Partager

Dans le Droit constitutionnel, la notion de l’État est la clé de voûte de tout enseignement ou discernement. Mais incontestablement, cette notion est mal comprise par nos concitoyens qui en ignorent son sens réel et sa signification profonde. Au Mali, c’est avec l’invasion des jihadistes et autres narco-trafiquants armés qu’on a pu découvrir toute l’importance de l’Etat. Que faut-il alors, juridiquement parlant, entendre par ce concept ?

Selon le lexique juridique on peut définir l’État comme un territoire géographiquement déterminé, avec une population et une prérogative de puissance publique. C’est un ensemble d’organes politiques et de gouvernants, par opposition aux gouvernés. Mais, cette définition est insuffisante pour parer aux débats houleux qui naissent entre les uns et les autres. D’aucuns disent que l’État est à la fois une idée et un fait perceptible. Et comme l’a remarqué Burdeau, «personne n’a jamais vu l’État. Qui pourrait nier cependant qu’il soit une réalité ?».

C’est ainsi que, pour contourner les difficultés qui s’attachent à la nature abstraite de l’État, le Droit international public le définit, à son tour, par ses éléments constitutifs qui sont au nombre de trois, à savoir, le territoire qui fixe le cadre à l’intérieur duquel il exerce son pouvoir de commandement à titre exclusif ; la population qui habite ce territoire et se trouve de ce fait soumis à ce pouvoir ; et le pouvoir exécutif, c’est-à-dire l’organisation politique qui exerce ce pouvoir de manière souveraine, sans être tenue de se conformer à d’autres règles que celles du Droit international.

En outre, ces composantes pour définir l’État ne sont pas pleinement satisfaisantes pour la science politique, car elles n’expliquent pas sa nature. Or, seule la nature de celle-ci permet d’aborder le problème essentiel des rapports entre l’État, le Droit et la Société.


Les éléments constitutifs de l’État

Le Territoire : C’est un élément géographique dont les théoriciens ont montré que l’apparition de l’État va de pair avec le territoire étatique, car l’existence de frontières permet de fixer les limites dans lesquelles s’exerce le pouvoir étatique. Le Doyen Hauriou confirme que «l’État est une corporation à base du territoire». Il faut retenir qu’il n’y a pas d’État sans territoire.

La Population : C’est un élément humain constitué par les individus qui sont soumis à l’autorité étatique. Elle est hétérogène, car elle peut recouvrir les individus vivant sur le territoire, ainsi que ceux qui vivent hors du territoire, mais qui sont liés à l’État par la nationalité.

L’Autorité étatique : C’est un élément politique qui exerce le pouvoir sur le territoire et la population. Cette autorité prend toutes les décisions relatives à la gestion des affaires communes. Elle dispose du pouvoir de coercition afin d’assurer le respect des décisions prises.

Par rapport à la genèse de l’État, nous pouvons retenir à travers le Professeur Bourdieu qui a dit ceci : «Décrire la genèse de l’État, c’est décrire la genèse d’un champ social, d’un microcosme social relativement autonome à l’intérieur du monde social englobant, dans lequel se joue un jeu particulier, le jeu politique légitime…»

Faire la genèse de l’État, poursuit le sociologue, c’est faire la genèse d’un champ où le politique va se jouer, se symboliser, se dramatiser dans les formes. Et du même coup, les gens dont le privilège est d’entrer dans ce jeu, ont aussi le privilège de s’approprier une ressource particulière qu’on peut appeler la ressource universelle. Cette assertion est largement explicitée par les éminents professeurs du Droit de l’Université des Sciences juridiques et politiques de Bamako.

Seydou Karamoko KONE

Le Flambeau du 31 Octobre 2013