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C’est aux environs de 5 h du matin ce mardi 23 mai, que des groupes armés ont attaqué les deux camps militaires de Kidal avant de l’occuper. Ensuite, ils ont pris la gendarmerie. Des dizaines de soldats ont été faits prisonniers, autant ont pris la tangente pour disparaître dans le grand désert.

Le gouverneur de la région, les membres de son cabinet, les chefs de service, les sous-officiers et officiers ont tous été arrêtés par les assaillants. La ville est entièrement entre les mains des désormais rebelles qui multiplient les coups de fusil. Partout, c’est le crépitement des armes. Conséquences : plusieurs morts dont deux militaires et un policier ont été enregistrés, des centaines de personnes ont fui la ville.

A Ménaka, le Commandant Moussa Bah de la gendarmerie a pillé les armes de sa Compagnie avant d’attaquer la garde nationale de la localité. Il semble que Tessalit et Abeïbara soient également tombés entre les mains des rebelles, dirigés par l’officier déserteur de la Garde Nationale, Hassane Fagaga.

Celui-ci, soutenu par plusieurs chefs de fraction et de tribu avait réclamé une « large autonomie » pour la région de Kidal. Déjà, dans L’Indépendant N°1454 du lundi 24 avril, dans un article intitulé : « nouvelle menace de partition du territoire malien, Kidal réclame une large autonomie ; le Général Kafougouna dit niet« , nous avions posé la problématique et suscité le débat dans plusieurs de nos parutions.

Les lecteurs se rappellent de l’opposition du député Bajan Ag Hamatou de Ménaka à toute velléité d’autonomie (L’Indépendant N°1455 du mardi 25 avril) avant de se rétracter en déclarant : « Oui à l’autonomie de Kidal si elle permet le développement« .

Dans la même parution, votre fidèle serviteur avait battu en brèche cette position en invitant le petit fils de Firhoun Amenokal à ne pas tourner casaque et à se battre davantage afin que notre devise reste la même : « Un peuple, Un but, Une foi« .

D’autres débats ont eu lieu et même sur Internet et votre quotidien préféré a même ramené ce débat dans ses colonnes, en publiant un article de l’ex-coordinateur des Mouvements et Fronts Unifiés de l’Azawad ( MFUA ), Zeidane Ag Sidalamine qui expliquait « pourquoi le Pacte National et la réinsertion des ex-combattants ont montré leurs limites« .

La tension montait à Kidal mais malgré tout, le gouvernement n’a pas réagi. Et nous n’avions pas hésité à dénoncer « le silence coupable du gouvernement et des partis politiques » (L’Indépendant N°1460 du mercredi 3 mai.

A ce sujet, nous avions écrit que : « cette attitude du gouvernement et des partis politiques, assimilable à la politique de l’autruche – enfoncer sa tête dans le sable quand souffle la tempête- vise à montrer à la face du monde que le Mali est un havre de paix dans la tourmente ouest africaine illustrée par la guerre en Côte d’Ivoire, les irruptions ethnico – régionalistes au Nigeria, les querelles politiciennes interminables au Togo et les coups d’Etat militaire ailleurs. En se taisant, le gouvernement veut donc convaincre l’opinion nationale voire internationale que le problème n’existe pas. Et les formations politiques, qui soutiennent aveuglement le président, championnes dans l’unanimisme à la sauce ATT, sont obligées de suivre la voie tracée par le prince du jour« .

Les députés qui ont voulu interpeller le gouvernement sur cette question, suite à nos nombreuses informations sur la situation à Kidal, ont été dissuadés par Koulouba. C’était le black out total.

Le gouvernement se croyait suffisant et assez fort pour résoudre la question dans la plus grande opacité. Mal lui en prit puisqu’au grand jour, le monde entier a su qu’il y a eu des crépitements d’armes à Kidal.

Le problème s’est aggravé et a pris des proportions inquiétantes avec mort d’hommes. On aurait pu faire l’économie de cette crise si l’Etat s’était assumé, en prenant le problème à bras le corps.

C’est dommage que chez nous, on préfère attendre, comme les Gaulois, que « le ciel nous tombe sur la tête« .

Chahana TAKIOU

Deux militaires gouvernementaux tués

Des rebelles touaregs présumés ont occupé mardi la garnison de Kidal, dans le nord-est du Mali, après s’être emparé de plusieurs camps militaires, a-t-on appris de sources militaires et auprès de témoins.

Les assaillants, qui seraient commandés par un ancien officier déserteur de l’armée nationale, étaient équipés de camionnettes armées de mitrailleuses pour lancer à l’aube l’assaut contre cette ville située à un millier de km au nord-est de Bamako, au pied du massif de l’Adrar des Ifoghas, aux confins de l’Algérie et du Niger. « Ils ont pris toute la ville« , a confirmé à Reuters le correspondant à Kidal de l’Agence malienne de presse et de publicité, Jean-Pierre Tita.

Deux stations de radio locales ont été occupées et des véhicules saisis par les assaillants.
D’après un porte-parole militaire malien, un camp de l’armée a également été pris à Menaka, à 300 km au sud-est de Kidal, non loin de la frontière avec le Niger.

« Ils ont lancé une attaque-surprise à l’aube, nos forces se sont repliées de façon tactique pour pouvoir mieux riposter. A l’heure où je parle, nous maîtrisons la situation et je peux vous dire que Kidal sera libéré dans les heures qui viennent« , a déclaré Nouhoum Togo, porte-parole du ministère de la Défense, en faisant état de victimes civiles.

Des rafales de tirs retentissaient toujours plusieurs heures après l’attaque de Kidal.
Cette localité avait été le point de départ de plusieurs soulèvements dans les années 1960, puis au début des années 1990, de nomades touaregs qui s’estimaient négligés et marginalisés par le pouvoir central.

Les deux camps ont fini par faire une paix prévoyant, notamment, une intégration de combattants rebelles au sein de l’armée, mais sans faire taire totalement une agitation sporadique.

Un bataillon en renfort

« J’ai vu les corps de deux soldats morts et de quatre blessés graves que nous ne pouvons pas amener à l’hôpital parce que la ville est toujours occupée« , a déclaré le commissaire de police de Kidal, Mady Fofana.

Pour les spécialistes de la question, la révolte touarègue n’est pas totalement supprimée et reste en sommeil dans ce pays sahélien enclavé qui est l’un des plus déshérités de la planète malgré son coton.

Selon une source militaire, les assaillants seraient des partisans du lieutenant-colonel Hassan Fagaga, un ancien officier et rebelle touareg qui a déserté avec un groupe d’hommes en février. « ll s’agit de partisans de Fagaga, de déserteurs« , a précisé cette source, sous le sceau de l’anonymat.

D’après des responsables militaires, un bataillon de l’armée a été dépêché à partir de Gao, une ville située sur la courbe du fleuve Niger, à environ 300 km au sud-ouest de Kidal, pour tenter de libérer cette localité.

Redoutant une infiltration des islamistes radicaux du GSPC, en provenance de l’Algérie voisine, les Etats-Unis ont mis en place un programme d’aide et de formation de l’armée malienne à la lutte contre le terrorisme.

L’attaque de Kidal survient un mois après la visite sur place du colonel Mouamar Kadhafi, qui avait ouvert un consulat de Libye dans cette région propice au banditisme, qui regorge d’armes et qui, traditionnellement, échappe largement au contrôle du gouvernement de Bamako. Elle coïncide aussi avec la visite au Mali du rocker irlandais Bono, inlassable défenseur de la cause de l’aide au développement de l’Afrique.

JLF

24 mai 2006.