A l’ON, les prévisions au titre de la campagne 2005/06 s’élèvent à 556 486 tonnes de riz. Mais cette prévision risque d’être faussée si des mesures urgentes ne sont pas envisagées pour approvisionner tous les producteurs en intrants agricoles.
C’est le message fort adressé par les producteurs de Diabaly, Ndébougou, Niono, Molodo et Macina au ministre de l’Agriculture lors de leur rencontre marathonien, les mercredi et jeudi derniers.
Les besoins globaux en matière d’engrais sont estimés à 29 000 t sur lesquelles 8000 sont soumises à appels d’offres. Mais à la date d’aujourd’hui, près de 20 % des producteurs dans trois villages n’ont reçu aucun sac d’urée.
Même si le marché est fourni, le prix du sac d’engrais a connu une flamblée spectaculaire passant de 11 875 à plus de 15 000 F CFA.
Cette situation, selon le délégué général des producteurs Abdoulaye Daou, incombe aux institutions financières notamment la Fédération des caisses rurales mutualistes du Delta qui serait à l’origine de la défectuosité des appels d’offres.
Selon les explications du conseiller de la Fédération et membre de la commission d’appel d’offres Mamadou Safouné Traoré, le marché de 3000 t d’engrais a été attribué après dépouillement à trois commerçants en raison de 11 875. Seulement deux ont pu honorer leur engagement à 50 %.
Le contrat du 3e adjudicataire a été résilié à cause de la mauvaise qualité de ses intrants. Les autres ont aussi arrêté la livraison sans être inquiétés au moment où les champs avaient le plus besoin d’engrais.
Du coup, les prix des intrants ont pris l’ascenseur et là, on parle déjà de menaces sur la campagne. « Sans les engrais, nos terres ne sont plus rentables. Nous sommes en retard et les risques d’éviction seraient élevés cette année si des mesures ne sont pas prises », a expliqué M. Daou.
Le ministre de l’Agriculture, qui a insisté sur le respect des clauses contractuelles, dira que des mesures seront prises pour une meilleure organisation de l’appel d’offres.
De l’avis du ministre Traoré, le marché est bien fourni en intrants.
« La quantité soumise à appels d’offres n’est pas assez conséquente pour influer sur le marché de façon général. C’est l’organisation de l’appel d’offres qui a été défectueuse ».
En dépit de ces inquiétudes, l’état végétatif des champs est assez bon. L’hivernage s’est relativement bien installé sauf dans l’inter-fleuve où il y a un retard dû au déficit pluviométrique. Aucune menace d’oiseaux granivores n’a été enregistrée.
Organiser les riziculteurs
Ainsi pour mettre fin à ce problème crucial d’intrants, plusieurs propositions ont été faites par les producteurs.
Il s’agit surtout de l’accompagnement des exploitants dans toutes les étapes d’approvisionnement en intrants par l’Office du Niger, la subvention des intrants par l’Etat, la libération du secteur des intrants, la construction d’une usine d’engrais à Markala.
Pour le ministre, une bonne organisation des riziculteurs, à l’image des cotonculteurs de la CMDT, pourrait être une solution à ce problème.
C’est pourquoi, il a recommandé aux riziculteurs de mieux s’organiser en engageant leur production dans le circuit financier comme garantie.
« Il y a eu cette année un approvisionnement correct et une baisse sensible du prix des intrants de l’ordre de 7 %.
Ceci découle de la bonne organisation des cotonculteurs. Leur récolte est partie intégrante du circuit financier de l’approvisionnement en intrants parce que le coton vient comme garantie du processus de financement. En zone ON, le producteur reste entièrement souverain de sa récolte d’où la méfiance des fournisseurs et des institutions financières à accorder des crédits aux producteurs », a-il expliqué.
A Macina, les producteurs ont également évoqué la question de la participation des producteurs à hauteur de 18 % dans les travaux d’aménagement des 3160 ha de Macina II.
Les travaux de la première phase des 320 ha dont 30 financés par le chef de l’Etat ATT à hauteur de 50 millions de F CFA pour les jeunes ruraux, ont débuté en janvier dernier avec l’entreprise Satom.
Selon le président du comité de pilotage, le volume de travail qui leur est confié est trop élevé en raison de la nature des sols et des volets spécifiques.
Avec le ministre, il a été convenu de maintenir le principe de la participation tout en révisant à la baisse le volume de travail, car dira M. Traoré, aucun développement ne peut se faire sans un effort endogène, d’où la formule « moins d’Etat, mieux d’Etat ».
En visitant le périmètre, Seydou Traoré s’est félicité du bon déroulement des travaux, soit 54 % de réalisations sur 35 % de délai consommé.
D’autres questions comme le redéploiement des paysans sur leur terre, la situation des évincés, ont été évoquées au cours de cette rencontre. Le ministre a été, on ne plus clair, en disant que le paiement de la redevance eau est une exigence pour tous les exploitants.
Le ministre de l’Agriculture était accompagné par le PDG de l’Office et ses collaborateurs, le conseiller technique Djingaraye Maïga, les directeurs nationaux relevant de son département et plusieurs autres personnalités.
Sidiki Y. Dembélé
(envoyé spécial)
Une usine d’engrais et des tracteurs
Tous les producteurs sont aujourd’hui unanimes pour dire que leur salut passe par l’implantation d’une usine de fabrique d’engrais au Mali, ce qui réduirait certainement le coût des intrants. Pour le ministre de l’Agriculture, l’implantation de cette usine est un objectif pour valoriser les phosphates naturelles de Tilemsi.
Selon lui, le dossier est pris à bras le corps par son collègue chargé des Investissements et des Petites et moyennes entreprises. « Les échanges sont avancés avec des investisseurs étrangers et pour l’accumulation du capital nécessaire ». D’ici là, le PDG de l’ON a informé les producteurs de l’arrivée prochaine de 175 tracteurs pour la zone ON. Une nouvelle saluée par plus d’un.
S. Y. D.
Haro sur le riz « étranger »
« C’est une honte pour nous de consommer ici autre riz que celui que nous produisons surtout du riz importé. Particulièrement moi, je suis gêné et je me sens mal ». C’est en ces termes que s’exprimait le vieux Mamadou Camara au cours de la rencontre des producteurs avec le ministre de l’Agriculture à Diabaly mercredi dernier.
Dans la zone ON, les producteurs ont faim. Ils achètent le kilo du riz à plus de 300 F CFA, chose inimaginable il y a seulement 2 ans. Et, nombreux sont les producteurs qui ne comprennent pas la flambée des prix des céréales malgré les subventions accordées à certains importateurs par l’Etat.
Pour le PDG de l’ON, c’est l’insuffisance de la production de l’année dernière qui est à la base de la montée des prix. Raison pour laquelle il a demandé aux producteurs de redoubler d’efforts pour augmenter la productivité et assurer l’autosuffisance alimentaire.
S. Y. D.
29 août 2005