En attendant de prendre une position définitive, le
combat idéologique va bon train. D’une part, nous
avons ceux qui sont pour l’introduction des OGM dans
notre pays.
Ils estiment qu’ils seraient une solution
pour lutter contre la faim et un facteur de réduction
de la pauvreté. D’autre part, nous avons les anti-OGM
qui pensent le contraire.
Pourquoi les organisations paysannes du Mali et
généralement de l’Afrique ont-elles des inquiétudes
par rapport aux OGM ?
Un OGM (Organisme Génétiquement Modifié) est un être
vivant (animal ou végétal) dans lequel l’homme a
volontairement introduit du matériel génétique (gène)
provenant souvent d’autres espèces.
QUELLE EST LA POSITION DE LA COALITION POUR LA
PROTECTION DU PATRIMOINE GENETIQUE AFRICAIN ?
Le génie génétique est l’introduction d’un gène
spécifique dans l’ADN pour lui donner un caractère
désiré. Le gène introduit peut venir non seulement
d’une autre espèce végétale, mais aussi d’autres
organismes.
Depuis des millénaires, la biodiversité africaine
constitue un don de la nature, ainsi qu’un résultat du
travail des agriculteurs (y compris pêcheurs, éleveurs
et chasseurs) et des communautés locales africaines,
et est conservée ou améliorée par ces mêmes
communautés.
Depuis la nuit des temps, les communautés
locales ou autochtones, les agriculteurs, et surtout
les femmes ont joué un rôle important pour la
conservation du patrimoine génétique agricole.
De ce
fait, il est nécessaire de reconnaître aux communautés
locales, leurs droits collectifs et inaliénables
vis-à-vis de ce patrimoine génétique qu’elles ont
modelé en fonction de leur diversité culturelle.
Dans la plupart des pays africains, la diversité
biologique agricole est constituée à la fois des
ressources alimentaires, culturelles, religieuses, et
de ce fait, elle ne peut pas être considérée comme
uniquement des marchandises, pouvant être achetées,
vendues ou manipulées sans précaution.
Les politiques
néolibérales actuellement en cours d’élaboration ou
d’application dans les pays africains, avec les
accords de partenariat économique, ainsi que les
directives de l’Organisation Mondiale du Commerce et
du Fonds Monétaire International, conduisent à des
inégalités sociales qui détruisent la diversité
biologique agricole, alimentaire, culturelle et
religieuse, ainsi que les devoirs et droits souverains
des Etats à protéger leurs propres citoyens.
L’exploitation de la diversité biologique agricole
devrait faire l’objet d’un accord préalable donné en
connaissence de cause par les communautés locales et
l’Etat du pays d’origine des ressources génétiques, et
des dispositions législatives adéquates devraient
réglementer l’accès à ces ressources.
L’application
des droits de propriété intellectuelle sur les
semences, et l’introduction du génie génétique dans
l’agriculture et dans l’alimentation bafouent la
souveraineté alimentaire et le contrôle social des
communautés locales sur leurs productions agricoles.
Les OGM, produits du génie génétique, sont associés à
plusieurs risques pour la biodiversitié agricole, avec
la contamination génétique, la perte de certaines
variétés, la destruction d’insectes utiles à
l’agriculture, l’appropriation du vivant, etc.
Avec
les OGM, les agriculteurs africains seront dépendants
des multinationales de l’extérieur pour l’alimentation
et l’agriculture. Les peuples africains disposent
naturellement de ressources génétiques agricoles
suffisantes pour assurer leur sécurité et leur
souverainété alimentaire aujourd’hui et demain.
De
plus, le vivant est sacré en Afrique, et presque
toutes les croyances traditionnelles font appel à des
animaux ou des plantes.
De ce fait, aucune religion
africaine, ainsi que l’Islam et le Christianisme ne
permet la manipulation du gène, associée à la
suppression de la barrière entre les espèces.
Pour toutes ces raisons, nous soutenons les droits
collectifs des communautés locales et des agriculteurs
sur le patrimoine génétique africain, rejetons le
génie génétique dans l’alimentation et l’agriculture,
et demandons aux gouvernements africains de tout
mettre en oeuvre pour refuser les OGM.
Nous
réaffirmons que les paysans africains doivent avoir le
contrôle social sur les éléments constitutifs de la
diversité biologique agricole de leurs terroirs qu’ils
ont de tout temps conservés, exploités, ou échangés
entre eux.
Nous soutenons que les us et coutumes
africaines ont toujours permis aux populations de
vivre en harmonie avec la diversité biologique
évoluant dans son environnement naturel. De ce fait,
nous devrions tout mettre en oeuvre, à tous les
niveaux, pour valoriser les variétés traditionnelles,
et laisser aux générations futures des ressources
biologiques agricoles ayant évolué dans leur milieu
naturel.
Dans l’intérêt des petits agriculteurs, nous
soutenons toute recherche scientifique qui valorise
les pratiques culturales traditonnelles des sociétés
agro-sylvo-pastorales, dans l’exploitation de la
diversité biologique comme alternatives aux OGM.
Les
organisations paysannes africaines doivent prendre
leurs responsabilités devant l’histoire, en
s’informant et en rejetant clairement les OGM, dans
l’intérêt des générations futures.
Nous demandons à chaque Etat de légiférer pour la
protection des ressources génétiques africaines :
• en domestiquant la loi modèle de l’OUA
(actuellement UA) relative à la <
• en utilisant le projet modèle de <
moratoire de 5 ans pour permettre aux communautés
locales africaines de s’informer sur les OGM, et de
participer à la prise de décision en toute
connaissance de cause.
Et nous nous engageons auprès des organisations
paysannes et des associations de consommateurs
africaines à veiller à la prise en compte de leurs
intérêts.>>
Notre message, commun est :
Non au OGM, oui à la recherche scientifique
indépendante qui valorise les connaissances endogènes,
dans l’intérêt des consommateurs, et respectent les
droits des communautés locales en Afrique. Non au
brevet sur le vivant !
En tout cas, le débat est lancé entre les partisans
des OGM et ses détracteurs. Dans tous les cas, ce sont
les chercheurs africains qui ont une grande place dans
ce combat. Malgré tout, ils ont la confiance des
populations. Ils doivent à cet effet mener des
recherches afin que les craintes formulées par les
détracteurs puissent trouver solution auprès d’eux.
Mamadi TOUNKARA
29 juin 2005