons été acteurs. C’est ainsi que nous nous sommes mis en réseau et nous avons coopté des médecins qui ont été formés avant nous. Aujourd’hui, le maximum de professeurs ont été formés à Marseille et ce sont nos maîtres et nos aînés. Ils n’ont peut-être pas eu l’idée, mais ils ont l’amour de Marseille. Le réseau est local. Il contient présentement une dizaine de membres.
Dans notre statut, tous ceux qui ont été formés à Marseille et plus âgés que nous sont nos parrains. Il ne s’agit pas seulement pour nous de profiter de Marseille mais vice-versa pour que les étudiants puissent venir voir les pathologies et les conditions dans lesquelles nous travaillons. Le Rhubama se positionne comme étant un réseau qui va recevoir les étudiants. Déjà, nous avons reçu 4 étudiants marseillais.
Les Echos :Comment le Réseau fonctionne-t-il ?
S. Y. : Statutairement, le Réseau se réunit une fois par trimestre. Nous constituons un réseau interne dans la mesure où nous-nous donnons des informations relatives à nos activités et des échanges de patients. Pour l’instant, le Réseau est jeune d’autant que la convention n’a été signée qu’il y a 2 mois environ.
Les Echos :Le Rhubama a-t-il les moyens de sa politique ?
S. Y. : Il n’y aura jamais assez de moyens. Mais si nous avons un appui administratif, mais aussi politique, nous pensons que les choses peuvent aller de loin. Pour le moment, c’est avec le peu de moyens dont nous disposons que nous arrivons à travailler. Notre souhait est que les gens profitent de notre expérience, des réseaux et des relations humaines que nous avons.
Les Echos :Avez-vous des contacts avec d’autres réseaux qui interviennent dans le domaine médical ?
S. Y. : En réalité, un hospitalo-universitaire ne saurait croiser les bras. Nous avons des relations avec Angers, Saint-Etienne et Genève qui constituent également des réseaux clés. A Angers par exemple, il y a 2 Maliens qui vont être formés en chirurgie cardiaque. Au même moment, Saint-Etienne va prendre en charge un chirurgien tandis que Genève est en train de développer une convention comme Marseille dans le domaine de la télé médecine.
Les Echos : Où est basé le siège social du Réseau ?
S. Y. : Le siège social du Réseau est à l’hôpital Gabriel Touré. Sa date de création remonte en 2007.
Propos recueillis par
Mohamed Daou
15 Septembre 2008