«Tous les véhicules non dédouanés seront saisis et retirés de la circulation, qu’ils appartiennent à des civils ou à des militaires. Pour donner l’exemple et ne pas se prêter aux critiques, les douaniers eux-mêmes ont été sommés de faire dédouaner leurs véhicules, faute de quoi ils subiront le même sort».
Du côté de la Brigade Mobile d’Intervention (BMI) le ton est à la fermeté. Depuis la semaine dernière, cette structure a lancé une vaste campagne de rafle des véhicules non dédouanés qui prolifèrent dans les rues de Bamako et autres capitales régionales.
Vise-t-elle à compenser la baisse des recettes douanières observées en juillet dernier? «Non» répondent en choeur Bakaou Diakité, le chef du Bureau du Contrôle interne de la Douane (BCI), et Harouna Niambélé, le patron de la BMI.
L’objectif visé, proclament-ils, «est d’assainir le marché de l’occasion, rendu florissant par le déficit des moyens de transport public et, par voie de conséquence, de renforcer la sécurité routière, donc la vie des citoyens».
Pièce maîtresse de l’opération, la Brigade mobile d’intervention (BMI) est montée sur ses grands chevaux pour mettre un frein à la prolifération anarchique des véhicules non immatriculées.
» C’est une opération banale qui s’inscrit dans la durée. Nous avons constaté ces derniers temps une profusion de véhicules qui ne sont pas en règle, raison pour laquelle nous avons initié cette opération« , nous confie, dans un entretien, Harouna Niambélé, le Commandant de la BMI.
Selon l’officier de douane, l’opération, comme prétendaient certains, n’a nullement été diligentée pour renflouer les caisses de l’Etat.
En effet, en raison du manque à gagner occasionné par les exonérations accordées par les pouvoirs publics aux importateurs de produits céréaliers, beaucoup de personnes avaient pensé que la grande rafle des véhicules servira à compenser ces pertes.
» Il n’ y a aucune motivation financière derrière cette opération. Il s’agit simplement d’assainir le milieu. C’est une mesure plutôt sécuritaire « , souligne le patron de la BMI qui indique que » personne ne sera épargné « .
Interrogé par la rédaction de l’Indépendant, Bakaou Diakité, le chef du BCI (Bureau du contrôle interne) des services de la Douane réfute également les supputations selon lesquelles la baisse actuelle des ressources financières, au niveau de la douane, a poussé les autorités à initier cette opération de saisie de véhicules.
Selon M. Diakité, le fléchissement à la baisse des recettes, en juillet, s’explique, pour partie, par la facilité accordée par l’Etat aux plus gros importateurs de produits pétroliers qui bénéficient directement d’une exonération au cordon douanier.
Le scandale des exonérations pétrolières ayant occasionné, il y a peu, l’arrestation de plusieurs opérateurs économiques a servi, sans nul doute, de leçon aux pouvoirs publics. Toujours selon Bakaou Diakité, la baisse des recettes douanières en juillet dernier s’explique, pour l’autre partie, par la vague d’importation de produits céréaliers sans droits de douane.
Tolérance zéro
Si l’on en croit Harouna Niambélé, le chef de la BMI, même les douaniers, que l’on croit être des privilégiés, ont vu leurs véhicules saisis au cours de la grande chasse ouverte contre les hors-la-loi.
Qu’il s’agisse des agents de l’aéroport, de la direction générale de la douane ou du bureau 801, «aucun agent n’a bénéficié de l’indulgence des contrôleurs sur le terrain».
En réplique aux nombreuses plaintes des particuliers, affirmant que les voitures des agents de la douane, de la police et même des membres de l’Assemblée nationale sont toujours relâchées après leur saisie, le haut responsable de la douane reste catégorique.
« Même les véhicules des députés qui n’ont pas été en mesure de nous présenter leur exonération ont été saisis. Un véhicule d’un député, des hommes qui ont voté la loi, que l’on aperçoit avec sa femme ou ses enfants, est immobilisé sur le champ« , affirme M. Niambélé.
Il indique cependant que beaucoup de véhicules sans plaque minéralogique sont en règle. « Il y a en plusieurs qui sont en règle, mais par faute de plaque, nous sommes obligés de les arrêter et de les libérer ensuite après vérification. Les gens pensent alors à des abus, alors qu’il n’en est rien. C’est au fabriquant de plaque d’honorer son engagement« , a-t-il dit.
Ecartant d’un revers de la main « l’accusation » portée contre les douaniers quant à leur refus de se mettre en règle comme tous les citoyens du pays, le contrôleur de douane Ousmane Camara demeure inflexible.
« Jette un coup d’œil sur la vingtaine de véhicules stationnés dans la cour ici (BMI), et dis moi si tu vois un véhicule non dédouané« , assure-t-il.
D’un pas sec, il se dirige vers sa Mercedes 190 dédouanée et rapporte en guise de preuve les pièces du dédouanement.
« Des frais de douane à ceux des affaires économiques, je me suis acquitté de tout. J’ai payé tous les frais, comme n’importe quel citoyen. On nous accuse sans fondement« , déclare l’agent de douane qui indique que les douaniers ne bénéficient plus de l’exonération partielle.
« Auparavant, nous bénéficions de certaines facilités C’est vrai que certains d’entre nous en ont abusé. Ils vendaient à des particuliers ces exonérations. Que les gens cessent d’accabler les douaniers« , affirment notre interlocuteur.
Décidée à mettre le holà à l’impunité, la direction générale de la douane a écrit aux autres services, notamment la police, la gendarmerie, l’armée pour que leurs agents, propriétaires de véhicules sans pièces adéquates, se mettent en règle.
Sory Ibrahima GUINDO
15 août 2005