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« Those who deny freedom to others deserve it not themselves, and under a just God can’t keep it ». Abraham Lincoln, président, auteur de la loi sur l’abolition de l’esclavage, assassiné par un extrémiste enragé.

Parfois, il s’agit d’une nouvelle, d’une toute petite nouvelle, mais d’une nouvelle nuisible et déprimante qui vous fait douter de l’humanité en l’humain. Parfois, c’est une étincelle de joie altruiste qui vous redonne espoir que l’Homme est capable du pire mais aussi du meilleur.

Cet homme-animal dont parlait Aimé Césaire, est celui qui, dans ses moments de folie et d’hystérie, déshumanisé par l’irrationnel, fait du lynchage le trophée de la raison qui croit triompher de son grégarisme primitif. Cet homme qui invente la boussole est aussi celui qui fabrique les torpilles. Cet homme qui crée la chirurgie cardiaque est aussi le gardien de Treblinka et Dachau.

Dans le dénuement et la confusion de ce monde qui semblait sombrer dans la déraison, dans cette Amérique de l’invention et de l’innovation où les forces du repli et de l’obscurantisme croyaient imposer le tempo de l’intolérance et du casus belli permanent, a surgi ce courage unique qui distingue les peuples vainqueurs des vaincus.

Quand, justement, l’on croyait acquise la victoire politique et posthume du défait général Robert Lee, l’on croyait le général vainqueur Ulysse S. Grant perdant du jugement de l’Histoire, a surgi cette étincelle qui fait que l’Amérique ne sera jamais une nation comme les autres. Oui, disons-le franchement : le 4 novembre 2008, Abraham Lincoln a gagné. Ulysse S. Grant a gagné.

La guerre de sécession est finie. La lumière a éclairé les ténèbres. Oui, ce 4 novembre 2008, Bill Clinton a eu raison de dire : Tout ce que l’Amérique a de pire est contrebalancé par ce qu’elle a de meilleur. Martin Luther King peut sourire en regardant Dieu en face : mission accomplie !

Aux yeux du monde, Washington n’a plus la face hideuse du Ku Klux Klan et les excès morbides des miliciens du Montana. Le cauchemar George Bush est fini. L’Amérique a puisé dans ses tripes les moyens de transcender les tabous, d’abolir les barrières raciales, de regarder vers l’avenir avec une optique anticipative : cette Amérique a atteint un nouveau degré dans la marche vers la société de l’Humain, jugé seulement à l’aune de ses valeurs intrinsèques !

Oh oui ! Nous entendons déjà les cris d’horreur des rabat-joie masqués derrière les caméras de télévision. Ils donnent des leçons savantes et tentent de gâcher la fête : faites attention, Obama aura des défis graves à relever. Oh, non, ne croyez pas le racisme disparu aux USA. Croyez notre expertise, les USA sont encore un pays très raciste ! Et patati et patata.

Les mêmes experts, surtout de la vieille Europe, infatués de leur science et de leur diplôme qui nous disaient : l’Amérique n’est pas prête à élire un président noir. Ah, oui ! Non, certes. L’Amérique s’est peuplée en majorité d’immigrants européens. Mais le fermier de l’Idaho n’est ni plus bête ni plus raciste que le paysan breton. Et l’Amérique n’a de leçons de tolérance et de générosité à recevoir d’aucun peuple. Que les nations qui se réjouissent tant de l’élection de Barack songent à nettoyer leurs propres écuries d’Augias.

L’Amérique du 4 novembre 2008 est celle que le monde entier aime et admire, aux antipodes de l’Amérique névrosée et hérissée de Bush et compagnie. Cette terre d’espoir et d’espérance qui aime proclamer « The sky is the limit » est porteuse d’un rêve qui, malgré les accidents du suffrage universel, revient comme une récurrence salvatrice. La démocratie, pour cette raison, est porteuse de salubrité publique. Elle nous transporte aux limites des tripes et de la raison. Il n’y a rien qui sorte des possibilités sur cette terre bénie d’oncle Sam qui nous rappelle que le peuple seul a le pouvoir de sanctionner la bêtise.

Il y a seulement un siècle, les Noirs étaient des esclaves, sans identité que celle imposée par leurs maîtres esclavagistes et obscurantistes. Il y a cinquante ans à peine, un petit bout de femme, Rosa Park, dans ce Deep South figé dans la préhistoire, a défié la loi dans un autobus. Ce jour-là, Martin Luther King a repris le flambeau. Non, non, non, un non péremptoire et définitif. Pas un non funeste et nécrophage dans le modèle Sékou Touré, mais un non phallique qui n’avait plus aucune raison de ramollir après une érection si vigoureuse.

Non, l’Amérique est unique et c’est ainsi que nous l’aimons. Les Noirs qui, esclaves, deviennent officiers de l’armée, professeurs d’université, chercheurs, ministres et président de la République. La consécration suprême dans un pays où l’on ne représente que seulement 12 % de la population.

Nous aimons cette Amérique dans laquelle 90 % de spectateurs blancs paient plus de 100 dollars chaque semaine, pour regarder des équipes composées de 90 % de joueurs noirs. Rendez hommage à cette nation ! Si vous le pouvez, citez-moi une seule autre au monde capable d’un tel exploit.

God Bless America !

Ousmane Sow

(journaliste, Montréal)

07 Novembre 2008