Les méthodes traditionnelles de desserte d’eau en milieu urbain et les méthodes de gestion sont de nature à limiter l’accès à l’eau potable des populations. Par contre, la promotion des postes de distribution collective d’eau (PDC) assure une desserte améliorée et équitable aux populations pauvres.
“Les PDC, que notre société a eu à expérimenter en 2000 à Bougouni, constituent un compromis viable entre le branchement particulier et la borne fontaine. Cette technique, innovante de par sa conception et facile à exécuter, constitue une solution alternative viable pour l’accession des plus démunis à l’eau potable“.
Ces propos du directeur central eau à Energie du Mali (EDM) Boubacar Kane, hier lors de l’atelier de lancement du projet de recherche action portant sur la promotion des postes de distribution collective d’eau à Bougouni et Mopti, posent avec acuité la problématique de l’approvisionnement des populations en eau potable. En effet, la société Energie du Mali est chargée de la production et de la distribution de l’eau potable dans 17 centres urbains à travers le pays.
Elle couvre une population totale d’environ 2,2 millions d’habitants pour un taux de desserte globale de 72%. Mais la tâche d’EDM s’avère de plus en plus ardue eu égard aux besoins en eau toujours croissants des populations et à une urbanisation galopante.
La satisfaction des besoins en eau des populations à faible revenus demeure un casse-tête. Comment financer les infrastructures nécessaires pour satisfaire cette demande souvent mal connue ?
Quelles sont les technologies les mieux adaptées pour y faire face ? Autant de questions fondamentales auxquelles les autorités et les sociétés de distribution d’eau doivent répondre.
“La solution, traditionnellement adoptée par les autorités et les sociétés de distribution d’eau, consiste à installer des bornes fontaines publiques. Ceci a, certes, contribué à rendre l’eau accessible aux plus démunis, cependant, à la date d’aujourd’hui, cette solution révèle des insuffisances …”, a expliqué Boubacar Kane.
Parmi les insuffisances citées par le directeur central eau d’EDM, on note plusieurs aspects. L’insatisfaction des consommateurs liée aux files d’attente et aux heures d’ouverture et de fermeture des bornes fontaines. La répartition géographique inéquitable des bornes fontaines et les distances souvent longues à parcourir pour se procurer l’eau découragent les populations.
Aussi, la marchandisation de l’eau à travers un circuit économique de plus en plus complexe et sophistiqué (municipalités, propriétaires de bornes fontaines, fontainiers, porteurs et revendeurs d’eau) rendent l’eau de plus en plus chère au consommateur final.
D’autres problèmes concernent les distributeurs d’eau comme les difficultés à recouvrer les factures, une grande propension à la fraude par les fontainiers, le non respect des engagements pris notamment en ce qui concerne le respect de l’environnement par les fontainiers et l’accès difficile des habitats spontanés.
Pour contourner toutes ces difficultés, Boubacar Kané préconise l’utilisation des postes de distribution collective. “Les PDC, contrairement aux branchements particuliers, assurent un niveau de desserte plus élevé sur un réseau faiblement densifié, et, du coup, contribuent à améliorer l’hygiène et la santé des populations en leur évitant de recouvrir à d’autres sources d’eau non potables“, soutient-il.
Pour le Pr Ahmadou Hama Maïga, directeur général adjoint de l’institut international d’ingénierie de l’eau et de l’environnement (2 iE) qui assure la coordination technique et scientifique du projet, les branchements privés de domicile ne sont accessibles qu’à des privilégiés. “Les tranches sociales ne profitent pas aux ménages très pauvres qui partagent souvent leurs robinets“, a-t-il affirmé.
Aussi, dans la tarification, les tranches sociales sont des facteurs limitant du recouvrement des coûts. “Le PDC est un espace aménagé en lieu et place de la borne fontaine classique, et doté de robinet de puisage pour chaque ménage concerné“, a expliqué le professeur.
A l’en croire, les avantages liés au PDC sont multiples : réseau faiblement densifié, libre accès des ménages à l’eau, réduction des frais d’abonnement, non nécessité d’un gérant du point d’eau, limitation des besoins en agents releveurs.
Selon lui, cela se traduit par des impacts économiques immédiats pour le consommateur. “Le coût de l’eau est plus bas qu’avec les bornes fontaines et le consommateur a accès à l’eau potable au moment qu’il veut“, soutient Ahmadou Hama Maïga.
D’autres impacts non mesurables concernent l’amélioration de la santé et du bien-être des ménages. Les attentes sont grandes pour le projet PDC qui doit s’étendre aux populations pauvres des villes de Bougouni et Mopti (quartier Djenné Daga) au Mali et Djibo et Dori au Burkina Faso.
Pour le maire de Mopti, Oumar Bathily, le projet va intéresser un quartier périphérique qui est en fait un hameau de pêche où le problème d’eau potable se pose de façon cruciale.
Pour lui, le PDC est une opportunité pour les communes, les bornes fontaines n’ayant jamais été une solution appropriée. Le représentant de la direction nationale de l’hydraulique, Moussa Dieng, qui a rappelé les expériences passées en matière de gestion de l’eau, a émis le vœu que le PDC puisse être la solution adapté.
Même écho chez le directeur national de l’enseignement supérieur, Mamadou Kéïta, qui a expliqué l’importance de l’eau potable pour les populations. Mais pour que les PDC assurent un niveau de desserte élevé sur un réseau faiblement densifié et contribuent à améliorer l’hygiène et la santé des populations, il faut la mise en œuvre d’un plan global portant sur certains axes prioritaires.
Il s’agit, entre autres, de l’amélioration de la technique d’installation des PDC en tenant compte de leur sécurisation et leur état de salubrité, le renforcement des capacités des populations bénéficiaires ; la mise en place d’indicateurs pertinents de suivi et de gestion permettant une évaluation à posteriori fiable en vue d’une meilleure appropriation de la technique.
O. Sissoko
26 octobre 2006.