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Mais la culture est une chose essentielle dans la vie d’un peuple, et les radios locales ont pour vocation de parler la langue du peuple, au sens propre, c’est-à-dire les différents parlers qui ont cours dans les régions, au fin fond des terroirs.

Cela n’est pas du luxe, mais une oeuvre culturelle éminente, quand ont sait que, selon les linguistes, 25 langues disparaissent chaque année. Il s’agit là d’un appauvrissement insensé auquel les radios locales peuvent porter remède.

Nouvelles nationales et langues nationales

Les informations en langue nationale peuvent évidemment ne pas véhiculer de nouvelles nationales, encore moins locales. C’est le cas par exemple des journaux en arabe et en haoussa de la BBC, de la Voix de l’Amérique ou de la Deutsche Welle… Ces grandes chaînes ont vingt à trente services en langues étrangères.

Mais, comme ou le sait, elles ont pour mission la diffusion des nouvelles internationales, d’ordre stratégique, pour influencer l’opinion publique des pays visés.

En jetant un coup d’oeil sur le statut de ces radios, on s’aperçoit qu’elles relèvent du ministère des Affaires Etrangères (cas de Radio France internationale, ex-Radio des colonies) ou d’un service dépendant de la Police ou de l’Armée.

C’est ce même usage des langues nationales que faisaient les radios nationales quand elles avaient le monopole des ondes.

En effet, elles privilégiaient la diffusion des informations favorables au parti (souvent unique) et au gouvernement. Ce n’est pas d’un tel usage des langues nationales que les peuples ont besoin.

Et d’ailleurs si l’on n’y prend garde, on risque d’assister à la disparition des dialectes, remplacés de surcroît par un parler squelettique.

L’académicien français Erik Orsenna plaignait ainsi, au cours d’un débat télévisé, cet anglais étique de 600 mots qui avait remplacé la langue de Shakespeare à travers le monde.

Déficit de langues nationales

On peut également déplorer le monopole du bamanan sur les radios privées au détriment du bélédougou-kartakandu khassonké, du maninkakan, du kakolokan, du dafing, etc. dans les localités où ces dialectes ont largement cours, comme à Kayes, Diéma, Nioro, Kolokani ou Kati.

Et il ne s’agit là que des langues du groupe malinké. Le soninké, le peul et le hassania (maure), plus importants que le bambara, sont relégués au second plan.

Ce problème, identifié en Première Région, n’existe-t-il pas dans le reste du pays? Dans tous les cas, il y a lieu de corriger cette situation aberrante au plan culturel.

Il paraît qu’en la matière, l’UDPM avait prôné plutôt la politique du non-interventionniste de l’Etat, ce qui favorise le bambara.

Il ne s’agissait pas alors de radios mais de la langue de communication au cours des réunions du parti dans les zones multilingues.

La Radio rurale de Kayes (créée en 1988) avait réparti équitablement le temps entre le soninké, le peul et le bambara, en oubliant les Maures.

Ceux-ci ont pris leur mal en patience et quand, avec la libéralisation totale des ondes, il y a eu trois radios privées à Kayes, ils ont exprimé leur mécontentement et réclamé une place pour la langue, la musique et la culture hassania, ce qui fut fait, à la grande joie des Kayésiens.

A Bamako, Radio Patriote, qui porte bien son nom, vient d’introduire un programme maure, qui a une forte audience. Mais comme pour le peul, le soninké et le maninkakan, une émission hebdomadaire, c’est très peu.

Dans la capitale, il serait plus juste que chaque radio partage équitablement (c’est-à-dire proportionnellement aux représentants de l’ethnie au plan national) entre les différentes langues du pays.

C’est bien de réaliser à Bamako des émissions en soussou (langue de la Guinée) et en moré (la langue des Mossi) mais pas avant d’en avoir fait pour le bozo, le tamasheq ou le dafing. Ça tombe sous les sens, non?

Ibrahima KOÏTA

15 décembre 2005.