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«Je souhaite que nous puissions tous œuvrer à dissiper les soupçons et les malentendus…et se donner la main pour consolider le parti»

Il y a belle lurette qu’on n’avait pas vu s’exprimer Oumar Ibrahima Touré. Depuis le deuxième congrès ordinaire de son parti, tenu en avril 2008, l’homme est resté réservé, évitant soigneusement les médias dès que la question risquait de porter préjudice à l’unité et à la cohésion de l’Urd. Comme si s’exprimer était en fait interdit. Que nenni ! Cet homme, à la silhouette imposante, la démarche rassurante, se devait d’abord d’ausculter le ciel et de consulter le temps avant de s’aventurer sur le terrain de la parole sur des sujets qui fâchent parfois. Surtout qu’après son dernier congrès, l’atmosphère au sein du parti de la poignée de main était devenue si délétère que les uns et les autres se regardaient presque en chiens de faïence.

Pas de guéguerre, mais une très grande méfiance, une tonne de suspicions quant à l’engagement ou le non engagement des uns et des autres dans la défense et la sauvegarde des intérêts du parti. Devant donc le fossé des incompréhensions qui s’agrandissait au jour le jour, il était hasardeux, pour les uns et les autres, de se prononcer sur les difficultés internes du parti afin de ne pas paraître comme des fossoyeurs.

D’où, certainement, le silence observé, jusque-là, par Oumar Ibrahima Touré. Surtout que la suspension de trois mois qu’il a écopé, en septembre – décembre 2008, n’a pas été pour faciliter cette sortie de crise qui tire ses racines principalement du deuxième congrès ordinaire des 26 et 27 avril 2008.

Beaucoup d’eau ayant maintenant coulé sous le pont, le temps était certainement venu briser la glace des malentendus qui s’étaient, petit à petit, incrustés dans les relations, jadis fraternelles, entre Soumaïla Cissé et Oumar Ibrahima Touré, les deux principaux piliers du parti de la poignée de main.

En effet, c’est Diré, la capitale du blé, qui allait être témoin de cette incroyable rencontre entre ces deux hommes, qu’on disait tellement en froid qu’ils auraient même oublié de se féliciter à l’occasion du nouvel an 2010. Leurs relations étaient quasi gérées par la rumeur qui, en pareilles occasions est, comme on le sait, très forte dans la désinformation et l’intoxication.

Toutefois une certitude : les deux hommes ne se voyaient presque plus et ne s’appelaient que très rarement. C’est donc dans un amas d’incompréhension, de suspicion que pataugeaient les relations entre Soumaïla Cissé et Oumar Ibrahima Touré.

A quelques encablures donc de la conférence nationale du parti de la poignée de main – prévue pour avril prochain – il fallait, pour l’Urd, sauver les meubles afin que le parti arrive rassemblé à ses assises.

Le coup de fil conciliateur

Cette situation, qui ne saurait durer sans compromettre les chances de victoire de l’Urd, avait fini par lasser ceux-là mêmes qui, pourtant, y trouvaient leur part du gâteau. Après donc les rencontres ratées de Sikasso et de Ségou, où les deux hommes s’étaient vus sans réellement s’entretenir, le rendez-vous de Diré était presque le dernier espoir dans cette voie vers la vraie réconciliation avant la conférence nationale.

Les observateurs ne s’étaient donc point trompés quand, au petit matin du samedi 20 mars courant, Oumar Ibrahima Touré, tout de blanc vêtu, sortit du domicile paternel pour saluer la foule des griots et des musiciens qui étaient déjà là – comme s’ils y avaient passé la nuit- dans l’attente de Soumaïla Cissé, en partance pour Diré pour participer à la 5ème conférence régionale de l’Urd.

Mais comme le dit l’adage, l’homme propose, Dieu dispose : pour cause de mauvais temps à Tombouctou, l’avion d’Air Mali qui devait amener Soumaïla Cissé dans la cité des 333 Saints est resté cloué au sol à Mopti. En effet, la veille, le mentor de l’Urd, pour ne pas rater l’événement avait rallié la Venise malienne par route, venant de Ouagadougou, dans le but de prendre Air Mali en escale dans cette ville.

C’est donc au moment où il scrutait le ciel à Mopti, dans l’attente du verdict du temps, qu’il reçut, depuis Goundam, un coup de fil inattendu : celui de Oumar Ibrahima Touré, son frangin. Sans hésitation, Soumaïla Cissé décroche. Et voici, en une fraction de seconde, le fil du dialogue est rétabli entre les deux hommes.

Ils parlèrent certainement de la météo, qui demeurait toujours capricieuse, compromettant ainsi le vol d’Air Mali sur la cité des 333 Saints où, Soumaïla Cissé devait également saluer la mémoire des personnes décédées dans la nuit du Maouloud 2010. Au cours de leur conversation, Oumar Ibrahima Touré a dû lui parler également des différentes manifestations organisées à Goundam, par lui-même, et à Diré, à l’occasion de son arrivée dans ces deux localités.

En effet, c’est toute la ville de Goundam qui s’était mobilisée devant le domicile familial de Oumar Ibrahima Touré, secrétaire général de la section, pour accueillir l’enfant de Niafunké. Les griots, qui rivalisaient de louanges en la gloire de leur tuteur, avaient planté, dès la veille, le décor de cette réconciliation si attendue entre Soumaïla Cissé et son frangin Oumar Ibrahima Touré.

A travers les chants du terroir, ils avaient dit tout haut ce que tout le monde pensait tout bas : ces deux hommes sont des frères et rien se saurait les opposer, que les colporteurs de mensonge se choisissent d’autres métiers, car cette situation de « ni paix ni guerre » n’arrange que les ennemis de l’Urd et les courtisans de tout poil qui y trouvent leur pain quotidien, en attisant continuellement le feu de la haine.

Le retour à une situation de franche collaboration et d’entente parfaite entre ces deux barons de l’Urd signifiant, pour certains faucons de l’entourage des deux personnalités, la disette, le sevrage au petit-lait, voire le chômage. Cela au détriment bien évidemment de la cohésion et de l’entente au sein de l’Urd.

Le sms du soulagement

N’ayant donc pu faire le déplacement de Mopti à Diré, via Tombouctou et Goundam, Soumaïla Cissé, depuis son hôtel, envoie un message sms à Oumar Ibrahima Touré au moment même, où celui-ci venait de procéder à l’ouverture solennelle des travaux de cette 5ème conférence régionale. A la lecture de ce texto, la salle s’embrasa, les militants étaient aux anges : la paix et la réconciliation venaient d’être scellées entre les deux hommes.

Sans intermédiaire aucun. Seulement un coup de fil plus un message SMS reçu en pleine conférence. Voilà que dans la salle toutes les inquiétudes s’étaient dissipées et les visages s’illuminèrent. La tension tomba et revint à la normale. Et pour cause : Soumaïla et Oumar se sont parlés, ne cessaient de chuchoter certains militants dans cette salle de l’IFM de Diré, désormais témoin privilégié de cette scène quasi surréaliste.

Même si le contenu du sms était que le vol d’Air Mali venait d’être annulé et que lui Soumaïla Cissé allait devoir reprendre la route pour retourner à Ouagadougou, les participants l’ont accueilli dans l’allégresse, dans la joie, dans la délivrance.

Car, venait d’être brisée le mur de glace qui se dressait insidieusement entre les deux hommes que tout devait, en principe, rapprocher. Car, pour qui connaît l’histoire de ce parti, né un premier juin 2003, Soumaïla = Oumar ; Oumar = Soumaïla.

L’abcès ainsi crevé, l’atmosphère ainsi décantée, les délégués pouvaient maintenant s’adonner tranquillement aux travaux proprement dits de la conférence. Et quant à Oumar Ibrahima Touré, il pouvait maintenant diriger les travaux sans s’attirer, dans le dos et même dans le regard, les foudres d’une frange des participants dont le souhait était, avant le texto libérateur, de le voir vouer aux gémonies. C’était là l’acte premier de cette journée mémorable qui a failli être gâchée, dans un premier temps, par l’absence de Soumaïla Cissé.

Le second acte a trait au contenu du message de Soumaïla Cissé aux délégués et à l’intervention de Oumar Ibrahima Touré à la conférence. Comme si ces deux personnalités s’étaient auparavant concertées, leurs messages avaient plusieurs points communs, allant dans le sens de la dissipation des malentendus et du respect des uns et des autres dans un parti rassemblé.

Dans son adresse à la conférence, Soumaïla Cissé commence d’abord par planter le décor de la réconciliation au sein du parti de la fraternité, en disant : « Nous sommes les mêmes et réglons nos difficultés comme dans une famille. Nous sommes une famille ; et dans cette famille chacun doit avoir sa place et chacun a droit au respect des autres… ». Et à la salle d’exploser de joie dans un tonnerre d’applaudissements.

Dans son intervention, prononcée d’un ton ferme et déterminé comme à l’accoutumée, Oumar Ibrahima Touré va d’abord rendre un vibrant hommage à son « cher frère » Soumaïla Cissé pour sa « grande disponibilité à l’égard de (leur) vision commune ». Ensuite, il allait faire un bref rappel historique de la construction de l’Urd, à travers ces propos : « De manière inlassable, nous avons toujours répondu présents à l’appel du parti.

Abandonnant nos occupations quotidiennes, nous faisons du porte-à-porte pour mobiliser en faveur de notre parti. Nous sillonnons les quartiers, les villages, les villes pour porter les messages du parti…mus que par les idéaux du parti, nous rêvons de voir l’Urd briller de mille feux dans le ciel malien. Et nous sommes pleinement et entièrement convaincus que seuls nos efforts communs et quotidiens permettront la réalisation totale de notre rêve ».

Miser sur la sincérité des acteurs

Quand le deuxième vice-président de l’Urd égrenait ces paroles, la salle s’était mise sur ses gardes. On y entendait une mouche voler. Car, la rumeur avait prédit que Oumar Ibrahima Touré allait tenir un discours musclé, offensif, voire agressif. Erreur. Et le deuxième vice-président de l’Urd de poursuivre : «L’Urd, notre parti, doit être un parti de militants respectueux les uns des autres, qui se complètent, qui se donnent la main et qui avancent dans la même direction, dans une vision républicaine et démocratique. C’est vous dire qu’étant fortement unis, nous pouvons servir efficacement le Mali. Cependant, dans la division, nous ne servirons que nos propres ambitions».

Avant de conclure, en disant que « le parcours du parti aux côtés du Président de la République SEM. Amadou Toumani Touré, de 2002 à nos jours, est un soutien sans ombrages à la politique définie par lui …A cet effet, l’Urd se doit d’agir et de soutenir fortement le gouvernement pour une meilleure santé des Maliennes et des Maliens, une meilleure instruction de nos enfants, une meilleure gouvernance… ».

Poursuivant dans le même registre, Soumaïla Cissé, dira dans son message lu par l’ancien ministre Ousmane Oumarou Sidibé, secrétaire politique de l’Urd : « Notre force, c’est notre engagement, c’est notre foi, c’est notre unité. Cette unité, on nous l’envie parce que nous avons bâti notre parti autour de la « main tendue ». C’est pourquoi, je dis que rien ne doit nous divertir, rien ne doit nous diviser…

C’est pourquoi je me réjouis particulièrement du rôle que joue notre parti auprès des autres partis et mouvements de la majorité présidentielle, dans le soutien à l’action du Président de la République et du gouvernement ; action à laquelle contribuent avec efficacité les ministres Abdoul Wahab Berthé, Oumar Ibrahima Touré et Salikou Sanogo ». Voilà ce qui est clairement dit.

Dans son intervention à la clôture des travaux, Oumar Ibrahima Touré dira que cette conférence a été un franc succès. Et il a invité les structures de l’Urd, à Diré, Goundam et à Gourma-Rharouss, à faire de la place aux nouveaux adhérents venus majoritairement de l’Adema, du groupe des indépendants.

Car, comme le soutenait Soumaïla Cissé dans son message : « …A l’Urd, il n’y a pas de nouveaux et d’anciens militants, il n’y a pas de petits et de grands militants, il n’y a pas de militants de première classe et ceux de troisième classe ».

L’histoire retiendra que Diré aura servi de terreau au processus de réconciliation entre Soumaïla Cissé et Oumar Ibrahima Touré. Maintenant, il s’agira de voir si le processus enclenché aboutira à la vraie réconciliation entre les deux frères. Ou bien s’il sera stoppé dans sa marche dynamique vers cette réconciliation des cœurs et des esprits ? Et cela par défaut de sincérité des acteurs ? Une fois de plus, seul le temps édifiera.

Mamadou FOFANA

Envoyé spécial

à Diré, Goundam et Tombouctou

29 Mars 2010.