Jeudi 28 décembre 2006, c’est aux environs de 19 h que nous sommes arrivés à Kadiolo, la Capitale du Folona, pour célébrer la Tabaski dans la famille. Surprise ! Au bout de la route poussiéreuse qui conduit à la ville à partir de la RN7, nous découvrons que la ville est plongée dans l’obscurité.
Un spectacle inhabituel depuis près de six ans parce que la ville est électrifiée à partir de la Côte d’Ivoire. « Nous sommes privés d’électricité depuis la nuit de mardi (26 décembre 2006) à mercredi », nous renseigne le conducteur de la camionnette à bord duquel nous avons bouclé notre marathon de 480 km.
Dans les familles, on a ressorti les vieilles lampes tempêtes, voire les bougies. De temps à autre, on attend le ronronnement d’un groupe électrogène dans une concession nantie. « Nous sommes dans le noir depuis deux jours », nous accueille notre vieille mère qui nous éclaire avec une torche à la lumière chancelante comme notre espoir de passer une agréable fête de Tabaski et de Saint Sylvestre.
Depuis cette coupure, les responsables de l’EDM et les autorités administratives ont certainement été avares en informations. Ce qui a donné libre cours à toutes sortes de rumeurs. Certains disent que c’est Laurent Gbabgo qui a décidé de priver le Mali de courant parce qu’il serait fâché avec notre pays.
Pour d’autres, EDM n’est pas seulement parvenue à tenir ses engagements à l’endroit de la Compagnie ivoirienne d’électricité. Mais, ces rumeurs sont tout de suite démenties par des voyageurs qui assurent que le courant est coupé à partir de Ferké, localité ivoirienne abritant une base importante de la rébellion ivoirienne. Nous apprenons aussi que des bourgades comme Niélé, Ouangolodougou et Pogo sont dans l’obscurité comme Zégoua et Kadiolo.
« Il y a une panne que nos collègues ivoiriens ne sont pas encore parvenus à découvrir. Mais, ils nous assurent qu’ils s’activent pour la reprise de l’approvisionnement correct en électricité des villes plongées dans l’ombre avant 10 h », témoigne un agent d’EDM que nous sommes finalement parvenus à coincer dans une famille alors qu’il procédait aux relevés. On était vendredi 29 décembre 2006, c’est-à-dire à la veille de la Tabaski.
A dix heures, toujours pas de courant. Comme d’ailleurs le reste de la journée. La population désespérait. « Nous allons fêter dans l’obscurité », s’inquiétait le propriétaire d’une alimentation. Une inquiétude facile à lire sur presque tous les visages. Il n’y a que ceux qui n’ont pas encore le privilège d’avoir l’électricité à domicile qui demeuraient insensibles à la situation.
Le froid et l’obscurité aidant, la ville s’est couchée très tôt. Ils sont donc rares les habitants qui ont assisté au miracle : A 23 h 30, la ville s’illumine comme dans un conte de fée. Le courant est enfin là ! « Ce matin, c’est au réveil que j’ai vu que l’ampoule de la cour était allumée », nous dit une vieille voisine heureuse du miracle. Beaucoup de Kadiolois ont sans doute eu la même surprise au réveil ce jour béni de Tabaski. De quoi donc rendre grâce à Allah.
De nombreux désagréments
Passée la joie de fêter dans la lumière, certaines corporations commencent à faire le décompte des pertes liées à cette longue coupure de courant. « C’est un jeudi noir (jour de la foire hebdomadaire) que nous avons connu. D’habitude, la foire de la veille des fêtes est une opportunité de bonnes affaires. Mais, ce ne fut pas le cas cette fois-ci à cause de la coupure de courant », nous dit une vendeuse de jus (gingembre, dabléni…) Elle a été obligée de ressortir du magasin son vieux frigot à pétrole pour réduire le manque à gagner. Tout comme des restaurateurs, des boutiquiers…
« J’ai une importante commande que je devais livrer ce vendredi. Et je comptais sur le reliquat de ce marché pour faire face aux dépenses de la fête. Hélas ! La coupure du courant en a décidé autrement. Je suis obligé de m’endetter auprès d’un ami pour que ma famille puisse célébrer l’Aïd el Kébir dignement », se plaint H. Koné, un métallurgiste.
Pour recharger les téléphones portables, les populations se rabattaient sur les propriétaires de groupes électrogènes. Ainsi, des endroits comme le Centre de santé de référence et la Radio Yeleen étaient pris d’assaut à longueur de journée. Et ils étaient nombreux ceux qui retournaient bredouilles à cause de l’affluence.
Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, certains commerçants ont fait de bonnes affaires à la faveur de cette coupure. « Depuis l’arrivée de l’électricité, je vendais en moyenne 5 litres de pétrole par jour. Mais, pendant cette panne, je n’ai pas vendu moins de 20 litres par jour », reconnaît un boutiquier au sourire aussi large que sa marge bénéficiaire. Les boutiquiers ont sans doute fait des bonnes recettes avec également la vente des piles.
Certes les fastes de la Tabaski ont fait de cette panne un mauvais souvenir pour les populations de Kadiolo et de Zégoua. N’empêche que nombreux Kadiolois souhaitent que leur ville soit dotée d’un groupe de relais pour parer à pareilles situations. Et comme le rappelle ce vieil enseignant, « un pays indépendant ne doit pas être totalement dépendant d’un voisin, surtout traversant une grave crise politique, en matière d’électricité ».
Moussa Bolly
(envoyé spécial)
09 janv 07