Tel son prédécesseur Alpha Oumar KONARE, volubile à nul autre pareil, Amadou Toumani Touré s’est adressé à ses « chers compatriotes », à la faveur du nouvel an, dans un style qui ne laisse aucune place au doute. ATT ne doute plus. Il est sûr.
Sûr de l’assurance de ceux qui ont eu le « culot » de tâter le pouls du destin. En témoigne, la profusion du pronom personnel « je », sorti de sa bouche, au moins une trentaine de fois. Ce « je » ne fais pas que bégayer. Il parle. Il « engage » le gouvernement, « attend » que les banques s’investissent dans la promotion de l’emploi des jeunes, « assigne » et « insiste ».
ATT n’est donc pas un figurant, pour ceux qui voulaient le confiner dans ce rôle, mais bien l’artisan principal de tout l’échafaudage, au sommet duquel il trône. ATT est le chef et il a tenu à le faire remarquer dans son adresse à la nation dans un style puisé à la source de la veille école de la rédaction administrative : sobre et précis.
Plein d’emphase, ATT a étreint (mes) chers compatriotes, treize fois, pendant près de deux quart d’heure d’un discours que l’Essor, le quotidien gouvernemental, a pu traduire sur neuf colonnes.
Sur le fond, l’adresse a été celle d’un père de famille qui veille sur un patrimoine dont il entend continuer la gestion. Il le dit si bien : « après trois ans et demi du mandat que vous avez bien voulu me confier, je suis plus que jamais renforcé dans ma conviction et ma foi pour notre pays ».
Et, narcissique, il est tout simplement ébloui et contemplatif devant le panorama du Mali qui « se transforme chaque jour au prix de l’engagement et du sacrifice de notre peuple ». Bien sûr, sous sa houlette, à lui, le Président du Mali.
ATT est un bon père de famille qui donne à manger à tous les enfants, même lorsqu’ils travaillent mal. C’est le cas avec les partis politiques, tous déclarés inéligibles au financement des partis politiques.
Contre l’avis de la section des comptes de la Cour Suprême, il a décidé d’accorder une subvention, à titre exceptionnel, à l’ensemble des partis politiques. Et ce doit être clair pour tous les acteurs que s’ils ont des subsides, c’est par la seule volonté du Président.
ATT est généreux. Au passage, il frappe sur les doigts des partis, en les sommant de se mettre en conformité avec les textes. C’est bien dit. Mais n’est-ce pas reconnaître de facto que la politique est avant tout la chose des partis politiques ? ATT ne le dit pas, mais la déduction parait logique.
Le verbe déclaratif, ATT a surtout fait le bilan de son action. Il s’est refusé à toute projection, en tout cas, ni sur ses ambitions politiques immédiates, ni sur les échéances électorales qui pointent. Le consensus ? Le rôle de la société civile et le mouvement associatif?
ATT a placé l’agriculture au centre de ses préoccupations. Il n’a dit cependant aucun mot sur la préservation des cours d’eaux, notamment le Niger et le Sénégal qui pourraient bien ne plus exister si les agressions dont ils sont victimes se poursuivaient.
Le Mali d’ATT serait-il le fait des seuls maliens ? En tout cas, dans son adresse, on ne saisit pas le Mali dans son environnement, ni dans l’UEMOA, ni dans la CEDEAO. Il aurait fallu faire une allusion à l’immigration massive de la jeunesse de notre pays, après les récents épisodes de rapatriement du Maroc et d’Algérie.
Macinanké Sidibé
03 janvier 2006.