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Les Echos : Comment expliquez-vous le fait que la question des OGM soulève tant de controverses aujourd’hui au Mali, alors que les décideurs politiques n’ont même pas encore tranché ?

Ousmane Sy : La question des OGM est une question extrêmement importante pour l’avenir du pays. La question n’est pas de dire « on est pour, on est contre ». Mais, il s’agit de comprendre quel est le projet de société qu’il y a derrière les OGM, quels sont les enjeux pour le monde paysan. Et, dans 10, 15, 20 ans, ce que ça peut être pour nous de faire ce choix aujourd’hui. Je crois que ce sont des questions essentielles et il est important que les acteurs que sont les organisations paysannes, les élus locaux puissent tous discuter et comprendre bien ce qui se joue par rapport à l’avenir sur cette question d’OGM.
Car, l’un des grands problèmes auxquels on assiste depuis quelques années dans nos pays, c’est que les politiques publiques se décident, soit par un petit groupe d’experts, soit des bureaucrates qui décident de l’avenir du pays sans se soucier des acteurs concernés. Il faut que toutes les questions soient ouvertes, que tout le monde puisse se prononcer sur ces questions et que les décisions qui sont prises reflètent la diversité des positions. Ce qui me paraît extrêmement important pour l’avancée d’un pays démocratique.

Les Echos : Quelle est votre position sur les OGM ? Etes-vous pour leur introduction dans notre agriculture ?

O. S. : Je ne peux pas dire aujourd’hui que je suis pour ou contre les OGM. Ma position, en tant qu’agronome de formation et chercheur, est que le défi qui se pose à nous Africains, c’est de chercher à faire avancer les connaissances. Les OGM sont une possibilité aujourd’hui d’intervenir dans un débat mondial parce qu’on le veuille ou non la connaissance scientifique est en train d’avancer. Je crois que nous sommes obligés de rentrer dans ce débat de la connaissance scientifique. C’est pour cela que je comprends les chercheurs qui disent qu’il nous faut avoir notre part dans cette connaissance scientifique universelle parce que l’Afrique n’est pas isolée par des murs. Nous sommes en relation avec le monde, donc, nous sommes obligés d’intervenir et d’avoir une position dans un débat mondial. Il est bon que la recherche s’implique dans cette question, essaye de comprendre les enjeux. Maintenant, est-ce qu’on adopte ou pas les OGM, ça, c’est une autre question. C’est pour cela que ma position sur la question est oui pour aller dans le combat, la découverte de la connaissance pour pouvoir dialoguer avec le reste du monde sur la question. Ce sont les acteurs, principalement les producteurs, qui sont les mieux placés pour dire : on l’adopte ou on ne l’adopte pas.

Les Echos : Quelle peut-être la part de décision des politiques sur cette question ?

O. S. : En tant que politique, je pense que ce débat démocratique est utile. Parce que les politiques doivent décider en fonction de l’opinion des citoyens. La question n’est pas encore tranchée dans notre pays. Je crois que le gouvernement va ouvrir une réflexion là-dessus. Ces espaces pourront alimenter les réflexions des politiques pour dire à l’étape où nous sommes aujourd’hui, est-ce que nous acceptons l’introduction des OGM en milieu paysan, est-ce que le Mali y a intérêt, qu’est-ce que nous pouvons gagner aujourd’hui par rapport à ce que nous pouvons compromettre demain. Ce sont des questions sur lesquelles nos politiques doivent se prononcer après avoir écouter les avis des uns et des autres. Mais, la recherche, pour moi, doit pouvoir faire avancer la connaissance.

Propos recueillis par
Sidiki Y. Dembélé

07 février 2006.