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Le ministre de l’Artisanat et du Tourisme, N’Diaye Ba, a mis à profit la 9ème Edition du Salon annuel qu’organise son département à la Bourse de Commerce de la capitale française pour rencontrer des chefs d’entreprises, des opérateurs touristiques, des responsables d’ONG et des journalistes français. Et leur transmettre le message suivant : le Mali est un pays sécurisé et seul un complot politico-médiatique peut expliquer la mise en rouge de la majeure partie de son territoire dans le dispositif d’alerte créé sur le site internet du ministère français des Affaires étrangères. Lequel est en train de tuer le tourisme malien, vital pour les populations du Nord car constituant leur principale source de revenu.

Depuis l’enlèvement de Pierre Camatte par AQMI, en novembre 2009, suivi, heureusement, de sa libération en février 2010, le Nord Mali est classé zone dangereuse par le gouvernement français. A travers le site internet du Quai d’Orsay, raccourci désignant le ministère des Affaires étrangères, il déconseille formellement aux ressortissants de l’hexagone de s’aventurer dans cette zone.

Avec l’exécution de Michel Germaneau, conséquence tragique du raid franco-mauritanien du 22 juillet dernier visant à le libérer de force, le niveau d’alerte est non seulement passé de l’orange au rouge, mais la zone déconseillée à la fréquentation s’étend désormais à la quasi-totalité du pays puisque touchant la région de Ségou, à moins de 200 km de Bamako. Parallèlement, un dispositif législatif hautement répressif est mis en place : tout Français qui se ferait enlever dans cette zone déclarée interdite remboursera jusqu’au dernier centime les frais occasionnés par sa recherche et sa mise en liberté s’il y a lieu.

Quant à l’organisateur de son voyage, il s’expose à de fortes amendes voire à une peine d’emprisonnement.

C’était largement suffisant pour que le tourisme s’effondre dans les trois régions du nord, surtout à Gao et Tombouctou. L’afflux des touristes y a chuté de 50% sur les neuf premiers mois de 2010 par rapport à la saison précédente 2009. Chez les artisans du marché Washington de la cité des Askia et des souks de la cité des 333 saints, c’est le désarroi total. Ils vivent des achats d’objets de souvenirs effectués par les touristes, français en majorité. Et quand ceux-ci sont aux abonnés absents…

Les hôteliers aussi font grise mine. Le secteur de l’hôtellerie a connu un formidable essor, au cours des dernières années, avec la création de nouvelles unités, la mise à niveau d’autres. Il a généré des centaines d’emplois qui font vivre un nombre considérable de familles. En fait, c’est toute la population du Nord Mali qui souffre, d’une manière ou d’une autre, de la mise en quarantaine décrétée par Paris, le tourisme étant au cœur de l’économie de cette zone. Et lorsque cette mise en quarantaine est étendue à la région de Mopti, qui abrite le pays Dogon et ses fabuleux trésors et la région de Ségou, berceau du royaume bamanan, on comprend que les hauts responsables maliens, en particulier ceux qui ont en charge la promotion du tourisme, ne puissent pas rester indifférents.

Le premier d’entre eux, N’Diaye Ba, se trouvait à Paris pour la 9ème édition du Salon de l’Artisanat et du Tourisme du Mali, qui s’est déroulée à la Bourse de Commerce du 29 septembre au 3 octobre. Il a mis à profit cette opportunité pour lancer une véritable offensive visant à redresser l’image de marque du Mali auprès de tous les Français qui travaillent sur le Mali ou s’intéressent au Mali : chefs d’entreprises, opérateurs touristiques, responsables d’ONG, journalistes.

Au cours de rencontres séparées qu’il a eues avec les uns et les autres, N’Diaye Ba leur a délivré le même message :  » Le Mali est un pays de paix, de sécurité, de stabilité, en pleine croissance et où il fait plutôt bon d’investir. Il a su trouver en son propre sein le mécanisme idoine pour rétablir la paix momentanément troublée dans la région de Kidal et ce mécanisme fait désormais école en Afrique et est cité en exemple ailleurs dans le monde.

Côté insécurité, Pierre Camatte a été l’unique otage enlevé au Mali, depuis le temps que cette pratique sévit dans la bande sahélo-saharienne. Et, heureusement, grâce à l’implication personnelle du président ATT, il a recouvré la liberté et retrouvé sa famille en France. Avant lui, d’autres otages, européens et canadiens, capturés ailleurs, avaient été libérés au Mali. Plutôt que d’être indexé comme un pays où l’on enlève des gens pour réclamer des rançons, faute de quoi ils passent de la vie à trépas, le Mali devrait être présenté comme un pays où ils accèdent au salut et à la plénitude le leur mouvement. Et être félicité comme tel, ainsi que Sarkozy n’a pas manqué de le faire pour le cas Camatte.

Ce n’est donc pas un pays de non sécurité, mais bien de sécurité. Et le meilleur baromètre en la matière est l’ONU dont une mission vient de séjourner plusieurs semaines au Nord Mali pour visiter des programmes de développement financés par cette organisation. Elle a sillonné en long et en large toute la zone sans être inquiétée le moins du monde et est repartie avec le sentiment que lesdits programmes évoluent de façon positive. Nous ne comprenons donc que Paris mette le Mali en zone rouge jusqu’à Ségou (ce qui est tout à fait ridicule) à moins qu’il y ait d’autres considérations qui n’ont rien à voir avec la question sécuritaire. Je pense, notamment, à la convention sur l’immigration « .

Le mot est lâché. Cette convention sur l’immigration constitue le sujet qui fâche entre Paris et Bamako. Nombre de pays africains l’ont signée vite fait des deux mains. Le président ATT, lui, continue à faire de la résistance malgré les multiples déplacements effectués dans la capitale malienne par Eric Besson, le ministre français en charge de l’immigration. Un officiel français aurait confié à un ministre malien :  » Vous paierez cher votre refus de signer cette convention». Beaucoup estiment -N’Diaye Ba avec eux, que le Mali est en train de subir les représailles de l’Elysée pour son refus de signer le document qui comptera dans le bilan du quinquénat du président français.

En mettant les trois-quart de son territoire en rouge, Paris décrète la mise à mort de son tourisme et espère bien l’obliger, par cette méthode, à s’exécuter.

Pour le ministre de l’Artisanat et du Tourisme, il est regrettable que la presse française, consciemment ou inconsciemment, serve de relais à cette attitude qui nuit à la fois aux intérêts maliens (notamment la lutte contre la pauvreté dont la France est, par ailleurs, l’un des meilleurs soutiens) et aux intérêts français. En effet, les opérateurs touristiques français opérant sur le Mali perdent de l’argent, de même que les promoteurs hôteliers des régions septentrionales qui sont, pour la plupart, des Français.

N’Diaye Ba de plaider donc pour un retour rapide à la normale, le tourisme étant, selon lui  » un facteur de stabilité, de création de richesse, de développement qu’il faut préserver à tout prix « . Il indiquera à ses interlocuteurs que  » le risque zéro n’existe nulle part au monde  » que «  l’insécurité est devenue un fléau planétaire  » que  » des touristes ont été tués avec des explosifs dans de grands pays touristiques africains mais que jamais ces pays n’ont été frappés d’une décision d’interdiction de visite « . Il les assurera qu’en tout état de cause, des mesures sécuritaires ont été prises par les autorités maliennes partout où elles s’avèrent nécessaires.

Au-delà de la question sécuritaire et du péril qu’elle fait peser sur le tourisme qui occupe le troisième rang dans l’économie nationale après l’or et le coton, N’Diaye Ba s’est évertué à brosser du Mali un tableau des plus attractifs. C’est, à le croire, le pays de l’espace UEMOA à avoir réalisé le plus fort taux de croissance, à avoir respecté au mieux les critères de convergence, à engranger les meilleurs résultats dans l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD).

C’est aussi le pays qui, en quelques petites années, est passé d’un état de déficit alimentaire chronique à celui d’autosuffisance alimentaire. Mieux, il exporte désormais le riz vers ses voisins. Le Mali, c’est également une plate-forme aéroportuaire en construction qui coûtera 360 milliards de FCFA et en fera un hub pour l’Afrique de l’Ouest, c’est le barrage de Taoussa qui reverdira le Nord Mali et y générera la prospérité, une industrie minière et pétrolière florissante dans les années à venir.

Autant de raisons pour lesquelles les Français doivent miser sur le Mali, selon N’Diaye Ba.

Ces propos, qui se voulaient rassurants, voire alléchants, ont été assez ben accueillis par les interlocuteurs du ministre de l’Artisanat et du Tourisme. Des investisseurs ont manifesté ou réitéré leur intérêt pour le Mali. De vieux amis du Mali tel Maurice Freund, le PDG de Point Afrique, élevé à la dignité d’Officier de l’Ordre National du Mali pour sa contribution au développement du tourisme malien, ont dénoncé l’attitude discriminatoire du Quai d’Orsay qui consiste à mettre le Mali et la Mauritanie en rouge et l’Algérie en orange alors que ce  » pays est infiniment plus dangereux « .

Il est vrai, a-t-il ajouté que «  l’Algérie fournit la France en pétrole et en gaz et que l’Elysée, qui prend les vraies décisions en France, est renseigné surtout à partir de sources américaine et algérienne « .

Plusieurs tour operators ont souhaité reprendre leur activité sur le Mali. Des ONG ont exprimé leur volonté de maintenir leur présence au Mali même si elles constatent une réduction du nombre des volontaires pour notre pays.

Mais tous s’accordent sur un point : le Quai d’Orsay doit, au préalable, lever ses consignes de non fréquentation de la majeure partie du territoire malien. Et c’est au gouvernement malien de s’employer pour ce faire.A la question d’une consœur de l’AFP qui désirait savoir si N’Diaye Ba comptait mettre à profit son séjour parisien pour prendre langue avec les autorités françaises sur la question, il a répondu :  » Je ne suis pas le ministre des Affaires étrangères du Mali « .

La balle est donc dans le camp de Moctar Ouane.

Une affluence moyenne à la Bourse de Commerce mais de bonnes affaires pour certains exposants

La 9ème Edition du Salon de l’Artisanat et du Tourisme du Mali à Paris, qui s’est déroulée du 29 septembre au 3 octobre, n’a pas drainé la grande foule. On a vu mieux lors de précédentes éditions où l’on a enregistré jusqu’à 20 000 visiteurs en l’espace de quatre ou cinq jours. Cette fois-ci, l’on était largement en deçà de ce chiffre.

L’un des 42 exposants à ce rendez-vous annuel du savoir-faire malien à Paris nous avance plusieurs hypothèses pour tenter de comprendre l’affluence très modeste de cette année. Les Français rentrent de vacances, en juillet et août. Septembre, c’est le mois de la rentrée. C’est aussi la période où l’on s’acquitte des impôts. Elle n’est donc pas la mieux indiquée pour faire des achats de cadeaux. Il faudrait peut-être songer à déplacer le calendrier du Salon vers décembre, plus propice aux dépenses avec les fêtes de fin d’année.

Un autre exposant se demande s’il y a eu assez de publicité autour de l’évènement. Le chef de Cabinet du ministère de l’Artisanat et Tourisme, Oumar Hamidou Soumaré ainsi que le chargé de Communication du même département, Ousmane Kanté, présents sur les lieux, lèvent toute équivoque à ce sujet. Une campagne de proximité a été menée, assurent-ils. De nombreux dépliants, affichettes, CD ont été distribués dans le métro et auprès des associations de ressortissants maliens en France, l’ambassade du Mali en France et les foyers de migrants maliens ont été mis en contribution. Le mailing a été abondamment utilisé.

Appelée à la rescousse, Mme Sylvie Du Chaxel, qui est l’organisatrice en chef du Salon pour le compte de la Maison d’Afrique, la partenaire stratégique du ministère de l’Artisanat et du Tourisme, confirme que des annonces ont été insérées dans le Métro, un journal gratuit à grande diffusion et Pariscope, une publication spécialisée dans les spectacles et les loisirs.

Même si les Parisiens et les Maliens de France ne se sont pas bousculés sous la coupole de la Bourse de Paris, le Salon n’a pas été une mauvaise affaire pour tout le monde, loin s’en faut. Une vendeuse de tissus (bazin, bogolan, wax et autres) nous affirme qu’en une journée, elle a gagné un million et demi de FCFA, chose qui lui arrive rarement à Bamako où elle réside. Un couturier, qui est à sa toute première participation, dit avoir  » beaucoup vendu  » sans préciser le montant. Mohamed, un exposant de Tombouctou, ne cachait pas sa satisfaction :  » Puisque les touristes français ne viennent plus à nous à Tombouctou, nous venons à eux à Paris. Je suis très content parce que j’ai vendu quasiment tout ce que j’avais apporté dans ma malle « . Des articles de parure, de décoration, d’ameublement, dans la pure tradition touareg.


Un responsable touristique jubile :  » Ce qui est fantastique, c’est que les gens qui entrent ici ne ressortent jamais les mains vides « .

Outre les marchands d’objets d’art et de tissus, cette 9ème Edition a vu la participation de l’Office Malien de l’Hôtellerie et du Tourisme (OMATHO) et du Centre National de Promotion de l’Artisanat (CNPM) bien sûr, mais aussi de l’Agence de voyage Azur Plus et de la BDM-SA. Celle-ci mérite la palme de la fidélité car depuis 2001, elle n’a manqué aucune édition. A son stand où officiait Faradji Diallo, Adjoint à la Direction de la Communication et du Marketing de la banque, elle proposait, comme à l’accoutumée, sa gamme très diversifiée de produits et services.


Saouti Labass HAIDARA

L’Indépendant du

11 Octobre 2010