La nouvelle est tombée samedi. La ville de Tombouctou ne fera pas partie des « Nouvelles 7 merveilles du monde ». C’était à l’issue de la cérémonie de proclamation des résultats du vote qui a eu lieu dans le stade de Benfica à Lisbonne au Portugal. Nombre de nos compatriotes étaient restés l’oreille au transistor ou assis devant leur téléviseur afin d’être les premiers à savoir si la « Cité des 333 Saints » serait élue. Leur déception était à la mesure de l’attente.
La mobilisation de nos compatriotes et même des sympathisants de la ville Mystérieuse à travers le monde, à l’instigation du ministère de la Culture, n’a donc pas suffit au bonheur de Tombouctou.
Les deux opérateurs téléphoniques Malitel et Orange avaient mis le paquet en libérant chacun deux lignes de téléphone pour faciliter le vote des Maliens qui n’ont pas accès à Internet.
L’Université de Bamako, l’Association des architectes du Mali, des entreprises comme l’Agence de voyage ATS et le groupe hôtelier Azalaï-Salam et de nombreux anonymes, aussi bien au Mali qu’à l’extérieur, ont chacun de leur côté oeuvrer en faveur de notre ville candidate.
En plus des moyens mis à la disposition du comité d’organisation, le gouvernement a dépêché le ministre de la Culture auprès des présidents de la République d’Afrique du Sud et du Sénégal pour tenter de mobiliser d’autres africains pour la cause de l’unique représentant du continent.
Ainsi au terme d’un vote par Internet et par téléphone qui a attiré 100 millions de personnes dans le monde entier, les Nouvelles 7 merveilles du monde sont par ordre de mérite : la Grande muraille de Chine, le site archéologique troglodyte de Pétra en Jordanie, la statue du Christ rédempteur qui domine la baie de Rio de Janeiro au Brésil, le site Inca de Machu Picchu dans les Andes péruviennes, les ruines mayas de Chichen Itza au Mexique, le Colisée de Rome et le Taj Mahal en Inde.
Comme on peut le constater, trois des sept sites sont en Amérique latine, un seul en Europe, un au Proche-Orient et les deux autres en Asie. L’Afrique et l’Amérique du Nord ne sont pas représentées. « Jamais jusque-là dans l’histoire, autant de personnes n’avaient participé à une décision mondiale« , a déclaré l’actrice Hilary Swank lors de la présentation des résultats.
Les anciennes sept merveilles du monde, désignées avant Jésus Christ, ont toutes existé dans l’Antiquité et se trouvaient dans le bassin méditerranéen ou non loin de là. De ces sept merveilles, il ne reste plus qu’une seule : les pyramides de Gizeh. Les organisateurs des « Nouvelles sept merveilles du monde » ont estimé que ce concours était l’occasion d’élargir le champ culturel au monde entier et de reconnaître les chefs-d’oeuvre édifiés en dehors d’Europe et du Proche-Orient.
A l’origine du concours, l’aventurier canado-suisse Bernard Weber qui a affecté la moitié de ses revenus au financement de chantiers de restauration dans le monde entier, comme les statues des Bouddhas géants de Bamiyan que les Talibans avaient fait exploser lors de leur règne en Afghanistan.
Au stade de Benfica, de nombreux Portugais étaient venus assister à la présentation des nouvelles merveilles et ont écouté chanter des vedettes comme le ténor José Carreras ou la pop star Jennifer Lopez. Certains observateurs ont déploré fortement qu’aucun édifice religieux musulman ou catholique n’ait été retenu.
En plus de Tombouctou, les autres candidats malheureux sont : les temples d’Angkor (Cambodge), l’Alhambra de Grenade (Espagne), Sainte Sophie à Istanbul (Turquie), le temple Kiyomizu (Japon), la Place Rouge et le Kremlin à Moscou, le château de Neuschwanstein (Allemagne), la Statue de la Liberté à New York, l’Acropole d’Athènes, la Tour Eiffel à Paris, les statues de l’île de Pâques, les alignements de Stonehenge en Grande Bretagne.
Les 21 sites en compétition ont été choisis en janvier 2006 parmi 77 sites par un jury composé d’architectes prestigieux et de l’ancien directeur général de l’Unesco Federico Mayor. « L’idée, c’est de stimuler le dialogue culturel et le respect culturel réciproque« , a expliqué Tia Viering, la porte-parole de cette initiative privée. « Nous voulons que les gens regardent le monde autour d’eux d’un oeil différent et apprécient leur propre culture et celle des autres« , a-t-elle ajouté.
Le concours a ses détracteurs. « La liste des 7 nouvelles merveilles sera le fruit d’une initiative privée et ne pourra en aucune manière contribuer de façon significative et durable à la préservation des sites élus« , a protesté l’Unesco dans un communiqué, précisant qu’elle a opposé une fin de non recevoir à plusieurs demandes de soutien de Bernard Weber.
Un responsable culturel du Cambodge a mis le doigt sur les limites du vote par Internet en faisant remarquer que « peu de Cambodgiens ont accès à Internet, et même si tout le peuple cambodgien votait, cela ne suffirait pas à faire la différence« . La remarque vaut pour notre pays.
Quant au chef des antiquités égyptiennes Zahi Hawass, il a pour sa part qualifié le concours de « coup de pub« .
Même si elle n’a pas été élue, la ville de Tombouctou peut se consoler avec les effets médiatiques de la campagne pour le vote. Tombouctou, déjà si célèbre à travers le monde, est mieux connue aujourd’hui aux quatre coins de la planète.
De plus, certains observateurs ont trouvé injuste que notre cité mystérieuse n’ai pas trouvé place dans cette nouvelle liste où le visuel a, sans aucun doute fait de l’ombre à l’histoire et aux valeurs réelles.
Y. DOUMBIA-L’Essor.
09 juillet 2007.