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Le président français, Nicolas Sarkozy, a fait un bref séjour à Bamako hier tard dans la nuit.Il était environ minuit quand l’airbus F-RBFB transportant le président français atterrissait à l’aéroport de Bamako-Sénou. A sa descente d’avion, il a été accueilli par le président de la République, Amadou Toumani Touré. Parmi les autres personnalités présentes à l’accueil, il y avait le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Moctar Ouane et d’autres membres du gouvernement, l’ambassadeur de France, Michel Reveyrand De Menthon, le maire du district de Bamako, Adama Sangaré.

Après l’exécution des hymnes nationaux, les deux hommes d’État ont passé en revue la troupe et salué le corps constitué, avant de prendre place au salon d’honneur de l’aéroport pour quelques minutes. Ensuite, le cortège s’ébranla pour le palais de Koulouba.

Là, ils ont eu un entretien en tête-à-tête. Au terme de cet entretien, les deux chefs d’État ont fait chacun une déclaration à la presse. Cette visite du président français est intervenue au lendemain de la libération du citoyen français, Pierre Karmat qui avait été enlevé en novembre 2009 à Ménaka (lire article en page 3).

jpg_sarko-att.jpgLe président français a tenu à remercier Amadou Toumani Touré pour tout ce qu’il a fait pour obtenir la libération de Pierre Karmat. « La France n’oubliera pas ce geste. Le Mali peut compter sur elle. Je veux dire au peuple du Mali que dans sa lutte contre Al Qaida, les terroristes, les assassins, la France sera à ses côtés de façon déterminée. De même qu’elle sera aux côtés des autres États de la zone géographique qui luttent contre ces terroristes. Je pense notamment à la Mauritanie et à l’Algérie. Pierre Camatte est en vie, mais sans le président ATT, l’issue fatale était absolument certaine », a-t-il déclaré.

« C’est l’occasion pour nous de penser au malheureux otage anglais qui a été égorgé, aux trois otages espagnols et italiens. Le Mali n’est pas seul, la France est à ses côtés et approuve pleinement la décision du président Touré. Nous avons tenu à venir à Bamako parce que nous avons considéré que ce geste est extrêmement important, pour apporter le témoignage de notre gratitude.

De la même façon, nos collaborateurs viendront travailler avec ceux du président ATT pour savoir dans quelle mesure on peut aider le Mali dans son combat et assurer la stabilité et la sécurité dans son si vaste espace national », a-t-il ajouté.

En prenant la parole à son tour, le président Touré s’est dit très touché par la visite surprise du président français dans notre pays. Le chef de l’État a saisi l’opportunité pour mettre les points sur les « i ». « Le Mali, a-t-il dit, est aussi victime et otage de cette situation. Voilà une histoire qui ne nous regarde pas, des salafistes qui ne sont pas maliens. Toutes les menaces qui ont fleuri dans la bande sahélo-saharienne sont des menaces transfrontalières. Aucune de ces menaces n’est née au Mali et aucune n’est destinée au Mali. Nous sommes des otages lorsque des otages sont pris.

Si Pierre Karmat avait été exécuté, certains diraient que nous avons laissé faire. Maintenant qu’il a pu être sauvé, d’autres disent que le Mali a fait preuve de faiblesse, de laxisme et qu’il n’est pas dur dans la lutte contre le terrorisme. Je ne pouvais à aucune manière laisser exécuter Pierre Karmat qui a décidé librement de venir vivre avec nous pendant des années. Cela aurait été une bêtise monumentale », a dit le chef de l’État.

Concernant les quatre terroristes qui ont été jugés, le président Touré dira qu’ils « n’ont pas posé un acte terroriste avéré sur le territoire malien. Cependant ils sont entrés sur notre territoire sans visas, et d’autre part ils avaient des armes de guerre que nous avons récupérées. Et nous avons fait appel à tous les pays d’origine et même d’autres pour venir les entendre, faire des enquêtes et pour venir partager avec nous les matériels que nous avons retirés. Aucun de ces pays ne peut me dire qu’il n’a pas envoyé ses services pour venir travailler avec nous ».

Le président Touré a indiqué qu’à ceux qui pensent que le jugement de ces terroristes a été clément et que tout a été fait pour que Pierre Karmat soit libéré, il répondrait : « on aurait tout fait pour que Pierre parte et rentre en famille parce que pour nous, il n’était plus seulement un otage français, mais aussi un otage malien ».

Amadou Toumani Touré est convaincu que le Mali était obligé de faire quelque chose pour sortir Pierre Karmat de cette situation. « A ceux qui pensent que le Mali ne fait rien pour lutter contre le terrorisme, je réponds que nous avons signé des accords des patrouilles mixtes avec nos voisins », a poursuivi le chef de l’État.

Le président Touré a aussi rappelé que depuis des années, il appelle à la tenue d’un sommet des chefs d’État de la bande sahélo-saharienne sur la lutte contre la criminalité transfrontalière.

Il a dit ne pas comprendre pourquoi d’autres Etats n’ont pas jusqu’à présent réagi à cette proposition.

A ce propos, le chef de l’État a déploré le déficit de coopération sous-régionale en matière de lutte contre le terrorisme et la criminalité. Il a donc lancé un appel aux pays voisins, notamment la Mauritanie et à l’Algérie pour se mettre ensemble pour nettoyer toute la bande sahélo-saharienne.

Madiba Keïta, Souleymane Doumbia

L’Essor du 25 Février 2010.

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Sarkozy à Bamako : Une escale pour Camatte

Si en juillet 2008, Sarko n’avait pu se rendre dans le maquis colombien pour ramener Ingrid Bettancourt qui venait d’être libérée de force, il aura pu, au moins, faire l’escale de Bamako pour serrer la main de Pierre Camatte fraîchement relâché par l’Emir salafiste Abouzeid depuis les contreforts de Tegargar, dans la Région de Kidal.

jpg_camatte-liberation.jpgPar ce détour qui prend beaucoup du temps d’un chef d’État et qui est peu indiqué pour la couche d’ozone surtout pour un militant chevronné de Copenhague, tout cela, de surcroît, pour un blédard vosgien que son turban a bien failli pendre, le président français donne plus de valeur à la citoyenneté française.

Un citoyen ordinaire en Afrique, jouir d’un tel privilège ? Ceci relèverait de la fable. C’est donc cela la première leçon que Nicolas Sarkozy nous enseigne en venant recevoir son compatriote des mains du président Touré. Y a-t-il d’autres leçons ?

Sans doute, mais les signaux qu’envoie ce voyage impromptu sont plus importants. Commençons par le tout premier : même le Figaro avait annoncé le Mali comme première destination africaine du président Sarkozy dans la foulée de son élection 2007 et dans le cadre du meurtre promis et attendu de la Françafrique.

La Realpolitik l’a voulu autrement : Bamako le cédera à Niamey pour cause d’uranium, Dakar (parce que Segolène Royal y déclarait des racines ?), Libreville (deux fois) et Luanda pour le pétrole, sans doute et enfin Brazzaville pour la symbolique d’un second discours de la valence de celui de 1945 par un certain De Gaule.

Ce que quatorze millions de Maliens n’ont pas pu avoir, Camatte l’aura eu. Il est vrai, et c’est le second message, la présence du Français aux côtés de son homologue malien, est pour ce dernier une source de réconfort au moment où deux voisins -l’Algérie et la Mauritanie- qui partagent avec le Mali environ 3000 km de frontière ont clairement signifié leur désaccord vis-à-vis du traitement de l’affaire Camatte.

Ce n’est pas, cependant, du maître de l’Elysée, la présence de quelques heures sur les bords du fleuve Niger qui recollerait les trous de la jarre percée. Il faut plus de travail et c’est normal que nous attendions Sarkozy sur ce front.

Or demain, il ne sera plus à Bamako, et Paris rouvrira le dossier de l’immigration malienne. Pire, si la Mauritanie est influençable et même là le poids de Washington n’est pas à ignorer, il n’est pas sûr qu’une quelconque pression marcherait sur Alger avec laquelle Paris a d’ailleurs un contentieux historique aussi passionnel qu’inextricable.

Camatte aura laissé ses plantes médicinales à Menaka. Et Sarko, qui a un bilan intérieur à défendre et un nouveau mandat à briguer, ne penserait pas alors à ATT en se rasant.

B. Daou

Le Républicain du 25 Février 2010.