Les anciens amis d’ATT n’ont plus où donner de la tête. Alors que l’arrivée de leur mentor au pouvoir leur avait fait rêver d’un Mali débarrassé des partis politiques majoritaires qui continuent à décevoir les populations, ces Indépendants qui misaient sur un des leurs – Modibo Sidibé, Ahmed Sow ou le candidat caché – pour la succession d’ATT, perdent progressivement leurs espoirs et peinent à se trouver, aujourd’hui, une place honorable sur l’échiquier politique.
L’arrivée du président ATT au pouvoir a fait rêver les Indépendants qui pensaient à la fin de l’ère des partis politiques. D’autant plus que le général, pendant sa première campagne électorale disait qu’il comptait réconcilier la classe politique. Sa victoire en 2002 a donc suscité un engouement qui se complaisait dans la perspective d’une déroute des candidats des partis politiques au profit des candidats indépendants. Sur les traces du Mouvement citoyen, une multitude d’associations fut créée.
La plupart affichait leur soutien inconditionnel au président ATT. De ce fait, ces associations avaient occulté la réalité du soutien des partis politiques qui était à la base de la victoire du candidat ATT. D’autant plus qu’une bonne frange de l’Adéma-Pasj, qui avait régné pendant dix ans, avait rejoint les partisans du général candidat.
Déjà, en 2004, ce fut la première sonnette d’alarme, quand les Indépendants sont sortis des urnes des élections communales avec la portion congrue. On a alors assisté au départ d’une première vague d’Indépendants vers les partis politiques. En réalité, ces Indépendants dont la plupart était candidat aux élections communales étaient des transfuges de partis politiques qui ne les avaient pas retenus en bonne place sur leurs listes électorales.
Hors de ces partis, ces candidats n’avaient plus d’assise politique puisque les militants de base des partis politiques n’étaient pas censés les soutenir. Or, si ATT a pu regrouper une bonne partie de l’opinion autour de lui, il fallait chercher les raisons ailleurs et non dans l’unique statut indépendant d’un homme qui a mené une discrète et constante campagne électorale, au cours de ses missions humanitaires. La duperie ne marchait plus et le fonds de commerce ATT commençant à lasser, les Indépendants au sein du Mouvement citoyen étaient divisés sur l’opportunité de la création d’un parti politique.
De guerre lasse, certains ont mis sur les fonts baptismaux le parti citoyen pour le renouveau (PCR). ATT persistant qu’il n’a pas l’intention de créer un parti politique, une seconde fissure au sein du Mouvement citoyen a poussé des Indépendants, sous la direction de leur mentor, Djibril Tangara, à fonder la Force citoyenne et démocratique (FCD). Ce qui, du coup a créé une fronde contre ce parti poussant les Indépendants à s’activer pour mobiliser leurs militants. C’est ainsi que certains ont envisagé de créer un lobby pour propulser leur candidat à la prochaine élection présidentielle. Les noms de Modibo Sidibé, Ahmed Sow et d’autres candidats indépendants étaient cités. Malgré tout, la saignée indépendante continue.
D’autres associations, comme AMRE-ATT, se disloquèrent et certains de leurs membres ont rejoint l’Adéma-Pasj, provoquant une polémique qui laissait entendre que la Ruche est en train de débaucher les militants du Mouvement citoyen. Ce qui n’a pas empêché des députés indépendants à rejoindre le camp des formations politiques, à l’image de la Convergence pour le développement du Mali (Codem) créée le 24 mai 2008, au Centre international de conférence de Bamako.
La Codem mise sur les rampes de lancement par quatre députés indépendants – Ousséni Guindo, Alassane Abba, Marie Sylla, Siran Simaté – avait mobilisé, lors de son assemblée constitutive, un nombre impressionnant d’anciens membres du Mouvement citoyen. Un bureau de 89 membres avait été mis en place. Le président du parti, le député Ousséni Guindo présentait, ce jour, la Codem : ‘’ Nous avons quatre députés dans le bureau mais nous en réclamons une vingtaine. Nous avons une centaine de maires, nous revendiquons plus de 500 conseillers communaux.
Nous allons créer notre groupe parlementaire et parler au peuple au nom de ce groupe. Nous tiendrons notre congrès dans un délai raisonnable. ‘’ Il avait précisé que c’était plusieurs sensibilités des indépendants – Mouvement citoyen, Indépendants venus des partis, l’UDS dont il fait partie – qui se sont retrouvées au sein de la Codem. A l’occasion, nous avions signalé que les ex-amis d’ATT sont aujourd’hui plus que désillusionnés et savent que la position solitaire des hommes politiques base militante n’est pas viable à long terme.
Le président de la Codem avait précisé : ‘’Nous sommes dans un système qui a montré ses limites car nous constatons que le peuple est intéressé, avant de passer aux urnes, par des thés, des casquettes, des tee-shirts, après les élections, on ne voit plus les élus et ils ne présentent aucun mandat au peuple, or, nous voulons qu’après chaque consultation électorale, les élus se présentent aux citoyens pour faire valoir un mandat. Nous voulons être très proches du peuple afin qu’il adhère à la politique car il boude encore les suffrages…
Ce jour, 24 mai 2008 fera sans doute partie des grandes dates qui vont marquer la vie politique du Mali. Ce jour est surtout l’aboutissement d’un long processus de concertations, d’analyses de la situation socio politique du Mali de la part d’hommes et de femmes d’horizons divers : militants de partis politiques, société civile, confessions religieuses, autorités coutumières, associations de jeunes et de femmes pour jeter les fondements d’une société malienne qui place le développement au centre de la politique et qui compte d’abord sur ses propres forces pour atteindre le bien être social.
Ces hommes et ces femmes que vous incarnez, chers délégués, ont compris qu’avec la nouvelle donne économique, à la fois angoissante et passionnante, il faut plus que jamais, au Mali, un sursaut qui tarde à s’exprimer. ‘’ Donc, aujourd’hui, des Indépendants ont pris l’option de compter sur leurs propres forces et non d’attendre que la manne leur tombe du ciel à partir du fonds de commerce ATT.
Ils rejoignent progressivement les partis politiques, s’ils n’en créent pas. Ils sont convaincus, vu les perspectives politiques, qu’il est difficile d’assurer la succession d’ATT par un Indépendant. Ahmed Sow n’est plus dans la course et Modibo Sidibé n’est plus en odeur de sainteté avec le président de la République.
Baba Dembélé
06 Novembre 2008