L’Accord d’Alger est une arête au travers de la gorge de la République. La dernière rencontre entre la délégation gouvernementale et les responsables de l’Alliance du 23-Mai pour le changement vient encore de le confirmer.
De quoi a accouché la rencontre d’Alger la semaine dernière entre la délégation gouvernementale et les responsables de l’Alliance du 23-Mai pour le changement ? Nul ne le sait ! A l’exception bien sûr des principaux négociateurs, car les médias d’Etat sont restés étrangement muets sur cette rencontre. Secrète ? Elle en a tout l’air. L’embargo de nos médias publics nationaux est, si besoin est, de nature à priver les Maliens d’une information saine.
C’est sur RFI que les Maliens ont appris quelques bribes d’information sur la rencontre d’Alger. Mais enfin que peuvent nos médias nationaux publics si nos autorités au plus haut niveau ont choisi la voix du traitement clandestin mais « abracadabratesque » de cet épineux problème du Nord ?
Pour revenir à la rencontre d’Alger de la semaine dernière, même si les personnes interviewées à la fin de la rencontre (Ahmada Ag Bibi pour l’Alliance et un membre de la délégation gouvernementale) rassurent, on peut déduire de leurs interventions que la résolution du problème du Nord n’est pas pour demain. Les divergences entre gouvernement et l’Alliance se situeraient au niveau du développement de la région de Kidal.
L’Alliance souhaite une accélération de ce processus, la construction de routes… Elle exige surtout la réinsertion socioéconomique de ses ex-combattants conformément aux termes de l’Accord d’Alger. « Ce qui reste à faire, c’est les réinsertions socioéconomiques des ex-éléments de l’Alliance déjà identifiés en partie. Sans oublier le développement de la région à travers les routes et d’autres infrastructures de base… Certes, il reste beaucoup à faire, mais la confiance s’installe. C’est l’essentiel », a déclaré M. Ag Bibi sur RFI. Toutefois, il pense que « les autorités n’ont pas tenu toutes leurs promesses ».
Pour rappel, l’Accord d’Alger a été signé le 4 juillet 2006 dans la capitale algérienne par le général Kafougouna Koné et les chefs de l’Alliance. Très décrié par une grande partie des populations maliennes, il prévoit une accélération du développement du Nord du Mali, la création d’unités spéciales de sécurité, l’allégement du dispositif sécuritaire autour de Kidal, mais aussi la remise des armes dérobées par les ex-rebelles et leur réinsertion socioéconomique.
Même si les interviewées n’en ont pas fait cas, on peut s’imaginer que le point relatif à la remise des armes emportées lors de l’insurrection à Kidal et Ménaka, reste un point d’achoppement. En effet, il serait suicidaire pour l’Etat de ne pas veiller à ce que toutes les armes dérobées par les insurgés soient restituées. Or, apparemment, cette exigence semble difficile à exécuter à cause de la mauvaise volonté des ex-combattants de l’Alliance. C’est l’une des multiples raisons pour lesquelles des voix s’étaient élevées pour dénoncer l’Accord.
« Ce n’est pas facile d’appliquer cet accord d’un seul coup. Nous gérons le problème ici au Mali avec un rythme acceptable devant toutes les opinions, c’est une collaboration entre les deux camps, dont les cadres politiques », a expliqué le député malien membre de la délégation gouvernementale qui reconnaît aujourd’hui la difficulté à mettre en œuvre l’Accord.
Tout porte à croire que la récente rencontre d’Alger a été un échec retentissant. Sinon comment expliquer la naissance subite de « l’Alliance Touareg Niger-Mali » (ATNM) ? Selon RFI, ce mouvement est fondé par « plusieurs groupes de Touaregs qui ont décidé de se rapprocher de la rébellion qui sévit au nord du Niger pour demander une renégociation des Accords d’Alger ».
S’il ne s’agit pas d’une internationalisation du problème du Nord, toujours est-il que la création de ATNM est la preuve de l’incapacité de nos autorités à prendre à bras le corps la crise qui perdure depuis un an et un mois. Elle donne de plus raison à ceux qui étaient opposés, non pas à la signature de l’Accord d’Alger, mais au fait qu’il a été mal négocié par l’Etat.
Denis Koné
24 août 2007.