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La nouvelle a filtré du dernier Conseil d’administration de la CMDT-en fait une session budgétaire tenu dans la plus grande discrétion à l’hôtel Salam le 7 mars dernier : le co-actionnaire français Dagris, qui détient 25% des 16 milliards de FCFA consti­tuant le capital social de l’entreprise contre 75% pour l’Etat ma­lien, a décidé de ne pas participer à la recapitalisation de la CMDT. Une opération devenue nécessaire avec la très sérieuse crise fi­nancière que traverse la société à cause de la mévente liée à plu­sieurs facteurs dont la surproduction des pays asiatiques comme l’Inde et la Chine, la subvention qu’accordent certains pays tels les Etats-Unis et l’Espagne à leurs cotonculteurs, au fait que ces pays recourent au coton biologique réduisant ainsi leurs charges de production. Une situation qui s’explique aussi par le cours du dollar lequel est au plus bas depuis des années.

D’après des sour­ces très au fait du dossier, le salut de la CMDT et de la filière coton ne peut venir que d’un miracle : une remontée soudaine et subs­tantielle du billet vert, une devise dans laquelle les transactions internationales sur du coton se font exclusivement.

Invité à participer à la recapitalisation de la CMDT dont il détient 25% des 16 milliards de FCFA du capital contre 75% pour l’Etat malien, l’actionnaire fran­çais, DAGRIS, a répondu par la négative.

Historique et grave, sa décision est un coup dur pour le géant malien du textile qui tra­verse une crise financière ayant rendu cette opéra­tion de recapitalisation né­cessaire, voire indispensa­ble.

Cette situation est imputable à la mévente du coton-fibre sur le marché mondial, elle-même liée à plusieurs facteurs. Il s’agit, tout d’abord, de la surpro­duction qui est le fait des pays comme le Brésil, l’Inde, le Pakistan et la Chine.

Cette surproduction a comme conséquence di­recte la perte du marché asiatique pour le coton ma­lien. Les difficultés finan­cières de la CMDT sont également liées au phéno­mène de la subvention que des pays comme les Etats-Unis d’Amérique ou l’Espa­gne pratiquent au profit de leurs cotonculteurs.

Pour les Etats-Unis, le montant des subventions accordées aux quelque 25 000 producteurs de coton atteint 4 milliards de dol­lars par an. Il y a aussi que ces pays ont recours à la culture du coton biologi­que. Ce qui accroît la com­pétitivité de leur coton grâce à la suppression des charges intrants.

Le Mali, quant à lui, n’a pas encore tranché la question coton – bio-coton traditionnel. En attendant, les charges intrants conti­nuent d’obérer le prix du coton malien.

Last but not least, il y a enfin le cours du dollar, la seule devise dans laquelle les transac­tions internationales sur le coton se font. Le dollar est, malheureusement, au plus bas depuis des années, gravitant autour de 500 FCFA.

Malgré tous ces fac­teurs, le gouvernement malien est condamné à s’engager dans cette opé­ration de recapitalisation parce que trois millions de nos compatriotes vivent di­rectement de la culture cotonnière, notamment dans le sud du pays.

L’ar­rêt de la culture du coton est susceptible, à cet égard, de provoquer une catastrophe sociale, peut-être même une révolution. En revanche, l’autre co­propriétaire, DAGRIS, n’est pas tenu par ces considé­rations sociales, humani­taires, voire politiques.

N’oublions pas que nous sommes seulement à quel­ques semaines du premier tour de la présidentielle prévu pour le 29 avril pro­chain. Il s’y ajoute que DAGRIS vient d’être cédé par l’Etat français qui en détenait 64,7% du capital à un consortium d’entrepri­ses conduit par Sofiprotéol et l’IDI.

Sofiprotéol est l’éta­blissement financier de la filière française des huiles et des protéines végétales, présent présentement dans la transformation des oléagineux, ainsi que dans les domaines de la nutrition animale et des semences. L’IDI est une société d’in­vestissement spécialisée dans le développement des entreprises de taille moyenne.

Conséquence de cette situation, l’Etat se retrou­vera seul aux commandes de la CMDT, comme c’est déjà le cas avec EDM-SA et il devra assurer sa recapitalisation. Ce qui est loin d’être une mince af­faire. Surtout s’il doit aller chercher cet argent auprès de la Banque Mondiale ou du FMI.

Il est hors de question qu’il l’assure à partir du budget national qui a de la peine à garantir son fonctionnement régu­lier. La Banque Mondiale est-elle prête à mettre de l’argent dans la cagnotte d’une entreprise dont la pri­vatisation est prévue pour 2008 ?

Vous avez dit im­passe ?

D’après des personnes très au fait du dossier, le salut pourrait venir d’une remontée soudaine et substantielle du dollar. Que le billet vert atteigne 600 ou 700 FCFA et, d’un défi­cit de 30 milliards de FCFA la CMDT pourrait facile­ment se retrouver avec un excédent de 18 ou 20 mil­liards de FCFA. Mais au train où vont les choses, cette hypothèse relève, plu­tôt, du miracle.

Autre détail rassurant, le plan de financement qui vient d’être signé à Paris le 18 février entre la CMDT et le pool mixte bancaire pour 75 milliards de FCFA n’est pas remis en cause par cette décision de Dagris.

Yaya SIDIBE

13 mars 2007.