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Auparavant tout était fait pour assurer le bien-être de la communauté familiale. Chacun y mettait du sien. L’éducation des enfants était collective, l’affaire de tous. Le plus riche ne rechignait pas à satisfaire l’essentiel des besoins des autres par solidarité familiale. Cela n’était pas vécu comme une contrainte, mais un devoir moral.

Aujourd’hui ce n’est plus le cas. Avec les contraintes liées à la vie actuelle les rapports familiaux se sont transformés. Les chefs de famille n’ont plus en général la même disposition. Les différents couples qui constituaient la parenté élargie ont eu tendance à se replier sur eux-mêmes dans la cour familiale où même à s’exiler dans d’autres quartiers, loin de leurs racines natales.

Cette tendance à couper le cordon ombilical par les couples a été renforcée de nouvelles aspirations à la réussite, au mieux-être. Ces aspirations ont plus de chance d’être réalisées hors de la famille élargie considérée plutôt comme un carcan à l’épanouissement des couples, et un milieu peu favorable à l’éducation de leurs enfants pour de multiples raisons dont la plus importante tient à la mauvaise influence de la promiscuité.

L’argent a joué un rôle capital dans cette mutation. La cohésion familiale s’en est ressentie. On en est venu à constester l’autorité du chef de clan et son droit d’aînesse, tantôt ouvertement, tantôt de manière insidieuse.

On raconte à ce sujet une anecdote édifiante. A Bamako dans une grande famille, le cadet du chef de famille était un homme très riche qui avait réussi socialement. Il avait une influence marquée sur les autres membres de la famille qui avaient recours à lui en toute occasion.

Son avis était d’abord recherché. Un jour à propos d’une affaire de mariage dans la famille, le griot qu’on avait dirigé vers l’aîné des frères a récusé ce dernier par ces mots : <<Je le connais, ce n’est pas de lui qu’il s’agit. J’ai besoin de voir le vrai chef de famille !>>

Il voulait parler du richissime cadet. Cette anecdote est très significative. Elle montre aussi que les griots, mémoires de la société et gardiens de la tradition orale, n’ont pas été épargnés par les vicissitudes de l’heure.

UN DENOMINATEUR COMMUN

Dans notre société l’argent est devenu le dénominateur commun qui donne la respectabilité aux plus mécréants et aux plus malhonnêtes. Quant à la pauvreté, elle est considérée comme un vice rédhibitoire.

Malheur au chef de famille qui n’est pas capable de faire face de manière satisfaisante à ses obligations. Il n’aura plus droit à aucun respect, mais au mépris même de la part de sa femme et de ses enfants. Et il ne sera pas évident que ses frères qui ont quelque moyen lui viennent totalement en aide comme il était de coutume dans le passé.

Au contraire il est souvent isolé, mis en marge de la famille, en attendant d’être au ban de la société. Ce qui est tout à fait contraire à la véritable nature de notre société. Ce naturel est désormais mis entre parenthèses pour les besoins de la cause.

Avant chez le Malien il y avait une convivialité rare, le sens de l’amitié et de la fraternité. Deux hommes de conditions différentes l’un possédant un immeuble et l’autre la case d’à côté pouvaient se fréquenter, nouer de solides liens d’amitié, cimenter davantage leurs relations en mariant leurs enfants.

Aujourd’hui le riche et le pauvre vont chacun de son côté. Le riche fréquente le riche. Au prétendant à la main d’une fille de la famille on demande d’abord ce qu’il fait comme métier. S’il est riche ou a une bonne situation qu’importe qu’il soit athée ou porté sur l’alcool, de toutes les façons on lui donnera la fille en mariage.

C’est une célèbre vedette américaine noire sortie du ghetto qui chantait : <>. C’est tout à fait valable pour la société capitaliste américaine marquée par l’individualisme et la recherche forcenée de la réussite et du profit.

A perdre son âme. Notre société totalement conditionnée par ce poison qui gangrène les mentalités et le corps social a besoin de garde-fous pour stopper sa course fatale vers la déculturation et l’autodestruction. Il est temps de réagir avant qu’il ne soit trop tard.

Oumar COULIBALY

14 juin 2005