Décédé accidentellement le jeudi 3 novembre, le désormais feu honorable Kadari Bamba a été mis sous terre le lendemain par une foule nombreuse, au cimetière de Torokorobougou.
Ils étaient tous là : le chef de l’Etat, Amadou Toumani Touré, le Premier ministre, Ousmane Issoufi Maïga, les membres du gouvernement, les élus de la nation, les chefs des institutions de la République, les responsables et militants du RPM ainsi que toute la classe politique malienne.
Les hommes de Dieu notamment les religieux musulmans et chrétiens de même que les notabilités de Bamako ont tenu à participer aux obsèques du « vieux militant » pour reprendre l’expression du président de l’ADEMA, Dioncounda Traoré. Auparavant, il avait eu droit à tous les honneurs dignes d’un homme de son rang.
D’abord, il a eu les honneurs militaires avant d’être décoré, à titre posthume, Commandeur de l’Ordre national du Mali par le président de la République, Amadou Toumani Touré.
Ensuite, ce fut le tour du colonel Koké Dembelé, grand chancelier des Ordres nationaux, de lui rendre un hommage vibrant : «la place que Kadari Bamba avait prise parmi ceux qui sont les serviteurs passionnés de l’Etat se mesure aux regrets unanimes que l’ami, le parent disparu laisse dans nos cœurs…
Puissent nous tous qui le pleurons, trouver quelque consolation à penser que le Commandeur de l’Ordre national Kadari Bamba que nous perdons a mérité le plus noble éloge qu’on puisse faire à un citoyen, un excellent citoyen : il fut utile à la patrie et à la République».
Le dernier hommage, l’oraison funèbre a été prononcée par El hadj Ibrahim Boubacar Kéïta, président à la fois de l’Assemblée nationale et du RPM. Très ému, IBK a de prime abord expliqué : « il est des moments de grande, de très grande, d’extrême solitude pour l’homme d’Etat. J’en vis un en ce moment où le redoutable privilège de ma position de chef de l’institution parlementaire du Mali m’impose de surmonter autant que faire je pourrais, ma douleur, ma très vive douleur, pour prononcer l’oraison funèbre d’un autre moi-même. Honneur difficile, singulier, simplement redoutable. Chacune et chacun d’entre vous comprendra, admettra et saura tolérer qu’en une telle circonstance l’émotion nous étreigne parfois« .
Tout de blanc vêtu, IBK a déclaré que faire l’éloge funèbre d’un homme de bien, d’un juste, d’un patriote et démocrate conséquent jusqu’au sacrifice du jeudi, n’est pas chose aisée.
Selon lui, le temps et l’espace seront judicieusement choisis, pour rendre au « combattant de l’ombre et de la lumière l’hommage qu’impose à ceux qui savent pieusement s’incliner devant la mémoire de ceux qui ont mérité de la patrie le brillant parcours d’une vie exemplaire. Le RPM et tous ceux qui t’ont connu et estimé s’en feront un devoir sacré« .
Le président de l’Assemblée nationale a également témoigné de la grande consternation du chef de l’Etat, qui sitôt le drame connu, a tenu « à me dire sa sympathie à l’endroit de la famille de l’illustre disparu, de son parti le RPM, de l’Assemblée nationale du Mali dont il était l’une des voix d’honneur.
Hélas ! la salle Modibo Kéïta de l’hémicycle ne résonnera plus des échos de cette voix grave en même temps que calme et responsable et hautement patriotique et profondément soucieuse du réel ancrage de la démocratie dans notre pays. Le guerrier intrépide du Kénédougou, dans la bonne tradition des Tièba et Babemba, s’en est allé au pays de la gloire éternelle« .
Homme d’une grande humilité, humble jusqu’à l’effacement, Kadari Bamba a été, à en croire le chef de l’institution parlementaire, toute sa vie durant, l’exemple de la rigueur et de l’honnêteté morale, intellectuelle et éthique, de l’humilité et de la modestie, de l’intégrité vis-à-vis de la chose publique et du respect de la personne humaine, de l’engagement patriotique et de la fidélité dans les rapports humains.
« Homme de conviction profonde quant au destin du Mali et de son peuple, il a toujours assumé le combat, quel qu’en fût le lieu, quelle qu’en fût la forme, quel qu’en fût le prix ! Qui sait ce qu’il fallut d’acharnement, d’abnégation, de sacrifices de toutes sortes à des hommes comme Kadari Bamba et ses compagnons pour qu’aujourd’hui soit ! C’est pourquoi ces hommes-là ne peuvent flirter avec la complaisance, avec la courtisanerie, avec les calculs contraires aux intérêts du peuple. Ces hommes, Ostrovsky avait raison, sont en acier trempé » a soutenu IBK. Avant de déclarer que Kadari Bamba n’a nul besoin d’une gloire usurpée. Il a conclu en ces termes : «aujourd’hui, jeunesse du Mali, jeunesse du RPM, laissez-moi citer Malraux à l’occasion de l’entrée de Jean Moulin au Panthéon « puissiez-vous pensez à cet homme comme vous auriez approché vos mains de sa pauvre face, informé du dernier jour, de ses lèvres qui n’avaient parlé que pour votre salut».
Ici, le défunt Bamba est comparé au grand résistant à l’occupation allemande et au nazisme, Jean Moulin. C’est pourquoi, IBK a martelé que ce visage était celui du Mali, de la dignité et de l’honneur.
Chahana TAKIOU
DECES ACCIDENTEL DE KADARI BAMBA
Le Bureau Politique du RPM n’exclut aucune piste et réclame une enquête indépendante
La mort accidentelle de Kadari Bamba, Premier vice-président du RPM et Président du Groupe parlementaire RPM-RDT, survenue le jeudi 3 novembre, aura eu l’effet d’un véritable coup de tonnerre dans un ciel d’été sur la classe politique malienne.
Elle a été ressentie par le Secrétaire général du RPM, Bocari Tréta, comme un coup de massue sur la tête, au point que, sous l’effet de la crise qu’il a piquée, il n’a pas manqué d’accuser le pouvoir d’avoir perpétré un « attentat politique planifié » tel qu’il l’avait confié à notre collaborateur Chahana Takiou (voir l’Indépendant n°1341 du vendredi 4 novembre).
Le Bureau Politique National du RPM l’a, de toute évidence, suivi sur ce chemin. En effet, dans un communiqué de presse déposé à notre rédaction et signé, au nom du Bureau Politique, par son Secrétaire Général, on peut relever que « face aux circonstances de l’accident, nous n’excluons aucune piste, c’est pourquoi le BPN/RPM demande une enquête indépendante« .
« Le Bureau Politique National du Rassemblement Pour le Mali (BPN/RPM) informe les militants et les militantes du Parti RPM, les Maliennes et les Maliens que la voiture du 1er Vice-président du RPM, l’Honorable Kadari Bamba, a été fauchée par une voiture N° D 2572 MD de la Présidence de la République, ce jeudi 3 novembre 2005 aux environs de 9 h 00 sur l’échangeur du Babemba, côté Darsalam. Transporté d’urgence à l’hôpital Gabriel Touré, le Premier vice-président du Parti RPM, Président du Groupe Parlementaire RPM-RDT a rendu l’âme » poursuit le communiqué.
En guise de conclusion, le Bureau Politique National du RPM a adressé ses condoléances les plus attristées à la famille du défunt et aux militants du Parti ainsi qu’aux proches du défunt et aux sympathisants du Parti.
Yaya Sidibé
DECES ACCIDENTEL DE KADARI BAMBA
Le RPM perd en lui un lieutenant valeureux et le Mali un cadre compétent
La nation malienne a rendu, vendredi 4 novembre, un vibrant hommage à Kadari Bamba, Premier Vice-Président du RPM et Président du Groupe Parlementaire RPM-RDT, tombé l’étendard à la main, ce funeste jeudi du 3 novembre, à la suite d’un accident de la circulation survenu sur l’échangeur du Babemba, côté Darsalam.
Les funérailles nationales se sont déroulées à Torokorobougou, au domicile du défunt, le vendredi 4 novembre, en présence du président de la République, Amadou Toumani Touré, du Premier ministre, Ousmane Issoufi Maïga, du Président de l’Assemblée de Nationale, Ibrahim Boubacar Kéïta, non moins Président du RPM et des membres du gouvernement.
L’un des temps forts de cette cérémonie aura été l’élévation au grade de Commandeur de l’Ordre National du Mali. Juste récompense- même si c’est à titre posthume- pour un homme dont la richesse du parcours professionnel n’a d’égale que la densité de sa trajectoire politique.
Du petit village de Sikasso où il est né il y a de cela 69 hivernages à l’échangeur du Babemba où la mort, dans toute sa fureur, a brutalement mis fin à ses ambitions pour le Mali et le RPM, que de chemin parcouru par Kadari Bamba !
Cet ingénieur sorti de l’Ecole Supérieure de Bois (Paris) après des études secondaires au Lycée Terrasson de Fougères (l’actuel Lycée Askia Mohamed) et ses classes préparatoires au Lycée Victor Hugo de Besançon, est avant tout un grand commis de l’Etat.
Il sera, tour à tour, Directeur Général Adjoint de la SONATAM (Directeur de l’Usine Allumettes) Directeur National des Industries, ministre des Mines, de l’Energie et de l’Eau, à la fois sous la Transition et sous Alpha. Ce parcours professionnel est couronné par un passage à la Communauté Economique de l’Afrique de l’Ouest (CEAO) entre 1993 et 1995, en qualité de Secrétaire Général.
La trajectoire politique de Kadari Bamba commence avec la lutte clandestine menée par l’enfant de Sikasso aux côtés d’autres figures attachantes du mouvement démocratique, comme N’Faganama Koné, ancien ministre de l’Agriculture, Ali Nouhoum Diallo, Boubacar Sada Sy, Morikè Konaré, frère aîné de Alpha Oumar Konaré, qu’on a vu en permanence aux côtés d’IBK lors des funérailles et dont on avait dit un moment qu’il devait prononcer l’oraison funèbre.
Ils étaient regroupés, pour la petite histoire, au sein du Parti Malien du Travail (PMT) l’aile française de l’ADEMA aux premières années du mouvement démocratique qui menait une lutte souterraine pour la libération du peuple malien du joug du régime autocratique de Moussa Traoré.
L’autre aile, celle dite soviétique, était animée par, entre autres, Mamadou Lamine Traoré, l’actuel ministre de l’Education nationale, Alpha Oumar Konaré, Mohamedoun Dicko et l’ancien ministre Moustaphe Dicko, sous la bannière du Parti Malien pour la Révolution Démocratique (PMRD).
Cet itinéraire, unique de par sa richesse, outre la décoration à titre posthume, suprême reconnaissance de la nation, a valu à Kadari Bamba un concert de louanges de la part de la classe politique qui a célébré, à l’instar de l’ADEMA, du CNID et de l’URD, les qualités morales, le sens de la patrie et la rigueur professionnelle du défunt.
Et du PARENA qui, dans un communiqué déposé à notre rédaction, rend hommage à un militant tombé sur le champ de l’honneur.
« Kadari Bamba a voué sa vie à la cause du Mali. A ce titre, il a été présent sur tous les champs de bataille où se disputait l’avenir du Mali pendant le demi-siècle écoulé.
Cet homme fut un exemple. Il doit demeurer un modèle faisant corps avec l’héritage que la révolution du 26 Mars a légué à la postérité » conclut la déclaration signée du Secrétaire Général du PARENA, Me Amidou Diabaté.
Kadari Bamba était enfin un homme de Dieu dont l’intégrité a été saluée, à sa juste valeur, par la communauté musulmane de la mosquée de Torokorobougou dont il était le trésorier général. Que le Tout-Puissant l’accueille dans son céleste paradis.
Yaya SIDIBE
LES TEMOIGNAGES DES HOMMES POLITIQUES
Seydou Badian Kouyaté, ancien ministre de Modibo Kéïta :
«Modibo m’avait dit que Kadari est un garçon sérieux»
«C’est une anecdote vécue par Moriké Konaré, le président Modibo Kéïta et moi. Il y a 40 ans, en juin 1965, nous venions de terminer le montage de l’usine d’allumette. Modibo m’a posé la question « as-tu un directeur ? « .
J’ai répondu, «je n’ai personne sous la main. Mais je vais poser la question à Moriké Konaré qui était le directeur d’une industrie. J’ai dit à Moriké, tu me proposes quelqu’un. Il a dit ah ! J’ai un jeune, Kadari Bamba, il est ingénieur du bois et je pense qu’il peut faire l’affaire. Je suis allé rendre compte à Modibo qui a souri. Ainsi, il m’a dit, bon tu viens me voir demain avec Moriké Konaré. Le lendemain, Moriké et moi, nous avions été voir le président. Il m’a dit, sans doute, tu sais je vais te faire une révélation. Kadari Bamba et Moriké sont parmi les animateurs d’un parti clandestin, il s’agit du Parti Malien du Travail. Mais je reconnais une chose, c’est des garçons sérieux, consciencieux et honnêtes. Tu acceptes, tu nommes Kadari Bamba, je connais sa famille et lui-même. Je l’ai suivi. C’était l’appréciation de Modibo. Je dois cela à Moriké Konaré et à Kadari Bamba. Je le leur rend».
Adama Samassékou, ancien ministre :
«Kadari n’a cherché ni la richesse ni la gloire passagère»
« Je crois que le meilleur témoignage, c’est véritablement d’attester la véracité des propos très justes de l’oraison funèbre prononcée par le président de l’Assemblée nationale. Nous venons de perdre un grand camarade, un patriote convaincu dont la dédicace à la cause du peuple ne souffre d’aucun doute. Ce digne combattant de l’ombre et de la lumière dont l’humilité nous en impose à tous. J’ai eu le bonheur de partager avec cet aîné, quelques rares fois malheureusement, cette conviction très forte à la noblesse de la cause de notre peuple. Je crois que nous perdons en lui un de ceux avec lesquels nous avions pu, dans les temps qui courent aujourd’hui, envisager ce que j’ai toujours souhaité, cette construction de nouvelle solidarité militante, dont notre peuple a besoin dont notre continent a besoin. Il ne sert à rien de s’acharner sur de vaines idées, si elles ne sont pas au profit du changement profond qu’attend notre peuple, depuis des années. Ce changement est en cours, mais il demande aujourd’hui beaucoup de sagacités, beaucoup d’abnégation et d’honnêteté, surtout et beaucoup de dédicace du peuple africain qui a tout souffert et qui continue de souffrir. Voilà ce que je peux dire en ce moment difficile. Nous garderons de lui le souvenir de ce militant fidèle, de ce militant trempé dans l’acier et qui, toute sa vie a montré l’exemple de celui qui ne cherche ni la richesse en ce bas monde, ni la gloire passagère, mais l’exemplarité dans le comportement de tous les jours. Je crois c’est ce qu’il va léguer à la fois à ses enfants et à nous autres, ses jeunes frères« .
Propos recueillis par Chahana Takiou
7 novembre 2005.