ATT est imbattable en 2007 ! Telle est la conviction militante de M. Dioncounda Traoré, président de l’Alliance pour la démocratie au Mali (ADEMA). Ses propos, prononcés à l’occasion de la conférence régionale des sections Adema de Mopti, ont une portée historique dans ce contexte préélectoral.
Surtout venant du président du parti qui nous a dirigés pendant une décennie. L’alternance attendra 2012. Dioncounda est ferme dans sa conviction au point qu’il se croit obliger de décorer le Général d’une constellation de bonnes étoiles et de le couvrir de laurier dans sa ville natale.
Un griotisme politique dont ce dernier n’a apparemment pas besoin pour séduire et convaincre les Maliens de lui confier leur destin pendant cinq nouvelles années. En effet, selon un certain entourage d’ATT (éventuel candidat à sa succession en 2007), celui-ci ne demande qu’une chose à ses alliés politiques : la loyauté dans leurs actions et leurs interventions !
Mais, Dioncounda n’est-il pas déjà parti au-delà de cette attente présidentielle en obligeant son parti à faire allégeance à ATT, «un militant de la première heure et de toujours» de la Ruche ? Cette sortie, jugée «malencontreuse» par la plupart des analystes politiques, est pourtant pleine d’enseignements et d’indicateurs.
Il faut tout de suite souligner que Dioncounda compromet ATT en le déclarant officiellement comme un militant de l’Adema. Déjà il y avait eu des soupçons d’un arrangement politique entre Alpha Oumar Konaré et son successeur en 2002.
Pis, les autres partis (à commencer par le PCR) vont sans doute être frustrés par cette révélation puisque rassemblés tous derrière Amadou Toumani Touré au nom de la gestion consensuelle du pouvoir.
A la décharge de ce dernier, on pourra difficilement l’accuser de faire la part belle à l’Adema au détriment des autres formations depuis son arrivée au pouvoir il y a trois ans.
La base disqualifiée
La sortie de Dioncounda à Mopti prouve également que, contrairement à ce que le président de la Ruche avait promis à ses militants, ce n’est pas la base qui va déterminer si l’Adema va aligner son candidat ou soutenir ATT en 2007.
Les dés sont apparemment jetés et tout laisse à croire que le dernier mot reviendra incontestablement aux barons. La tendance (Dioncounda ou Soumeylou) qui réussira à rallier la majorité du Comité exécutif à sa cause aura le dernier mot.
Et sur ce plan, Soumeylou Boubèye Maïga apparaît comme la vraie abeille solitaire. Il ne faut pas le sous-estimer pour autant parce qu’il est rompu aux arcanes politiques et à plus d’un tour dans son sac. N’est-ce pas IBK, Soumaïla Cissé ?
Il ne faut pas non plus trop compter sur un repli stratégique de Dioncounda. Au-delà de l’Adema, l’homme joue son avenir. Il sait que le poste de président de parti ne nourrit pas son homme !
Au contraire, il l’appauvrit. Et l’ex-professeur de l’Ecole nationale des ingénieurs et ancien ministre, est fatigué du chômage qui lui est imposé depuis qu’il a quitté le gouvernement il y a bientôt une décennie. Il est fatigué d’être laissé en rade dans le partage du gâteau en se contentant des miettes pour entretenir sa cour.
Il mise donc sur une inéluctable victoire de son poulain dans deux ans pour relancer sa carrière. Selon des indiscrétions, il rêve du perchoir pour se venger d’Ibrahim Boubacar Kéita qui lui a barré la route dans sa ville natale, Nara, en 2002.
Mais, à défaut, il serait aussi prêt à souffler la primature à l’énigmatique Soumeylou Boubèye Maïga. En effet, l’une des ambitions de l’Adema en soutenant ATT serait de pouvoir constituer une majorité forte derrière lui afin de faire main basse sur l’Assemblée nationale et la primature.
Une absence inacceptable
Mais à l’Adema, comme au sein des autres chapelles politiques, il faut que les dirigeants restent conscients que la participation aux élections n’est pas seulement un choix stratégique, mais aussi et surtout un devoir politique.
La force d’un parti et son niveau d’implantation dans le pays sont jugés en fonction de sa performance électorale. Alors, rien ne saurait justifier l’absence d’un candidat ou d’une candidate (l’éventualité n’est pas exclue) Adema au premier tour des présidentielles de 2007.
Si une telle démission est acceptable de la part des petits partis qui n’existent que parce que tolérés par le ministère de l’Administration territoriale, elle est inacceptable de la part des Rouge-Blanc constituant la première force politique du pays depuis l’avènement de la démocratie en 1991.
L’absence de l’Adema ne pourra se justifier que par une incapacité congénitale : le manque de consensus autour d’un candidat pour défendre les couleurs du parti. Ils sont nombreux dans la Ruche ceux qui se voient un destin présidentiel.
Mais, en réalité, aucun baron ne se dégage comme ayant le profil idéal de président de la République. C’est peut-être là que des militants de l’Adema vont regretter le charismatique IBK poussé à la dissidence puis à la rupture par ceux qui voyaient en lui un obstacle à la réalisation de leur destin présidentiel.
Il ne faut pas se faire d’illusion. A l’état actuel du débat, il est utopique de rêver d’une candidature consensuelle dans la Ruche de Bamako-Coura. Même une convention pourra difficilement réaliser ce miracle.
Les uns et les autres se sont trop égarés dans leur positionnement pour qu’on espère une décrispation devant aboutir à la désignation d’un seul candidat de l’Adema. Surtout qu’il ne s’agit pas seulement de désigner un étalon, mais de faire en sorte qu’il soit franchement et efficacement soutenu par tous.
ATT, le sauveur de l’Adema ?
On comprend alors que l’Adema préfère l’humiliation de courber l’échine devant ATT que d’aller vers une nouvelle implosion aux conséquences imprévisibles. Mais, ATT sera-t-il réellement le vrai sauveur de l’Adema du naufrage qui le guette ?
La sagesse peuhle voudrait qu’on n’aille pas vite en besogne en abandonnant le troupeau pour suivre le bêlement d’un bélier égaré dans la Venise malienne. Surtout qu’en politique, il n’y pas de convictions immuables. Il n’y a que des intérêts. Et ceux-ci peuvent facilement changer de camp.
Aïssata Bâ
11 octobre 2005.