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La subvention du kilogramme de gaz butane destiné à la consommation domestique s’élève ainsi à 596 Fcfa, soit 64 % du coût réel du produit qui se chiffre à 914 Fcfa. Le gaz, exclusivement sur les bouteilles de 2,75 kg et celles de 6 kg, revient ainsi aux ménages à 320 Fcfa le kilogramme.

Sans être parfait, le mécanisme est louable dans son principe. Mais dans son fonctionnement, c’est une toute autre paire de manches, soulignent les importateurs de gaz qui imputent les fréquentes ruptures de stock aux difficultés de percevoir la subvention. C’est le scénario qui pointe aujourd’hui à l’horizon, un remake d’une situation déjà vécue en 2006 sauf que cette fois la pénurie de gaz pourrait survenir en plein mois de carême. Les distributeurs contactés l’annoncent même pour les tout premiers jours de ce mois particulier.

L’alerte été donnée par le regroupement des sociétés importatrices de gaz butane (Total Mali, Sodigaz, Faso gaz et Sigaz) présidée par Oudiari Diawara. Celui-ci a constaté l’épuisement de l’inscription budgétaire destinée à la subvention du gaz butane vendu aux ménages. « Cet épuisement n’est accompagné d’aucune mesure alternative de prise en charge de nos opérations de juillet à décembre 2008« , constate l’opérateur gazier qui relève que ses cuves ainsi que celles de ses « camarades » sont presque vides.


Budget épuisé

Face à la crise qui se profile, les opérateurs gaziers ont formulé deux propositions drastiques qui incluent toutes deux une hausse du prix de vente au consommateur. La première coupe la poire en deux : le consommateur prend en charge une partie de la hausse et l’État l’autre partie par l’entremise d’une rallonge budgétaire. La seconde proposition consiste en l’application totale de la vérité des prix : la suspension de la subvention publique et la bouteille de 6 kg vendue au prix public de 5400 Fcfa.

Oudiari Diawara explique que la pénurie qui apparaît inévitable dès les débuts du carême est causée par le retard cumulé de paiement de 1,1 milliard de Fcfa représentant 4 mois de factures de subvention. Ce retard a occasionné de grandes difficultés de trésorerie aux sociétés importatrices de gaz.

Le président de leur regroupement indique que les fournisseurs étrangers ne leur accordent plus de crédits. « Ils exigent du cash tandis que nous sommes bloqués ici« , constate Oudiari Diawara.
Seydou Keita, le directeur de la section « Énergie domestique » de l’Agence malienne pour le développement de l’Énergie domestique et l’électrification rurale (Amader), confirme la surface financière très limitée des opérateurs gaziers.

Ils ont donc grand besoin de l’argent public pour acheter du gaz à l’extérieur. Or, constate Seydou Keita, l’enveloppe allouée à la subvention du gaz au titre de l’exercice 2008, soit un peu plus de 3 milliards de Fcfa, est déjà épuisé. Au 31 juillet 2008, ce montant a été totalement utilisé, selon lui. Une première tranche d’un peu plus d’un milliard Fcfa a servi à éponger les arriérés de l’année 2007. Les 2,035 milliards Fcfa restants ont permis de régler les factures des opérateurs de janvier à juillet 2008.

Au compte de cet exercice budgétaire, Sodigaz a ainsi perçu 855 millions de Fcfa, Faso gaz a reçu 1,1 milliard de Fcfa et Total Mali et Sigaz ont encaissé respectivement 842 millions et 267 millions de Fcfa. « L’État a donc fait de gros efforts pour soutenir sa politique énergétique et honorer ses engagements vis-à-vis des opérateurs privés« , indique notre interlocuteur.

Seydou Keita relève qu’avec la montée en flèche de la consommation de gaz, la somme allouée à la subvention s’avère de plus en plus insuffisante dans un contexte (souligné par lui) où les différentes exonérations accordées sur les produits de première nécessité comme le riz et le sucre ont notablement grevé les ressources publiques. De 2002 à 2008, le montant alloué par le budget pour le remboursement de la subvention du gaz butane est ainsi passé de 458 millions de Fcfa à 3 milliards Fcfa. En 2009, il grimpera à 3,5 milliards Fcfa pour une consommation prévisionnelle de 12 500 T de gaz.

Belle marge

L’heure est actuellement aux négociations entre les différents départements ministériels concernés et les opérateurs gaziers. Sous l’égide du ministère de l’Économie, de l’Industrie et du Commerce, un cadre de concertation a été mis en place pour trouver une solution durable au problème.

Celui-ci s’est considérablement compliqué avec la hausse du prix d’achat du gaz à la raffinerie qui est passé de 443 640 Fcfa la tonne en juillet 2007 à 465 200 Fcfa actuellement, soit une augmentation de 21 360 Fcfa. « Les délais de chargement de nos camions dans les dépôts s’allongent également. Sans compter les tracasseries au niveau des frontières », comptabilise Oudiari Diawara.

Pour l’opérateur, les difficultés ne se limitent donc pas au retard de versement de la subvention. Elles s’étendent aussi au commerce illicite des bouteilles de gaz. Subventionnées par notre pays, celles-ci filent vers le Sénégal, la Côte d’Ivoire ou encore la Guinée pour y être vendue avec une belle marge.
La rentabilité de ce trafic est assurée.

D’abord au Sénégal où depuis le 2 janvier dernier, l’État a décidé de supprimer la subvention du gaz sur les bouteilles de 6 kg sur l’ensemble de son territoire. Cette mesure a fait grimper le prix de la charge de 6 kg de 1750 à 2700 Fcfa dans un pays qui consomme 140 000 tonnes de gaz par an. Cette augmentation oriente les spéculateurs vers notre pays où la charge de l’emballage de 6 kg coûte aujourd’hui 1920 Fcfa.

En Cote d’Ivoire, l’utilisation du gaz figure dans les habitudes avec un minimum de 100 000 tonnes de gaz consommées chaque année. Chez notre voisin du sud, le gaz étant plus cher que chez nous, un commerce illicite et fructueux s’est installé faisant fuir le gaz subventionné par delà les frontières. Idem pour la Guinée qui ignore toute politique de promotion du gaz butane et qui possède des consommateurs séduits par son utilisation. Le trafic est donc intense de ce côté là aussi.

Les opérateurs gaziers reconnaissent les efforts des forces de sécurité pour bloquer cette forme d’hémorragie nationale, mais ils demandent plus pour être sécurisés : un arrêté interministériel interdisant cette pratique frauduleuse.

A. M. CISSÉ

03 Septembre 2008