En effet, cette population, composée essentiellement de nomades, est restée isolée depuis l’indépendance du pays et toujours en décalage avec le reste du pays.
Son retard sur la sédentarisation s’explique par son isolement dans un terroir sans repères qui est encore imbriqué dans le contexte précolonial et les formes d’organisations traditionnelles. Les conséquences sont nombreuses et sont péniblement ressenties : taux de scolarisation des enfants parmi les plus faibles au monde (moins de 6 %) vulnérabilité devant les crises répétitives du monde pastoral, faible accès aux services de santé, manque d’accès à l’information, manque de toute forme d’éducation civique, insécurité quasi permanente, etc.
Cette situation a engendré de nombreux problèmes qui ont marqué l’évolution de ces communautés au cours de ces dernières décennies et dont les origines sont diverses.
Sur le plan social: ces communautés mènent une vie par défaut » qui explique l’apparition de crises identitaires et d’un sentiment de déperdition permanente. L’éclatement des systèmes de production traditionnels (nomadisme) suite aux cycles de sécheresse a entretenu un principe d’appropriation de l’espace qui ne se réfère en aucun cas, à des critères rationnels et encore moins aux juridictions régissant ce domaine.
Il en résulte des situations conflictuelles opposant souvent les entités tribales entre elles autour des moyens de subsistance (puits, pâturages, terroir …), des conflits violents qui finissent par prendre des formes complexes.
Sur le plan administratif: le vide institutionnel a créé un effet de feed back dans les rapports entre les autorités et la population, qui se traduit par diverses formes ‘ : un déficit de l’outil administratif (y compris les services de base) dans toute la zone, une situation sécuritaire sujette à des aléas dus à un manque de contrôle sur la majeure partie du territoire en question, de nombreux conflits latents non résolus depuis une trentaine d’années.
D’autre part, la dynamique d’évolution de ces sociétés est peu ou mal connue et les données d’Etat civil et les différents recensements ne sont pas actualisées et présentent de nombreuses lacunes.
L’enjeu fondamental de ce projet de découpage administratif pour ces populations réside donc dans les possibilités qu’il serait en mesure de leur offrir un meilleur service de l’administration.
Malgré quelques inconvénients d’ordre physique, notamment la rareté de l’eau, la nécessité d’une présence administrative effective s’impose vu l’existence de nombreux atouts. Il s’agit, en premier lieu:
Une zone minière allant des falaises de Lekhnashish à l’Ouest jusqu’aux massifs de Tinedemma à l’Est (plus de 800 km) constituant un vaste champ pour la recherche géologique et dont les potentialités pétrolières et minières sont de plus en plus perceptibles.
Il s’agit aussi d’un paysage à vocation touristique certaine, favorisée entre autres, par le désert, les pistes caravanières et les sites de peinture rupestre. Des éléments pour le moins prometteurs et susceptibles de favoriser le développement d’une autre forme de tourisme dans notre pays.
La bonne répartition géographique des trois sites (Araouane, Taoudénit, Boujbéha) qui correspondent à trois pôles d’échanges multisectoriels.
Un cercle à Araouane suffirait il ?
Il s’agit, sans doute, d’une mesure concrète et sans précédent, sachant surtout que cette localité joue, depuis plusieurs siècles, le rôle de centre de convergence des fractions nomades. Mais cette mesure a ses insuffisances vu le nombre des difficultés caractéristiques de cette zone.
La présence d’une administration de référence dotée d’outils nécessaires se justifie par les éléments suivants :
une superficie de plus de 300 000 km2 représentant un quart du territoire national difficilement décelable par une autorité préfectorale. Une population composée d’une partie flottante alternant un séjour dans les villages et les centres urbains et son espace traditionnel de nomadisme et une autre composée de nomades plus induits dans la transhumance continuelle. Dans les deux cas elles restent difficilement accessibles pendant une longue saison en raison de leur mobilité spatiale.
Partant de ces constats, nous tenons à saisir le gouvernement de l’importance d’une région administrative pour cette partie du pays comme seul moyen utile pour répondre aux besoins des populations.
L’idée permettrait de mieux intégrer cette population et de disposer de tous les acquis de la carte géopolitique, culturelle et économique du Mali.
Moussa Mohamed Lamine, Sociologue, cadre ressortissant
Dr Mohamed Ould Bayes, Pharmacien, cadre ressortissant
27 février 2007.