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Le gouverneur du District de Bamako, Ibrahim Féfé Koné, vient d’être assigné en justice par Amadou Ongoïba, commerçant de son état. Celui-ci lui reproche d’avoir « injustement autorisé la démolition» de son immeuble, à la demande d’un voisin, réputé être de la même famille que le gouverneur de la capitale. Le requérant demande que l’Etat lui paye plus de 90 millions de FCFA en réparation de tous les préjudices confondus. Pied de nez de l’histoire, ce cas rime avec le thème de la rentrée judiciaire portant sur l’action récursoire, prévue le lundi 24 novembre.

La rentrée judiciaire 2008 – 2009, qui s’ouvre le lundi 24 novembre, porte sur la responsabilité de l’Etat et l’action récursoire. Ce thème, est aujourd’hui plus qu’hier, d’actualité dans la mesure où, de plus en plus, par la faute, le laxisme, l’incompétence de certains agents de l’Etat, le gouvernement est à longueur de journée traîné devant les tribunaux et perd, s’il vous plait, presque tous ses procès. Désormais, avec l’action récursoire, l’Etat aura la possibilité de se retourner contre un fonctionnaire fautif.

C’est dire que si, par la faute d’un agent de l’Etat, le gouvernement est condamné par la justice, il pourrait se retourner contre lui afin de le sanctionner de plusieurs manières. L’assignation du gouverneur, Ibrahim Féfé Koné devant deux tribunaux-le tribunal administratif et le tribunal civil de la commune V-prouve à suffisance le bien fondé de ce thème. En effet, Amadou Ongoïba, commerçant de son état a acheté en avril dernier un terrain, objet de titre foncier TF 920/CV, créé à partir du morcellement du TF 4477, sis au quartier Mali.

Rapidement, l’acquéreur se met à chercher une autorisation de construire de ladite parcelle. Par décision du 15 août 2008, le gouverneur du District de Bamako, Ibrahim Féfé Koné, la lui accorde. Fort de ce document, Amadou Goïba, nanti d’un plan de construction de son architecte, approuvé par la direction de l’urbanisme et de la construction, démarre les travaux de sa parcelle pour y construire un immeuble à usage commercial. Il y investit une cinquantaine de millions de nos francs.

L’édification de cet immeuble dérange un voisin qui finit par s’y opposer. Au lieu d’aller se plaindre au tribunal, il préfère s’adresser au gouverneur du District de Bamako, Ibrahim Fefé Koné, avec qui il a, semble t-il, des relations parentales.

Sans autre forme de procès, l’autorité administrative ordonne, le 23 septembre 2008, la démolition des ouvrages réalisés par Amadou Ongoïba sur sa propriété. Il s’agit de quatre magasins et d’une terrasse couverte, destinée au garage ainsi que deux toilettes.

Surpris par ce désastre et la ruine de ses réalisations, le sieur Ongoïba se rend, le même jour, chez le gouverneur pour essayer de comprendre cette situation. Il se voit attribuer une décision datant du même jour, c’est-à-dire le 23 septembre, annulant son autorisation de construire, obtenue le 15 août.

Pour justifier sa décision, le gouverneur a visé « un-soit disant PV de constat d’infraction de la direction régionale de l’urbanisme et de l’habitat qui n’existait pas » nous a confié Ongoïba
.
En fait, même au cas où ce PV aurait une existence, l’autorité administrative n’a pas le droit, en dehors d’une décision de justice exécutoire, de démolir des ouvrages. Précisons qu’en la matière, si les constructions ne sont pas conformes aux plans approuvés, l’intéressé devrait être invité à procéder aux redressements ou modifications nécessaires avant toute procédure.

Les dégâts causés par l’autorisation de démolition du gouverneur du District ont été dûment constatés à la fois par PV d’huissier de justice et par un expert immobilier assermenté. Ainsi, le préjudice matériel évalué par l’expert se chiffre à 51 millions de FCFA environ. Le manque à gagner né de l’inexploitation de sa propriété est également estimé à 30 millions de nos francs. Le préjudice moral, qui est lui aussi réparé par le droit, est chiffré à 10 millions de nos francs.

La responsabilité du gouverneur du District emporte obligation pour l’Etat qui répond de lui, de réparer le préjudice résultant de la violation du devoir général de ne causer aucun préjudice à autrui. C’est pourquoi, le tribunal civil de la commune V et le tribunal administratif ont été saisis pour condamner l’Etat à payer à Amadou Ongoïba la somme totale de plus de 90 millions de FCFA en réparation de tous préjudices confondus.

Au cas où l’Etat serait condamné, il pourrait se retourner contre le gouverneur, Ibrahim Fefé Koné, dans le cadre de l’action récursoire. Parce que ça serait par sa faute que l’Etat perdrait ce procès.

En attendant, il va devoir s’expliquer devant les deux tribunaux.
A suivre


Chahana TAKIOU

18 Novembre 2008