Dans la précipitation et contre toute attente, le CNSP a adopté son “acte fondamental” afin de faire face à “l’urgence de doter le pays d’organes de transition”. Le document a surpris plus d’un pour des raisons évidentes. La nature juridique, confuse, de ce document incite à la réflexion. Est-ce une constitution, l’appellation “acte fondamental” étant généralement réservée aux Constitutions? Si le texte adopté n’est pas une constitution, quelle peut bien être sa place dans la hiérarchie des normes ? S’il a une valeur juridique inférieure à celle de la Constitution, alors on peut douter de sa raison d’être.
En effet, le CNSP aurait simplement pu usiter les prérogatives exceptionnels prévues par la Constitution pour créer les organes de gestion des affaires publiques le temps que dure la transition. Il demeure, donc, difficile de déterminer la place de cet acte fondamental dans l’ordonnancement Juridique. Il ne peut faire doublon avec la Constitution malgré la rédaction ambiguë de l’article 41 de l’acte fondamental. En effet, le second alinéa de ce texte admet l’applicabilité des dispositions constitutionnelles non contraires à l’acte fondamental.
Cette juxtaposition de deux normes, à valeur Constitutionnelle, est irrationnelle. Supposons qu’il ait une portée égale à celle de la Constitution, puisqu’il s’applique “comme disposition Constitutionnelle” art. 41. Cela signifierait que le CNSP s’est substitué au constituant originaire, le peuple ou qu’il ait eu une révision déguisée. En pareilles circonstances les mesures prises sur la base de cet acte ont un fondement juridique douteux. Mais le caractère exceptionnel de la situation socio-politique semble constituer une excuse valable.
Toutefois, si une assemblée constituante n’est pas, incessamment, convoquée pour adopter la Constitution de la IV République, l’imbroglio juridique sera source d’insécurité. Par ailleurs, en fondant ses prérogatives sur le nouvel acte fondamental, le CNSP confirme le caractère” putschiste” de son intervention. Il ne peut en être autrement car l’existence de ce texte est incompatible avec celle d’une Constitution démocratiquement adoptée.
La rupture étant déjà consommée, il est désormais primordial de procéder aux ajustements nécessaires pour rétablir l’ordre constitutionnel. La première urgence demeure la mise en place d’un gouvernement de mission pour gérer les affaires courantes et prévoir un agenda pour les différentes élections. Il faut que le CNSP accepte d’y participer pour n’occuper que des ministères dédiés à la sécurité. Il ne peut, sans ambiguïté, décider de gérer la transition seul. Enfin, pour paraphraser certains, il faut maintenir les politiciens à l’écart de cette équipe restreinte de technocrates. Les partis politiques pourront participer aux élections à venir dans une brève échéance.
Dr Moussa Dougouné
Le Pélican du 03 Septembre 2020