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Jockey, footballeur, boxeur, puis athlète, Mamadou Koné aura été un sportif exceptionnel qui a surtout excellé dans le lancer du poids. Dans cette discipline, il a écrit de belles pages pour le Soudan français, puis le Mali. Au bout, la nation lui a été relativement reconnaissante.

Professeur d’éducation physique à la retraite, Mamadou Koné est Chevalier de l’Ordre national du Mali depuis le 21 septembre 2000. Cette distinction récompense l’exceptionnelle carrière d’un sportif complet qui vit, aujourd’hui sereinement ( ?) sa retraite dans le quartier de Médina Coura.

Il a tellement vécu le sport qu’il porte si bien son âge : 76 ans, mais il demeure ce colosse “vieillard“ qui garde des beaux restes d’athlète, malgré une maladie de nerfs qui lui fait garder la béquille.


Un chef de famille modèle

Grâce au sport, “Binkè“ comme l’appellent affectueusement ses enfants, s’est crée beaucoup de relations et effectué des séjours dans plusieurs pays à travers le monde. « Le sport m’a apporté des choses très précieuses dont les nombreux contacts qui me font aujourd’hui, une carte de visite bien fournie. Je ne regrette nullement le temps que j’ai fait dans la pratique du sport » nous confié-t-il.
Depuis 1998 qu’il est en retraite professionnel, Mamadou Koné ne s’ennuie nullement.

Il se donne un large temps de rendre visite et de causer avec des anciens sportifs comme Abdoulaye Fané, Doudou Diakité ou autres qu’il a longtemps côtoyés. Ses amitiés étaient surtout très poussées avec Bakary Touré dit Sam, Pafouné Dakono qui étaient tous des lanceurs de poids et de disque.

A l’époque, il était surnommé avec ses deux amis « les 3 Super man », car tous étaient des athlètes de grande référence.

Le sport continue à occuper une place dans la vie quotidienne de celui qu’on surnommait à l’école “Madou mulet“ (en référence à sa résistance sur les coups de bâton donnés par les maîtres).

C’est pourquoi, on le voit régulièrement et passionnément suivre les prestations de son club de cœur, le Stade malien de Bamako, et des sélections nationales du Mali. Il a été capitaine du Mali en athlétisme et capitaine et entraîneur des athlètes du Stade malien de Bamako. Il suit les prestations de toutes les disciplines confondues ; bref, Binkè continue de vivre passionnément le sport.

Toutefois, la famille constitue aujourd’hui sa première passion, sa première occupation et sa préoccupation majeure. On le retrouve fréquemment au milieu de ses nombreux enfants et petits enfants, avec l’éducation desquels il n’a jamais badiné. Il reste ce chef de famille moderne, largement ouvert à ses enfants dont il partage les moments de joies et de peine, sachant se montrer tout aussi compréhensif que coopératif.


L’encadreur hors pair

Il tire certainement, ainsi, des dividendes de sa carrière d’éducateur qui lui a permis de servir pendant 30 ans au Lycée technique de Bamako. De nombreux cadres de ce pays, qui sont passés par ce lycée, gardent encore un agréable souvenir de professeur d’éducation physique qui savait rendre sa matière agréable.

Rappelons au passage, que notre héros a enseigné l’actuel ministre de la jeunesse et des sports, Hamane Niang, ainsi que Hamadoun Kolado Cissé, actuel directeur administratif et financier du ministère de la justice et président de la ligue de football de Mopti, le Cl Baba Diarra, actuel chef de cabinet du ministère de l’administration territoriale et des collectivités locales et 2è vice-président de la fédération malienne de football, le Cl Diack, ancien officier des sports, entre autres.

« Nous étions prompts à nous rendre à 7 h à l’école pour ne pas rater les cours d’EPS de M. Koné. Et pourtant, ses exercices n’étaient pas toujours faciles. Mais ses grandes capacités pédagogiques nous amenaient toujours à adhérer » nous a révélé un de ses anciens élèves.

Le lycée technique de Bamako a largement profité des retombées des qualités d’encadreur et des prouesses sportives de Binkè, car il a remporté des compétitions inter scolaires en football, en basket et en athlétisme à un moment où le sport inter scolaire était suivi avec un grand intérêt.

« A l’époque, je disposais de très bons sportifs comme Faliké, Kandioura ou Faniery Samaké qui acceptent de se battre pour tous. A y penser seulement, cela éveille en moi d’agréables souvenirs », révèle-t-il. A ses élèves du lycée technique, il a su inculquer les valeurs de combativité et de rage de vaincre.

Ce sont ces valeurs qui ont caractérisé sa carrière qui a été riche des résultats et médailles acquis à travers l’Afrique et le monde. En plus des nombreux athlètes formés à partir du lycée technique de Bamako, Mamadou Koné se félicite surtout d’avoir guidé les pas d’un certain Namakoro Niaré, médaillé d’or aux Jeux africains de Brazzaville.

Mamadou Koné a arrêté sa carrière en 1972 après les Jeux triangulaires que le Mali a remportés à Dakar, aux dépens de la Mauritanie et du Sénégal. La délégation malienne était conduite par Oury Diallo.

« Je devais arrêter parce que j’étais fatigué et je suis resté longtemps dans la pratique de l’athlétisme que j’ai commencé depuis 1953 », commente t-il. Il aura donc connu 20 ans de riche carrière d’athlète dont les plus grands souvenirs sont à situer d’abord au festival de la jeunesse africaine qui s’est déroulé à Bamako en 1958.

Il a été sacré champion de l’Afrique occidental française(AOF) au lancer du poids. L’année suivant, il a été sélectionné par le Comité international olympique (CIO) pour aller représenter l’Afrique au festival mondial de la jeunesse organisé à Vienne en Autriche.

Au cours de ce rendez vous international, il s’est réjoui « d’avoir rencontré des sportifs de grande renommée, des Hongrois et Russes, excellents dans leurs disciplines respectives ».

Ses performances à cette importante rencontre lui ont valu d’être invité quelques mois plus tard en France, où il a connu des responsables et athlètes, ravis de rencontrer un africain dans l’élite de l’athlétisme mondial sur invitation du CIO.

Le souvenir de Rozesky

Mais le fait qui a certainement le plus marqué cette carrière est sans doute la participation au mémorial Rozesky en 1961 à Prague en Tchécoslovaquie. Rozesky était un athlète tchèque qui a été assassiné par les Allemands. Depuis, lors son pays avait institué un tournoi annuel en son honneur.

« C’est à partir de mes résultats produits à Vienne que j’ai été invité par le Comité olympique tchèque. Ce fut une grande fierté pour moi de représenter l’Afrique parmi 19 lanceurs de poids. J’étais le plus petit par la taille et le moins lourd au poids bascule avec 116 kg. Dieu faisant bien les choses, j’ai pu me classer 3ème au lancer de poids.

Ce qui a beaucoup étonné les tchèques qui ont même fait un bouquin sur moi », se rappelle t-il, assurant au passage que ses succès s’expliquent surtout par une volonté inébranlable de toujours être plus performant. « Pour être un bon sportif, il faut accepter de souffrir, être discipliné et surtout accepter de mener une vie de sportif », martèle t-il à l’endroit des sportifs actuels qu’il invite à être plus préoccupés des résultats sportifs que des retombées matérielles.

Car lui-même s’est laissé aller sous les ordres d’un entraineur qui le faisait travailler couché, uniquement pour la fortification des jambes avec les poids de 200 -250 kg. Pour travailler les bras, on le faisait porter 100 kg assis sur le banc, et pour les pieds, l’on recourait au poids de 30 kg.

A côté de ses forces, les faiblesses de cet athlète hors pair étaient certainement à chercher ailleurs que sur un plan purement physique.

Ses connaisseurs diront qu’il supportait difficilement une défaite. C’est de là que vient alors sa plus grande déception. A Abidjan, se souvient-il, « au cours d’un meeting, en 1963, où je représentais le Mali, j’ai perdu la 1ère place pour un centimètre. J’en étais malade d’autant qu’à l’entraînement, j’avais dépassé mon record personnel de plus 5 centimètres ».

Un champion multidisciplinaire

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S’il est vrai qu’il a connu ses plus brillants résultats dans le lancer du poids, Mamadou Koné était aussi un lanceur de disque et de javelot. Il a été plusieurs fois recordman d’AOF et a même une fois battu le record d’Afrique en 1961.

C’est ce qui lui a valu d’être sélectionné pour aller en formation à l’Institut national des sports à Jean louis Le pont en France. Doté d’une force au démarrage et d’une redoutable pointe de vitesse, il était au départ du 4X100 m, malgré ses 116 kg.

Et pourtant, à son jeune âge, rien ne le prédestinait à l’athlétisme. Très porté à l’époque sur la race chevaline, il fut d’abord jockey quand son poids le permettait. C’est par la suite qu’il a joué à la Jeanne d’Arc avec des joueurs comme Baba Diawara, Gabriel Coulibaly qui fut son capitaine d’équipe, et son intime ami, feu Mamadou Coulibaly.

Mais, le football n’était pas sa vocation prononcée, il l’a d’ailleurs embrassé pour jouer contre son grand frère feu Mamadou Koné plus connu sous le surnom de Batlin et qui fut l’un des meilleurs attaquants que le Mali ait connu.

C’est ainsi qu’il se retrouvera boxeur du fait d’un désir et surtout de ses aptitudes affirmées. Boxeur, « Madou mulet » était intraitable et ses adversaires résistaient difficilement à la puissance de ses frappes.

Il fut champion d’AOF dans la catégorie des lourds, invaincu de 1953 à 1959. Il a commencé à boxer à Abidjan avec comme entraineur Brodou qui lui a permis d’être champion de la Côte d’Ivoire et honorer les couleurs de ce pays dans de nombreuses compétitions organisées au niveau de la sous région ouest africaine.

Dans ce pays voisin, il était devenu la terreur des boxeurs qui refusaient de le croiser. Il a remporté la plupart de ses combats avant la limite, surtout par KO.

Souleymane Diallo

16 Juin 2008