Les leçons que nous pouvons tirer de la résolution du conflit sont les suivantes :
– Le sentiment de marginalisation ou d’exclusion d’une communauté conduit à des prises de positions extrémistes qui aboutissent généralement à des conflits, tel fut le cas de la rébellion touarègue au Mali et au Niger. Pour éviter des conflits de ce genre, les 27 Protocole d’accord additionnel entre le Gouvernement de la République du Niger et l’Union des Forces de la résistance armée (FPLS, MUR, FAR) et les Forces armées révolutionnaires du Sahara (18 novembre 1997), Alger doivent tout mettre en œuvre pour une intégration véritable de toutes les communautés nationales sans exclusion et discrimination aucune.
– Les régimes politiques jouent également un rôle clé dans la stabilité sociale, que cela soit au Mali ou au Niger. Les régimes qui ont précédé la rébellion touarègue de 1990 étaient des régimes trop centralisateurs qui donnaient très peu d’autonomie aux différentes communautés dans la gestion de leurs affaires locales. Les Touaregs, qui ont toujours été considérés comme une communauté avec des velléités sécessionnistes, ont particulièrement souffert de la centralisation du pouvoir.
C’est pourquoi une des solutions de la rébellion touarègue a été la décentralisation. Avec la décentralisation, les communautés deviennent responsables de la gestion de leurs affaires, avec la possibilité de choisir des responsables politiques par le biais d’élections démocratiques libres et transparentes.
Ce qui nous amène à parler de l’importance des régimes politiques dans le règlement des conflits. Aussi bien au Mali qu’au Niger, la rébellion a coïncidé avec des changements politiques majeurs. Au Mali, la rébellion a commencé en juin 1990 et le régime qui était en place depuis 23 ans est tombé le 26 mars 1991. Désormais, les rebelles avaient devant eux de nouveaux interlocuteurs d’autant plus sensibles à leurs revendications que c’est une révolution populaire de la rue appuyée par certains militaires qui a fait tomber le régime.
Les nouveaux dirigeants du Mali étaient issus de ce que l’on appelait à l’époque des mouvements démocratiques. Ces mouvements démocratiques étaient constitués de toutes les couches sociales de la société avec un objectif commun : plus de démocratie, plus de liberté et plus de justice sociale, en d’autres termes ces revendications rejoignaient celles des rebelles touaregs.
Au Niger, la rébellion a commencé en mai 1990. La Conférence nationale souveraine a été convoquée en juillet 1991 et elle a demandé et obtenu la démission du gouvernement, l’instauration du multipartisme et la mise en place d’une transition qui devait élaborer les fondements d’un nouveau régime politique basé sur la démocratie pluraliste au Niger.
Si les réponses aux révoltes touarègues ont donc jusque- là toujours été militaires, dans le nouveau contexte politique, les réponses seront plus politiques que militaires, c’est pourquoi, au Mali, les représentants de la rébellion ont siégé dans le Comité de transition du salut du peuple (CTSP).
Cette ouverture politique a également permis un débat de fond sur la question touarègue au Mali et au Niger avec la participation des partis politiques, des représentants de la société civile et des ONG à la recherche d’une solution négociée et définitive du conflit.
– Une autre leçon très importante est que le règlement des problèmes politiques et socioéconomiques d’une communauté qui a pris les armes ne doit pas se faire au détriment d’autres communautés car cela peut pousser celles-ci à prendre les armes. Tel a été le cas du Mali, quand les sédentaires au Nord du Mali se sont sentis lésés dans le traitement de la rébellion touarègue et ont pris les armes à leur tour.
– Autre constat : à la fin d’un conflit armé, il est très important de procéder à la restitution des armes sinon à leur récupération, faute de quoi un petit incident peut faire sortir des armes cachées ou leur détention peut augmenter l’insécurité.
C’est pour cette raison que les autorités maliennes ont récupéré beaucoup d’armes et ont organisé une cérémonie officielle dénommée « la Flamme de la paix de Tombouctou », cérémonie à laquelle plusieurs personnalités étrangères ont assisté. Au cours de cette cérémonie, toutes les armes récupérées, environ 3 000, ont été brûlées. Cela permet de contrôler le banditisme résiduel qui succède généralement à tout conflit armé.
Dans la résolution du conflit touareg, l’implication de la société civile, des partis politiques et des ONG s’est aussi avérée très efficace. Les responsables des différentes communautés ethniques ont joué un rôle déterminant dans l’apaisement social.
Et enfin, le rôle de la communauté internationale est à souligner. Sans son appui, le conflit touareg n’aurait peut-être pas été résolu comme il l’a été. C’est grâce au financement de la communauté internationale que la réinsertion socioéconomique des excombattants a été possible.
Annexe I
Présentation du Mali et du Niger
Présentation Le Mali Le Niger
Géographie -Superficie : 1 241 231 km2
Climat : sahélien
Cours d’eau : les fleuves
Niger et Sénégal
Relief peu accidenté
Superficie : 1 267 000 km2
Climat : sahélien
Cours d’eau : le fleuve Niger
Relief peu accidenté
Histoire et Politique
Empire du Ghana : IVe siècle
Empire du Mali : XIe siècle
1895, colonisation française
1960, indépendance sous la direction de Modibo Keita
1968, coup d’État sous la direction de Moussa Traoré
1991, révolution populaire, chute du régime militaire et instauration
de la démocratie sous la direction de Amadou Toumani Touré
1992, élection démocratique de Alpha Oumar Konaré
1997, réélection : Konaré
1999, début de la décentralisation
Royaume Kanem : VIIIe siècle
Royaume Songhaï : XIVe siècle
1899, colonisation française
1960, Indépendance sous la direction de Hamani DIORI
1974, coup d’État sous la direction de Seyni Kountché
1991, début du processus démocratique pluraliste
1993, élection démocratique de Mahamane Ousmane
1996, coup d’État sous la direction de Ibrahim M. Baré
1999, coup d’État sous la direction de Daouda Wanké
1999, élection de M Tandja
Société et Population
10 900 000 habitants
1 habitant./8,8 km2
Bambara, Sénofo, Songhaï, Peuls, Malinké, Touareg, Maure, Arabe
Musulmans : 90 %
Population Urbaine : 27 %
Alphabétisation : 31 %
Langue officielle : français
Langue principale : bambara
9 800 000 habitants
1 habitant./7,7 km2
Haoussa, Songhaï, Zarma, Kanouri, Toubou, Touareg Gourmatché, Arabe, Maure
Musulmans : 99 %
Population Urbaine : 19 %
Alphabétisation : 14 %
Langue officielle : français
Langue principale : haoussa
Économie Principales activités : Agriculture, Élevage, Pêche, Exploitation minière, Petites industries
Principales activités : Agriculture, Élevage, Pêche, Exploitation minière, Petites industries
Source : L’état du Monde, 2000.
Annexe II
Présentation de la société touarègue
Classe sociale Rang social Occupation
Les Imajeren et Ineslemen
Groupe aristocratique La gestion des affaires de la communauté : politique, justice, religion, éducation
Les Imrad Hommes libres Pasteurs :élevage et soin des animaux
Les Inaden-artisans Hommes de castes Travaux manuels : Fourniture de tous les objets et matériels que la société touarègue utilise
Les Iklan : Iklan N’Taoussit et Iklan N’Egguef
Esclaves d’origine noire, ils sont considérés comme faisant partie de la classe inférieure
Travaux domestiques pour les Iklan N’taoussit et travaux agricoles pour les Iklan N’Egguef
Autres caractéristiques de la société touarègue
Le rôle de la femme dans la société touarègue
La société touarègue est une société dans laquelle la femme joue un rôle très important, tant sur le plan culturel que politique. Généralement, l’appartenance à une couche sociale ou à un groupe est déterminée par la position sociale de la mère de l’individu.
La femme a le droit de choisir son époux et de disposer à sa guise de sa richesse personnelle. C’est une société où la monogamie est pratiquement la règle.
La langue
L’un des faits les plus marquants dans la société touarègue est l’appartenance de tous les membres de la société à une communauté linguistique commune qui est la base du fondement de l’unité de la civilisation touarègue. Cette langue est le Tamasheq. Il existe quatre principaux parlers Tamasheq, soit : la tahaggat (parlée au Sahara central), la tadghaq (parlée au Mali), la tawellemmet (parlée au Mali et au Niger) et la tayart (parlée au Niger).
L’écriture
La société touarègue est l’une des rares sociétés africaines à posséder sa propre écriture, cette écriture, le tifnar, dérivant de l’antique libico-berbère. Sa principale caractéristique est qu’elle ne comporte que des consonnes et ne se vocalise pas. Elle est toujours utilisée dans le lieu touareg.
Source : André Salifou, La question touarègue au Niger, page 9 à 16.
Bibliographie
Alassane, Mohamed Ag et Gaoussou Drabo, Nord du Mali : le processus de la paix et de réconciliation, étude d’une démarche exemplaire, Bamako, OXFAM-UKI, AMAP, mars 1997.
Alassane, Mohamed Ag, Coulibaly, Cheibane et Gaoussou Drabo, Nord du Mali de la tragédie à l’espoir : histoire politique de la rébellion, les choix de développement économique et la problématique des réfugiés, Bamako, ACCORD, NOVIB et OXFAM, AMAP, juillet 1995.
Dayak, Mano, avec la collaboration de Stührenberg, Michael et de Jérôme Strazzula, Touareg, la tragédie, Paris, Éditions Lattès, mai 1992.
Protocole d’accord additionnel entre le Gouvernement de la République du Niger et l’Union des Forces de la résistance Armée (FPLS, MUR, FAR) et les Forces Armées
Révolutionnaires du Sahara (18novembre 1997).
Maïga, Mohamed Tiessa-Farma, Le Mali: de la sécheresse à la rébellion nomade, chronique et analyse d’un double phénomène du contre développement en Afrique sahélienne, Paris, L’Harmattan, 1997.
Salifou, André, La question touarègue au Niger, Paris, Éditions Karthala, 1993.
Pierre Boilley, « MALI. Stabilité du Nord Mali : Les responsablités partagées », Writenet Paper, N° 11/1999, UNHCR, Centre for Documentation and Research, Human Right, Forced Migration, Ethnic and Political Conflict (UK), may 1999.
Source : www.dandurand.uam.ca
08 Septembre 2008