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Avec près de 135 conseillers municipaux sur l’ensemble du territoire national, le Parti pour la solidarité et le progrès (PSP) créé en février 1946 par Fily Dabo Sissoko et dirigé aujourd’hui par Oumar Hamadoun Dicko a fait du chemin. Préférant l’action au discours, le président du PSP qui souhaite que la vie du parti ne s’arrête à lui, parle dans l’interview qui suit de la réconciliation PSP/US-RDA, du congrès du parti, de sa succession, du projet de réforme constitutionnelle… Le cinquantenaire dont il préside la commission nationale d’organisation n’a pas été non plus occulté. Interview.

Les Echos : Comment se porte le PSP aujourd’hui ?

Oumar Hamadoun Dicko : Le PSP se sent bien. Je pense que nous sommes une formation politique tout à fait originale puisque nous sommes un vieux parti dirigé par de jeunes leaders. Depuis 1982, nous avons su renouveler la classe politique à l’interne. Je pense que nous avons fait une évolution significative. Nous avons maintenu le flambeau. Le flambeau de notre père fondateur (Fily Dabo Sissoko) qui était en son temps un homme majeur de la scène politique du Soudan. Premier député du Soudan, il était en même temps un homme visionnaire qui était en avance sur son temps. Malheureusement, les dérives politiques ont fait que Fily Dabo et ses compagnons ont été assassinés dans le désert malien.

Le parti s’est réveillé en 1992 avec des hauts et des bas. Nous avons réussi aujourd’hui à maintenir le cap. Malgré, la faiblesse de nos moyens, nous avons deux députés à l’Assemblée nationale. Aux derrières élections, le PSP a engrangé le maximum de conseillers municipaux. Aujourd’hui, nous sommes à près de 135 conseillers municipaux sur l’ensemble du territoire dont 5 maires et une représentation très forte au niveau de l’Assemblée régionale de Mopti.

Nous nous sommes diversifiés également électoralement en occupant tout l’espace politique malien de Kidal à Kayes. Nous avons 6 conseillers municipaux à Kidal, ce qui ne s’était jamais vu depuis 1992.
Donc, il y a une avancée significative en termes d’occupation de l’espace politique. Disons que nous nous ne faisons pas beaucoup de bruits comme beaucoup de formations politiques. Mais comme vous le savez, le président est un homme engagé, un homme de terrain. Je préfère l’action au discours.

Les Echos : Comment voyez-vous la réconciliation entre le PSP et l’US-RDA dont les bases ont été jetées par la présidence de la République ?

O. H. D.: Je pense que le cinquantenaire nous a donné une opportunité historique extraordinaire puisque nous-mêmes, nous avons souhaité, le président de la République l’a souhaité, placer le cinquantenaire sous le signe de la réconciliation nationale. Et en tant que président de la commission du cinquantenaire, je me devais de mettre en œuvre cet état d’esprit, cette volonté politique. De ce fait, il fallait qu’on commence par nous-mêmes, par le PSP.

Comme vous le savez, nous avons été longuement frustrés pour tous les événements politiques que vous connaissez et qui ont jalonné l’histoire du PSP et du RDA. Il fallait qu’on passe nécessairement par cette réconciliation et qu’on montre l’exemple.

Il ne s’agit pas d’ignorer le passé, de l’effacer, il s’agit de se pardonner, de tourner la page et de réécrire de nouvelles pages pour l’Histoire de notre pays parce qu’il y a quelque chose de commun pour nous tous : c’est le Mali.
J’ai coutume de dire que 50 ans après dans ce pays aujourd’hui, chacun de nous (PSP, RDA, les autres), chacun a eu sa part de frustrations et qu’il fallait justement dans un élan commun surmonter ses frustrations et penser à l’avenir, penser au Mali.

Je donne souvent un exemple, mon fils, il s’appelle Hamadoun Dicko (il a 14 ans aujourd’hui), ma famille est contiguë à celle de Barema Bocoum, un des ténors du RDA et son petit-fils s’appelle Barema Bocoum, ces deux enfants qui ont tous les deux 14 ans sont des copains de classe. Ils jouent ensemble les week-ends. Et vous voulez qu’on transmette à ces enfants la haine de leurs parents ou de leurs grands-parents. Ils n’en savent rien du tout.

A la réunion avec nos amis de l’US-RDA, nous leur avons dit qu’il est temps d’enterrer la hache de guerre. C’est en transmettant le flambeau de nos valeurs fondatrices qui sont communes à nos enfants qu’on aura réussi le combat pour l’indépendance, le combat pour la liberté, le combat pour le développement. J’y tiens personnellement et je tiens à remercier le bureau actuel de l’US-RDA pour son ouverture d’esprit. On leur a tendu la main, ils l’ont bien tenue.

Je pense que le président de la République en son temps a apprécié ce geste hautement politique.

Nous avons souhaité donner l’exemple et nous voulons que les autres le suivent. Qu’il y ait une réconciliation entre toutes ces formations politiques qui ont eu maille à partir de 1992 à aujourd’hui et qu’on arrive enfin à la formation de grands ensembles viables qui sont structurés autour d’idées, de valeurs et que ce soit désormais un combat d’idées pour le Mali et non un combat d’hommes pour des prébendes contre le Mali.

Les Echos : Que signifie véritablement cette réconciliation ?

O. H. D. : Elle signifie tout simplement que tout est possible. C’est un processus, mais il fallait ouvrir la porte avec des conditions, un programme bien précis et avec des séquences. Il s’agit aujourd’hui de créer des conditions psychologiques pour que tout soit possible. Puisque nous sommes d’accord sur le principe, maintenant le reste se négocie.

Les Echos : En mi-2011, le PSP ira à son congrès. Peut-on savoir d’ores et déjà les questions qui y seront débattues. Allez-vous céder le fauteuil ?

O. H. D. : Vous allez vite en besogne. Chaque chose en son temps. Vous savez 2012, c’est demain, mais on a encore du temps aussi. Le congrès de 2012 débattra certainement des grandes orientations.

Les Echos : Est-il dans l’ordre des choses que vous cédiez le fauteuil à quelqu’un d’autre ?
O. H. D. : Je ne m’accroche pas au fauteuil. Je n’ai aucun problème à ce niveau. C’est tout simplement une volonté des militants. Je ne suis pas le seul, il y a d’autres potentialités, d’autres ambitions qui sont légitimes. Je ne m’accroche pas à mon fauteuil, car ce n’est pas ma propriété privée. J’estime que j’ai fait ma part. La vie est ainsi faite, c’est un passage de flambeau et il faut savoir passer le flambeau au moment opportun. Il ne faut pas que la vie du PSP s’arrête à moi. Il se pourrait également que le PSP soit dans une autre formation, qu’il a une autre appellation, cela est une alternative qu’il faut prévoir. Le débat est ouvert là-dessus.

Les Echos : Le parti présentera-t-il un candidat à la présidentielle de 2012 ?

O. H. D. : On verra bien en son temps. Ce sont les militants qui vont décider. 2011 déjà sera une année d’alliances, de défections, de conclusions d’accords. Ce sera une année politique mouvementée à partir de laquelle 2012 va se dessiner. Nous sommes dans une série de contacts avec les formations politique tous azimuts.

Les Echos : Est-ce à dire que le PSP va se fondre dans un parti politique ?

O. H. D. : Il pourrait bien comme il pourrait ne pas le faire. Tout dépendra des accords qui pourront être conclus. Vous savez, toutes les formations politiques à un moment donné sont vouées à changer d’étiquette. Ce qui est tout à fait normal. On ne va pas rester indéfiniment PSP. Je pense que 50 ans après, nous avons fait l’essentiel.

Les Echos : Votre parti a-t-il planché sur la question de la réforme constitutionnelle ? A votre avis, cette réforme est-elle opportune ?

O. H. D. : Elle est tout à fait opportune. Sur la question, nous nous sommes penchés au sein du parti, au sein de notre regroupement à l’Assemblée nationale et au sein du CMDID. Il y a eu plusieurs niveaux d’appréciation et nous pensons qu’elle est opportune parce qu’à un moment donné, il faut faire le point de la situation (nos forces et faiblesses) et trouver des solutions. C’est une opportunité historique qui est nécessaire et utile.

Les Echos : Dans le cadre de la réforme, quelles sont les grandes questions qui vous tiennent particulièrement à cœur ?

O. H. D. : Je pense que la réforme du Sénat est un point important. Il nous faut une deuxième chambre qui puisse permettre une large ouverture sur les questions extrêmement sensibles du pays. Il faut également réformer toute la formule électorale. Celle qui existe aujourd’hui comporte beaucoup de hiatus. Toutes les questions qui sont liées à la fraude, à la migration politique, les distributions systématiquement de thé, de pagne, l’achat de conscience méritent d’être examinées.

Les Echos : A qui vous attribuez cet état de fait ?

O. H. D. : Je pense qu’on a laissé faire un peu trop longtemps. Depuis 1992, le système ne s’est pas amélioré. Je pense que c’est un peu le laxisme. C’est dans la pratique qu’on se rend compte des faiblesses, mais je pense qu’après une vingtaine d’années de pratique, on peut bien corriger ces faiblesses qui sont visibles à l’œil nu.

Les Echos : Quel bilan tirez-vous de l’organisation du cinquantenaire du Mali ?

O. H. D. : Je remercie le président de la République pour n’avoir fait confiance. C’était un énorme défi à relever. Il a fallu un accompagnement. Il y a le staff de la commission, les ministères (18), un certain nombre de personnes ressources qui travaillaient au quotidien avec nous. Je pense que le Mali a innové parce que nous sommes l’un des rares pays où nous avons fêté toute l’année.
De janvier à maintenant et ça continue jusqu’en fin décembre. Et tout le mois de janvier sera le mois du cinquantenaire de l’armée du Mali. J’ai eu un accompagnement citoyen extraordinaire. Les citoyens se sont appropriés le cinquantenaire du Mali. Je reçois par jour entre 30 et 40 demandes d’activités à sponsoriser, à accompagner. Sur le territoire national, il y a eu un mouvement d’ensemble, d’appropriation de l’année du cinquantenaire. Et cela c’est ma plus grande satisfaction.
De plus, il y a eu des activités phares. Logo-Sabouciré, Kouroukanfouga constituent des moments importants de notre Histoire. Les défilés militaires et civils avec le tout contenu original.

Les Echos : Qu’est-ce qui n’a pas marché selon vous ?

O. H. D. : Il y a beaucoup de petits couacs. Nous avons eu beaucoup de problèmes à Logo-Sabouciré parce qu’il y a plu la veille. Donc, toutes les tribunes étaient à terre le matin… Nous avions aussi de craintes pour le défilé civil parce qu’il y a eu beaucoup d’indiscipline. Vous savez les civils par définition sont très indisciplinés et nous avons eu énormément de problèmes financiers qui tombaient au compte-goutte. Tout compte fait, tout s’est très bien passé. C’est comme un match de football, c’est le résultat qui compte.

Les Echos : Les manifestations du cinquantenaire se poursuivront jusqu’en décembre, peut-on savoir les autres activités au programme ?

O. H. D. : Je m’apprête à aller à Mopti pour superviser les activités du grand prix de la nation : la course de pirogue qui aura lieu à Mopti le 30 octobre. Ça va être un moment phare des activités du cinquantenaire parce que tous les piroguiers vont s’y retrouver. Nous sommes dans les phases de présélection.

Du 19 au 29 décembre 2010, il y aura la Biennale artistique et culturelle à Sikasso. Cette année, ce sera une Biennale spéciale qui se fera dans le cadre du cinquantenaire. Nous allons finir l’année avec ce qu’on appelle la journée des tout-petits de 5 à 15 ans qui, à la Cité des enfants vont retracer dans une fresque originale l’Histoire du Mali depuis les années 60 jusqu’à ce jour. Ils vont finir cette fresque par ce qu’on appelle le passage du flambeau. Les enfants du cinquantenaire vont passer le flambeau à 50 jeunes. La boucle sera bouclée par un spectacle le 31.

Les Echos : A combien se chiffre le budget du cinquantenaire ?

O. H. D. : Le budget total du cinquantenaire est de l’ordre de 6 milliards de F CFA. Le budget d’investissement fait plus de 4 milliards. Les investissements sont le jardin du cinquantenaire, le monument du cinquantenaire, les voies bitumées, les aménagements… Vous savez le défilé militaire, le défilé civil et toutes les autres activités connexes. Le budget même de la commission fait 226 millions de F CFA.

Les Echos : D’aucuns ont trouvé budgétivore le cinquantenaire, partagez-vous une telle idée ?

O. H. D. : J’ai vu dans la presse 50 milliards, 80 milliards, etc. Comme vous l’avez vu cette année a été une année de projets de développement. Cela n’a pas empêché les autorités de poser les premières pierres, d’inaugurer une série d’activités diverses dans tous les secteurs. Ça n’a pas empêché le gouvernement de travailler. Je pense que quand on relativise les choses, un budget de 6 milliards n’est pas exagéré. Voyez au tour de nous, il y a des pays qui ont utilisé le budget de 100 milliards.

On n’entend pas parler de leur cinquantenaire.
Pourtant, nous avec 6 milliards, nous avons fait le maximum. Nous en sommes fiers parce que nous avons fait beaucoup avec peu d’argent. Et nous avons donné une très bonne visibilité au quotidien du cinquantenaire.

C’était ça la feuille de route et cet objectif est atteint. On avait trois objectifs : faire connaître le Mali aux Maliens, faire connaître le Mali à l’extérieur et faire connaître également l’extérieur au Mali. Notre mission était extrêmement complexe au départ parce qu’il a fallu trouver les voies et moyens pour se frayer un chemin et donner des résultats. Sous l’égide du cinquantenaire, nous en sommes à 190 problèmes. Le cinquantenaire n’a pas été budgétivore.

Les Echos : Allez-vous faire un bilan ?

.O. H. D : Bien sûr ! Nous sommes en train de faire en ce moment un rapport financier provisoire et nous allons faire un rapport financier définitif. Nous avons intérêt puisque de toutes les façons, la commission va être auditée. Ce qui est tout à fait normal. Dans ce pays, c’est la suspicion constante, nous souhaitons être audités. Avant de dire qu’on a bouffé les sous, nous-mêmes, nous allons clarifier les débats financiers.

Les Echos : A quand la fin de votre mandat ?

O. H. D. : Lorsqu’on va déposer notre rapport définitif à la fin du mois de janvier. Nous n’avons pas de fin officielle de mandat, mais si la mission pour laquelle nous avons été investis prend fin, nous devons penser à autre chose.

Propos recueillis par

Mohamed Daou

27 Octobre 2010.