Professeur agrégé en gynécologie-obstétrique et
médecin chef du centre de santé de référence de la
commune V depuis avril dernier, Mamadou Traoré
dispense des cours à l’Ecole nationale de médecine, de
pharmacie et d’odonto-stomatologie. Nous l’avons
approché afin qu’il nous édifie davantage sur la
pratique de la césarienne.
Soir de Bamako : Qu’est-ce que la césarienne ?
Pr Mamadou Traore : La césarienne est l’accouchement
par la voie haute. Je m’explique : normalement, une
femme doit accoucher par les voies naturelles c’est à
dire la voie basse. Quand il y a des difficultés pour
que cet enfant sorte par “en bas”, on procède à une
opération qui consiste à ouvrir l’utérus, la matrice
et sortir l’enfant par cette incision. C’est ça
l’opération césarienne.
Soir de Bamako : Cette opération prend combien de
temps ?
Pr Mamadou Traoré : Tout dépend de celui qui fait
l’intervention. Elle peut aller de 30 minutes à 1
heure.
Soir de Bamako : Qu’est-ce qui sous-tend une telle
intervention ?
Pr Mamadou Traoré : Les indications sont nombreuses.
Dans notre pratique de tous les jours, il y a comme
première indication de césarienne ce qu’on appelle les
dystocies c’est à dire les difficultés d’accouchement.
Elles représentent 50% des indications césariennes.
Ces dystocies peuvent être d’origine mécanique liées
au bassin ou au foetus lui-même. On peut se trouver en
face un bassin limite ou asymétrique. L’enfant peut
être trop gros ou mal positionné. La dystocie peut
être aussi dynamique c’est à dire liée au moteur de
l’accouchement, je veux dire aux contractions
utérines. Elles peuvent être de mauvaise qualité ou
bien les contractions sont trop fréquentes. Elles
peuvent être dues également à une insuffisance de
contraction.
Soir de Bamako : Peut-on éviter ces dystocies ? Et
comment ?
Pr Mamadou Traoré : Certaines peuvent être évitées et
d’autres non. Si la dystocie est liée au bassin, elle
ne peut être évitée. Lorsqu’il s’agit d’une dystocie
dynamique où les contractions ne sont pas de bonne
qualité, nous avons des médicaments pour corriger ces
anomalies.
Soir de Bamako : Quelle appréciation faites-vous du
décret pris par le gouvernement concernant la prise en
charge gratuite de la césarienne ?
Pr Mamadou Traoré : J’apprécie et accueille avec joie
et allégresse cette mesure. Elle va soulager des
familles et augmentera le taux de césarienne tout en
sachant qu’elle n’est pas suffisante pour réduire le
taux de mortalité maternelle. Aussi, il faut des
mesures d’accompagnement en amont. C’est dire qu’il
faut que la femme puisse arriver au centre de santé et
accéder géographiquement avant d’accéder
financièrement à la césarienne.
Soir de Bamako : La pratique de la césarienne
présente t-elle des avantages ? Lesquels ?
Pr Mamadou Traoré : La césarienne a plusieurs
avantages. Tout accouchement doir être assisté. Une
femme en grossesse doit être suivie dès le début
jusqu’à son accouchement. Imaginez-vous qu’une femme a
un bassin rétréci avec un foetus de poids normal. Elle
ne peut pas accoucher. S’il n’y a pas la césarienne,
cette femme va rompre sa trompe. A ce niveau, la
césarienne intervient pour éviter une rupture utérine
qui est une cause d’hémorragie. L’hémorragie est la
première cause de décès maternel. Supposons que le
foetus soit mal positionné et de façon transversale.
Si l’enfant vient transversalement, il faut faire
obligatoirement une césarienne. Si une femme a un
hématum retroplacentaire c’est-à-dire un décollement
du placenta avant l’accouchement, c’est une pathologie
hémorragique grave qui tue. La césarienne a ce niveau
est salutaire.
Le cas de souffrance foetale sont des indications
péremptoires de césarienne qui demandent une
intervention à la minute sinon l’enfant meurt dans le
ventre de sa mère. Si la césarienne n’intervenait pas,
la femme court des risques de rupture utérine.
Soir de Bamako : la pratique a-t-elle des
conséquences sur la vie de la femme qui subit ce genre
d’opération ?
Pr Mamadou Traoré : Une femme qui a subi une
intervention est différente de celle qui n’a pas été
incisée. Par exemple, si une femme a été opérée de
césarienne, son utérus est fragilisé. On ne peut plus
permettre qu’elle puisse accoucher de façon indéfinie.
Il faut arrêter, à un certain moment donné, le nombre
d’accouchement. On ne peut plus permettre à cette
femme qui a été déjà opérée d’accoucher à tous les
niveaux. Il faut que cette femme accouche dans un
centre chirurgical pour être prise en charge très
rapidement par un personnel qualifié. Elle a besoin de
se faire assister.
Soir de Bamako : Qu’est-ce que la détresse
respiratoire ?
Pr Mamadou Traoré : C’est ce qu’on appelle la
souffrance foetale aiguë. Le foetus est dans le ventre
de la mère, il est menacé dans son existence immédiat.
Généralement, elle est due à une hypertension
artérielle.
Soir de Bamako : Peut-on savoir l’incidence
financière de la pratique sur vos recettes ?
Pr Mamadou Traoré : Une intervention coûte chère.
Dans le cas d’espèce où la césarienne est gratuite sur
toute la ligne, nous allons ressentir un manque à
gagner pour le moment. Cependant, des dispositions
sont prises pour que le manque à gagner puisse être
compensé très vite. Le gouvernement a pris des
dispositions pour que les médicaments fournies
puissent être remboursés au centre de santé de
référence.
Soir de Bamako : Pouvez-vous nous parler des
statistiques de la césarienne en Commune V ?
Pr Mamadou Traoré : En 2004, au centre de santé de
référence de la commune V, nous avons sur les 6555
accouchements 8% de cas de césarienne.
Soir de Bamako : Disposez-vous d’une équipe
d’intervention en la matière ?
Pr Mamadou Traoré : Nous avons toujours fait la
césarienne. Nous avons une équipe de garde (24 heures
sur 24) qui est composée d’un médecin, de
sages-femmes, d’anesthésistes et de manoeuvres. Je
suis souvent en astreinte ici au cas où il y a une
difficulté. Toutes les dispositions sont prises pour
faire une bonne césarienne au centre de santé de
référence de la commune V.
Soir de Bamako : Avez-vous un mot de la fin ?
Pr Mamadou Traoré : Je félicite le gouvernement pour
cette décision salutaire qui va énormement améliorer
le taux de mortalité maternelle et néonatale. C’est
une lutte pour laquelle nous nous investissons. Je
souhaite que les mesures d’accompagnement suivent, que
nous-mêmes, agents de la santé, puissions accompagner
cette mesure en exécutant à temps les interventions.
Il faut aussi que la communauté s’investisse pour
qu’au moins toutes les femmes puissent aller du
village au centre de santé de référence pour
bénéficier de cette mesure salutaire.
Entretien réalisé par
Tiémoko TRAORÉ
30 juin 2005